Ørsted renonce à construire une usine d'e-méthanol en Europe

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Nouvelle démonstration de la difficulté à produire des carburants durables viables dans le transport maritime. Plombé par une lourde dette, le spécialiste des énergies renouvelables Ørsted renonce au projet phare de son ambitieuse filière de carburants verts. Maersk fait partie des entreprises avec lesquelles l'énergéticien danois a signé un contrat d'achat long terme.

Les esprits malicieux pourraient voir dans la décision d'Ørsted une des raisons expliquant le revirement récent opéré par Maersk à l'endroit du méthanol, qu'il a toujours ardemment défendu, mais que les difficultés d'approvisionnement dissuadent.

Le groupe a annoncé la suspension ou l'abandon (les mentions ne sont pas claires) de son projet de carburant vert pour le transport maritime, plus précisément de l’e-méthanol pour le marché du conteneur. « Le marché des biocarburants liquides en Europe se développe plus lentement que prévu. Nous avons pris la décision stratégique de réduire la priorité de nos efforts sur le marché et de cesser le développement de FlagshipONE », a annoncé Mads Nipper, président du groupe et PDG d'Ørsted, lors de la publication des résultats semestriels de l'entreprise.

Perte nette de 225 M€

Plombé par des retards et des abandons de projet, le spécialiste des énergies renouvelables a publié le 16 août une perte nette de 1,678 milliards de couronnes danoises (225 M€) pour le deuxième trimestre. Un déficit multiplié par près de trois sur un an. Sur la période avril-juin, le groupe a néanmoins enregistré un chiffre d'affaires en hausse de 3 %, à un peu plus de 2 Md€.

Les dépréciations au cours du trimestre atteignent désormais 522 M€, dont 200 M€ dus à l'arrêt de FlagshipONE qui devait démarrer en 2025.

Impossibilité de conclure des contrats à long terme

Le repli d'Ørsted témoigne en tout cas des difficultés à produire des carburants maritimes durables qui soient compétitifs. Pour justifier sa décision, le Danois évoque son impossibilité à conclure des contrats à long terme pour l'e-méthanol à un « prix viable ».

FlagshipONE a été initialement développé par une startup suédoise, Liquid Wind, qui a obtenu le soutien d'entreprises telles qu'Alfa Laval, Carbon Clean, Siemens Energy, Topsoe et Uniper, dans le cadre de ses travaux de développement d'un électrocarburant. Ørsted a initialement acquis une participation de 45 % avant d’acquérir en 2022 les 55 % restants alors qu'il était en phase de conception.

Prévu pour une capacité de 50 000 tonnes d'e-méthanol par an, l'installation devait produire de l'e-méthanol à partir de l'énergie éolienne issu d’un parc dans le nord de la Suède et de carbone biogénique provenant de l'industrie forestière voisine. Le projet s’inscrit dans un projet d’écologie industrielle plus vaste, avec partage de commodités entre entreprises locales (vapeur, eau de traitement de refroidissement) et injection de l'excédent de chaleur de la production dans le système de chauffage régional.

Accord d'achat avec Maersk

La construction de FlagshipONE, projet vitrine de l'ambitieuse filière de carburants verts d'Ørsted, a commencé en mai 2023 pour un investissement de 160 M€. L'entreprise développe également le projet Green Fuels for Denmark à Copenhague et le Project Star, d'une capacité de 300 000 t par an, sur la côte américaine du Golfe du Mexique (technologie « power-to-X »).

L'accord d'achat à long terme signé entre Maersk et l'énergéticien, portant sur 300 000 t par an, soit le plus grand volume de méthanol engagé par Maersk, concerne précisément cette installation d’une capacité de 675 MW. La technologie permet de transformer l’électricité en un autre vecteur énergétique, qui peut être un gaz de synthèse (« power to gas ») tels que l’hydrogène ou le méthane (après méthanation).

 

La décision devrait animer les discussions de couloir lors du prochain MEPC (la 82e session) où la taxe carbone devrait être débattue. Les organisations professionnelles représentant les exploitants de navires multiplient les appels en faveur d'une norme sur les carburants et d’une taxation de façon à alimenter un fonds permettant de développer des technologies de rupture et à combler les différentiels de coûts entre carburants fossiles et verts.

À l’occasion de la présentation de ses résultats du deuxième trimestre, Maersk a confirmé qu'il envisageait d'autres carburants que le méthanol, à savoir le bio-GNL (qu’il rejetait jusqu’à présent radicalement) alors qu'il s'apprête à renouveler cette année sa flotte à hauteur de 50 à 60 navires.

Ørsted, qui déclare également des retards sur un projet d'éoliennes en mer aux États-Unis (Revolution Wind, un projet de 704 MW dont la construction a commencé au large des côtes entre le Connecticut et le Rhode Island), avait déjà annulé en 2023 un projet similaire. En février, pour renforcer ses finances, la société avait en outre renoncé au versement de tout dividende sur les exercices allant de 2023 à 2025. Elle maintient néanmoins ses estimations de bénéfices pour l'année à ce stade.

Adeline Descamps
 

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