« Les discussions entre les parties sont bien avancées. Cependant, il n'y a aucune certitude qu’elles aboutiront à un accord (…) Si les négociations parviennent à un accord formel, celui-ci sera soumis aux autorisations habituelles de la concurrence et aux procédures d'approbation requises auprès des autorités des marchés financiers en Belgique et aux États-Unis », peut-on lire dans les communiqués écrits dans les mêmes termes mais envoyés distinctement par les deux parties, Euronav et Frontline.
Acculés par des fuites dans la presse à l'issue du week-end dernier, qui ont provoqué une volatilité du cours de l'action Euronav sur Euronext Brussels (+ 17,62 % à 16,35 euros vers 14h50 GMT) et une suspension de la cotation, l’armateur belge de tankers et son homologue norvégien ont fini par révéler qu’ils étaient parvenus à un accord permettant à cette dernière de sortir de « l'impasse stratégique et structurelle » selon les mots d'Euronav.
Les deux géants du transport maritime de pétrole devaient fusionner avant que Frontline ne jette l'éponge en janvier 2022 et qu'Euronav n'intente une procédure d'arbitrage contre Frontline pour rupture unilatérale d'un accord.
L'opération de fusion devait donner naissance au premier groupe de transport pétrolier coté au monde avec une flotte composée de 69 très gros transporteurs de brut (VLCC), de 57 suezmax et 20 LR2/aframax.
CMB reprend le contrôle
Selon les termes des négociations en cours, la société Compagnie Maritime Belge (CMB), actionnaire d'Euronav à hauteur 22,93 %, acquerrait la participation de 26,12 % détenue par Frontline dans le groupe belge de transport maritime pour 18,43 $ par action, ce qui ouvrirait la voie à une OPA obligatoire au même prix.
De son côté, Frontline mettra la main sur 24 VLCC de sa rivale belge pour 2,35 Md$, que la société financera par la vente des actions Euronav et par des dettes à long terme.
Ces propositions doivent désormais être soumises à l'approbation des actionnaires lors d'une assemblée générale extraordinaire.
L'action en arbitrage en cours d’Euronav contre Frontline sera close à l’issue de la vente des actions.
Une opération controversée
Elle mettrait donc fin à une histoire qui remonte au 19 mai 2022 lorsque le projet de fusion avait été approuvé lors de l’assemblée générale annuelle d’Euronav et scellé par un accord définitif en juillet de la même année.
Depuis, les deux principaux actionnaires d’Euronav, l’homme d’affaires John Fredriksen et la Compagnie maritime belge (CMB), détenue par la famille Saverys, se sont livrés à une course à l’actionnariat sans fin pour prendre le contrôle d'Euronav et décider de son avenir.
L’opération de fusion prévoyait sur le plan capitalistique un échange d’actions si bien que le capital de la nouvelle société aurait été aux mains des actionnaires d'Euronav à hauteur de 55 % et le solde détenu par ceux de Frontline.
Mais en janvier 2023, énième coup de théâtre, Frontline, dont l’homme d’affaires John Fredriksen est aussi actionnaire, annonce son retrait unilatéral.
Issue d'une impasse ?
Dans cette série particulièrement rythmée, on ignore si la bataille d’influence entre les principaux actionnaires de l’armateur belge Euronav et de son homologue norvégien a fini par lasser les autres actionnaires. Si, dans ce dossier à rebondissements, tout était à peu près envisageable, une renonciation aussi rapide d’une des parties prenantes a fait l'effet d'un coup de théâtre. D’autant qu’aux manœuvres de part et d’autre, les deux candidats à la fusion ont toujours opposé le maintien du calendrier de l’OPA (alors prévue au premier trimestre 2023).
Alexandre Saverys, président de la Compagnie maritime belge (CMB), société à l’origine de la création d’Euronav, aura usé de toute son influence méthodique et intelligence tactique pour faire capoter le projet auquel il n’a jamais adhéré.
Le dirigeant, issu d’une famille d’armateurs anversois, craignait une concurrence fratricide sur un plan commercial, redoutait des problèmes de gouvernance et surtout n’était absolument pas convaincu par le gain de valeur. Mais surtout, il partage une autre vision pour le devenir du transporteur de brut qu’il souhaite inscrire dans des projets verts en phase avec sa filiale CMB Tech qui développe des navires basés sur une nouvelle génération de carburants non fossiles.
Pour autant, l’histoire n’était pas pour autant close. Jusqu'à cet accord. En février 2023, la direction d’Euronav avait été déboutée de sa demande d'arbitrage contre Frontline, échouant dans sa tentative juridique d'empêcher sa nouvelle rivale de sortir de la fusion. Depuis, c'était l'impasse.
Adeline Descamps
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