Puissant grâce à ses terres regorgeant de richesses, le Brésil pèse sur les marchés agricoles mondiaux. Il devient une sérieuse menace pour les États-Unis, premier exportateur mondial, triomphant depuis des décennies.
Aidé par un nouvel accord d'approvisionnement avec la Chine, l’amélioration continue de la technologie des semences, des surfaces de plantation encore extensibles, le géant sud-américian est en passe d’être le premier fournisseur mondial pour la seconde fois en une saison.
Industrie américaine à la peine
L’industrie américaine du maïs, qui pèse 90 Md$, voit, elle, ses parts de marché s’éroder en raison d’un cumul de facteurs. Le Mexique, l'autre grand marché nord-américain, se prépare de son côté à limiter les importations de maïs génétiquement modifié, qui représente plus de 90 % de toutes les récoltes américaines.
La demande intérieure pour l'alimentation du bétail et la production d'éthanol s'est par ailleurs ralentie. « Lorsque nous examinons la demande de maïs américain à long terme, nous nous demandons d'où peuvent venir les nouvelles demandes », a confié à Reuters Stephen Nicholson, analyste « céréales et oléagineux » chez Rabobank, spécialisé dans les prêts agricoles. « Le Brésil est susceptible de prendre une plus grande part du marché mondial. L'éthanol a probablement atteint son apogée et les protéines animales ne vont probablement pas croître assez rapidement ».
Remake du soja
La situation ressemble à s’y méprendre au déclin du soja américain il y a dix ans, lorsque le Brésil a augmenté sa production pour répondre à l'explosion de la demande chinoise et a fini par s'emparer de la première place des fournisseurs en 2013.
Aujourd’hui, la plus grande puissance émergente domine le marché mondial des exportations de soja pendant huit mois de l'année. Le Brésil est également le premier exportateur mondial de volaille, de café et de sucre.
Les expéditions de maïs brésilien devraient inonder le marché mondial à partir de juillet et jusqu'à la récolte d'automne des États-Unis. En effet, contrairement aux États-Unis, le Brésil produit chaque année deux récoltes de maïs sur ses terres tropicales.
En grand faiseur de rois, la Chine
Malgré une demande limitée, les agriculteurs américains ont augmenté leurs semis de maïs cette année pour atteindre le niveau le plus élevé de la décennie, encouragés par la baisse des coûts des semences et des engrais et par de bonnes conditions météorologiques, a indiqué le gouvernement américain.
Grand faiseur de rois, la politique agricole de la Chine a influencé le cours des choses. En élargissant sa liste d'installations d'exportation de maïs brésilien agréées à la fin de l'année dernière, Pékin a relancé les expéditions en provenance du Brésil. Un autre domaine où la guerre aux portes de l’Europe a reconfiguré le sourcing.
Avant, la majeure partie des importations de maïs de la Chine provenait des États-Unis et de l'Ukraine. Selon les données du ministère américain de l'agriculture (USDA), arrêtées à mi-juin, les ventes de maïs américain à l'exportation vers la Chine pour expédition avant la prochaine récolte étaient en baisse de 48 % par rapport à l'année précédente.
Annulation d'un grand nombre d'achats
Les ventes totales en avril et en mai avaient déjà été les plus faibles depuis au moins 22 ans, a précisé le ministère. Au cours de cette période, trois semaines auraient été marquées par l'annulation d'un plus grand nombre d'achats que de réservations.
Les importations globales de maïs de la Chine sont en baisse d'environ 10 % cette année, selon les données officielles des douanes, car les acheteurs chinois attendent précisément une offre abondante de maïs brésilien bon marché dans les mois à venir. Les négociants font part d’un écart de prix, jusqu’à 30 $ par tonne métrique, par rapport à ce qui est pratiqué dans les ports américains de la côte du golfe du Mexique.
En grande faiblesse
Dans sa dernière communication, l’USDA estime que les exportations américaines de maïs pour la campagne 2022/23 qui se termine le 31 août devraient s’établir à 43,8 Mt, soit le niveau le plus bas de la décennie, représentant une part de 24,8 % du commerce mondial. La dernière fois que le continent nord-américain avait été dans une telle faiblesse date de 2012/13, lorsqu'une grave sécheresse avait réduit la production et fait flamber les prix.
Les autorités américaines projettent une saison 2023/24 à 53,3 Mt, tout de loin des 55 Mt attendus cette saison pour le Brésil.
Adeline Descamps