Selon les estimations de Rystad Energy, les exportations russes de brut par voie maritime ont rebondi en janvier – 3,2 millions de barils par jour (Mb/j) à la fin de la deuxième semaine de janvier –, après avoir fortement chuté en décembre en raison de l'entrée en vigueur (le 5 décembre) de l’embargo européen et du plafonnement des prix par le G7, assorti d'un mécanisme d'ajustement permettant de maintenir le plafond à 5 % en dessous du prix du marché.
« L'effet des sanctions sur le volume des exportations de pétrole brut russe n'a donc pas été aussi dévastateur que certains acteurs de l'industrie l'avaient prédit », en conclut Rystad Energy dans un rapport. Malgré les sanctions occidentales, la Russie – premier fournisseur de gaz en Europe et deuxième exportateur mondial de brut –, a continué à vendre des barils à prix réduit à des pays comme l'Inde et la Chine. L'Inde, troisième plus grand pays importateur de pétrole au monde, a ainsi augmenté ses importations de pétrole russe à 1,2 million de b/j en décembre, contre 950 000 b/j le mois précédent.
Un impact sur les prix
« La résilience des exportations maritimes russes est le résultat de la constitution d'une flotte de pétroliers par la Russie », poursuit Rystad Energy. Toutefois, la part des pétroliers opérant avec du pétrole russe qui dépendent des « services et assurances occidentaux » a chuté à 30 % après l'entrée en vigueur des dernières sanctions, contre 60 % pendant l'été.
Le plafonnement des prix a toutefois eu un effet « significatif » sur les cours du brut en provenance des ports occidentaux de la Russie - appelé Oural (Urals) - qui représente actuellement environ 45 % de toutes les exportations russes. Cette référence se vend actuellement avec une décote d'environ 40 $ par baril par rapport au prix du Brent.
Des chargements en hausse de 50 % dans les ports baltes russes
Ainsi, les chargements à partir des ports baltes russes de Primorsk et Ust-Luga en janvier devraient augmenter de 50 % par rapport à décembre, à 7,1 Mt en janvier, pour un niveau record depuis 2019, selon les plans de chargement, contre 4,7 Mt en décembre, selon les traders et les données de Refinitiv. Pour ce faire, le Kazakhstan a changé le nom du pétrole qu'il exporte via les ports maritimes russes en Kazakhstan Export Blend Crude Oil (Kebco), le dissociant du pétrole originaire de Russie pour éviter les risques de sanctions et les problèmes de financement, selon Reuters.
Un commerce plus difficile pour les produits pétroliers russes
Selon l'analyste de recherche d'Intermodal Fotis Kanatas, les pays européens ont importé 220 Mb/j de produits de type diesel de Russie en 2022. « Le déficit de produits sera très probablement couvert par le Moyen-Orient, l'Inde et les États-Unis, Abhu Dhabi National Oil Co. s'étant déjà engagée à fournir du diesel à l'Allemagne », indique le courtier.
Les exportations russes, elles, devraient se diriger vers les pays d'Amérique Latine et l'Afrique. En outre, comme la Chine et l'Inde ont toutes deux de grandes industries de raffinage, « le commerce devient beaucoup plus complexe et différent, car la Russie sera en concurrence avec elles pour les exportations » indique l’analyste.
Du point de vue de la Russie, le plafonnement des produits pétroliers serait plus douloureux que celui du pétrole brut, car « les producteurs de pétrole n'ont pas eu de réels problèmes pour trouver des navires ou des acheteurs pour transporter et importer le brut russe ». Bien que le brut russe soit vendu au rabais et que les taux élevés compriment les marges bénéficiaires, il est possible d'augmenter les exportations globales de brut pour compenser les produits. Cela signifie que les pétroliers tels que les suezmax, les VLCC et les aframax pourraient être sollicités car la Russie augmente sa production et ses exportations de pétrole.
Les raffineurs américains, le vent en poupe
Les exportations de diesel russe, livrées et en route vers l'UE, la Norvège et le Royaume-Uni, se sont élevées en moyenne à 448 000 b/j au cours des 18 premiers jours de janvier, en baisse par rapport aux 663 000 b/j de décembre et aux niveaux d'avant-épidémie de 670 000 b/j au début de 2022, selon les données de S&P Global Commodities at Sea. En conséquence, le diesel russe représente 27 % du total des importations européennes de 1,69 million b/j sur la période, selon les données.
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les raffineurs américains sont devenus la principale source d'approvisionnement de l'Europe, selon les données des pétroliers, qui ont expédié un volume record de 237 000 b/j vers la région jusqu'à présent en janvier, contre 34 000 b/j au début de 2022.
La dépendance de l'Europe au diesel du Moyen-Orient devait en outre augmenter avec la montée en puissance de la raffinerie d'Al Zour au Koweït, de l'usine de Jazan en Arabie saoudite, de Karbala en Irak et de la raffinerie de Duqm à Oman.
L’Asie et l’Inde en relais
Depuis la guerre, les importations de diesel de l'Europe proviennent également de plus loin, à l'Est. Les flux de gazole en provenance de la Chine et de la Malaisie ont fortement augmenté par rapport aux niveaux de décembre pour atteindre un total de 77 000 b/j, tandis que les exportations depuis l'Inde se sont établies à 105 000 b/j, contre un record de 230 000 b/j le mois dernier. Au total, les flux de diesel asiatiques vers l'Europe étaient supérieurs d'environ 150 000 b/j aux niveaux d'avant-épidémie.
Les analystes de S&P Global Commodity Insights estiment que les volumes de production de pétrole russe baisseront de 600 000 b/j après février, des perturbations plus importantes devraient alors se matérialiser dans les flux du marché.
A.D.