Total - Shell : une foi de charbonnier dans le GNL

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Les deux compagnies pétrolières ont largement investi le terrain du GNL. Elles sont les plus impliquées dans son développement, en tant qu’affréteurs de navires mais aussi comme fournisseurs de carburant, y compris marin. Total vient d’obtenir des droits pour avitailler à partir du hub mondial de soutage Singapour. Shell l'avait précédée.  

Comme annoncé le 26 février, Total Marine Fuels, filiale du groupe français, a obtenu la troisième licence que le port de Singapour, premier hub mondial d’avitaillement aux navires, a octroyé suite à son appel d’offres lancé en septembre pour élargir son panel de fournisseurs. L’Autorité Maritime et Portuaire de Singapour (MPA - Maritime and Port Authority of Singapore) veut renforcer ses capacités de soutage en GNL pour les porter à 1 Mt par an (300 opérations en ship-to-ship). Singapour détient actuellement 20 % du marché mondial de soute avec des ventes de l’ordre de 49,5 Mt/an, tous carburants confondus (+ 5 % en 2020).

Le port de Singapour compte désormais trois fournisseurs de GNL marin agréés, FueLNG, Pavilion Energy Singapore et Total Marine Fuels, qui a obtenu des droits pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2022. « Cette attribution fait suite à l’accord de 10 ans signé par Total en 2019 pour le développement d’une chaîne logistique d’avitaillement en GNL dans le port de Singapour, précise le groupe français. Elle souligne notre confiance dans le rôle que joue le gaz naturel dans la transition énergétique du secteur maritime mais aussi dans sa capacité à réduire davantage les émissions de carbone des navires, notamment grâce au développement et à la future mise sur le marché de bioGNL neutre en carbone. »  

La société continue en effet d’avoir foi dans le GNL en tant que carburant pour les navires quand bien même son ADN environnemental ne répond pas tout à fait aux exigences de l’OMI. S’il répond parfaitement aux émissions d’oxydes de soufre, de particules fines et d’oxydes d’azote qu’il « abat » quasi totalement, il ne traite que partiellement (20 %) les émissions de gaz à effet de serre. Des arguments sur lesquels d’autres lobbies s’appuient pour faire du GNL un simple carburant de transition. Le méthanol et l’hydrogène tiennent la corde dans le secteur, faisant figure de favoris même si de nombreux verrous technologiques restent à lever.

Total, fournisseur de GNL

Total et Shell sont les deux majors pétrolières les plus impliquées dans le GNL. La française a largement investi pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur : production et liquéfaction de gaz, transport et trading de GNL, regazéification…

Avec un portefeuille de participations dans des unités de production sur l’ensemble des marchés mondiaux lui assurant une capacité de production 50 Mt par an à l’horizon 2025, le français se projette en tant que deuxième acteur privé mondial du GNL avec une part de marché mondiale de l’ordre de 10 %.

Trois souteurs 

La société, présente dans la distribution du GNL en tant que carburant maritime, exploite actuellement un souteur et en attend deux autres. Le Gaz Agility (18 600 m3), qui opère depuis Rotterdam depuis quelques mois, a pour premiers clients les neuf porte-conteneurs au GNL de 23 112 EVP de CMA CGM, dont une partie est livrée. Son sistership, le Gaz Vitality, est en cours de construction chez le constructeur chinois Hudong-Zhonghua et attendu en 2022. Il alimentera à partir de Fos-sur-Mer une partie des 15 000 EVP que l’armateur français attend pour sa ligne Asie-Méditerranée. Une troisième unité de 12 000 m3 doit être livrée par le constructeur singapourien Sembcorp prochainement et sera basée à Singapour. Ils résultent de contrats d’affrètement à long terme entre Total et Mitsui O.S.K. Lines (MOL).

Total, usager du GNL pour ses transports

Dans le cadre de sa stratégie « visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime », Total a également signé des accords pour affréter deux très grands transporteurs de brut VLCC (Very Large Crude Carrier, 300 000 tpl) et quatre aframax, tous alimentés au GNL

Les deux premiers ont fait l’objet en avril 2020 d’un contrat d’affrètement à l'armateur malaisien AET et devraient être livrés en 2022. Les seconds résultent de deux accords distincts, l’un avec Hafnia et l’autre avec l’armateur norvégien Viken Shipping pour deux unités de 110 000 tpl chacune, à livrer en 2023.  

Shell, aussi impliqué dans le GNL marin

Shell est un autre grand « faiseur » dans le soutage de GNL carburant avec cinq navires, dont le Cardissa (6 500 m3) depuis 2017, la barge LNG London (3 000 m3) depuis 2019, le FueLNG Bellina et la barge Q-LNG 4000 (novembre 2020) exploité sur la côte est-américaine. Un cinquième navire de 18 000 m3 a été commandé auprès de Hyundai Mipo et est attendu en 2022. Il sera le premier souteur coréen de GNL. Le 4 mars, l’anglo-néerlandaise a annoncé l’affrètement d’un nouvel avitailleur de 5 000 m3 actuellement en construction en Espagne. 

Dans la Cité-État, FueLNG, la co-entreprise entre Shell Eastern Petroleum et Keppel offshore & marine, a brûlé la politesse à Total. Le joint-venture a réceptionné en octobre dernier le FueLNG Bellina construit par le chantier naval de Keppel à Nantong. L’avitailleur, d’une capacité de 7 500 m3 de GNL, a pour premiers clients les 14 aframax affrétés par Shell ainsi que le premier porte-conteneur de Hapag-Lloyd, le Sajir, en cours de conversion. 

Shell croit aussi au GNL pour ses propres besoins de transport. Il y a quelques jours, la major pétrolière européenne a annoncé avoir signé des accords pour l'affrètement de 10 VLCC bicarburant avec le GNL en motorisation principale.

Effondrement des tarifs d’affrètement

La flotte mondiale de méthaniers bicarburant s’élève aujourd’hui à 475 unités, marquant ainsi « une nouvelle étape dans le doublement prévu du nombre de navires à GNL en service d'ici à 2023 », indique Shell. D'ici 2023, la demande de GNL marin devrait atteindre environ 3,6 Mt alors qu’il y aura 45 navires de soutage en service, selon ses données. La société anglo-néerlandaise disposera pour sa part de 14 navires en service au GNL d’ici la fin 2021 et indique que 50 % de ses transporteurs de brut affrétés à long terme seront alimentés au GNL en 2023.

Après un début d'année 2021 en fanfare, les tarifs d’affrètement des transporteurs de GNL se sont considérablement affaissés, passés de 350 000 $/j à 30 000 $/j, alors que le niveau de rentabilité se situerait entre 40 000 et 60 000 $/j.

Adeline Descamps

 

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