Ce fut une nouvelle séquence hebdomadaire riche en expérimentations. Les initiatives se bousculent sur l’autel médiatique. Il reste difficile de toutes les mettre sur le compte des échéances environnementales à venir. Elles viennent en tout cas se greffer à un agenda qui exploitera graduellement les 44 nuances de vert.
Après avoir commandé 19 porte-conteneurs en mesure de carburer au méthanol vert quand il sera disponible, Maersk vient d’annoncer qu’il allait convertir un premier navire de sa flotte existante, prévoyant une bonne dizaine de modernisations à horizon 2027.
Dans quelques jours doit s’ouvrir une session stratégique à l’OMI. Les délégués des pays membres sont attendus début juillet pour la 80e session du Comité de protection du milieu marin (MEPC) où ils devront arbitrer en faveur d’un changement de braquet et d’un resserrement des objectifs pour tendre vers un zéro net émissions d’ici 2050 contre la réduire de moitié prévue d'ici 2050 par rapport à l'année de référence 2008.
Un rotor made in China
En attendant, les armateurs tentent de domestiquer un univers en rupture avec leur présent fossile. Tandis que les expériences véliques se multiplient en Europe, et en France, où ses acteurs ont une longueur d’avance, le groupe chinois de construction navale China State Shipbuilding (CSSC) a annoncé avoir achevé la première installation de quatre rotors, haut de 24 m, de type Flettner, cette technologie qui exploite l'effet Magnus pour se mouvoir.
L'opération a été réalisée au chantier Chengxi Shipbuilding sur le vraquier Chang Hang Sheng Hai. Le navire de 45 500 tpl, mis en service en 2012, a quitté le site le 17 juin pour reprendre du service en mode exploration. De la conception à la mise en service des prototypes, il aura fallu trois ans d'ingénierie et de construction.
Les tests effectués jusqu’à présent témoignent d’une économie d’énergie de plus de 5 % et une réduction proportionnelle des émissions, les vraquiers et les grands pétroliers offrant les résultats les plus probants en terme de réduction des émissions.
La Chine débarque sur un segment dominé par des entreprises nord-européennes, à l’instar des grandes pionnières, les sociétés finlandaise Norsepower et britannique Anemoi Marine Technologies. En octobre 2022, cette dernière avait annoncé avoir conclu un accord avec la société chinoise Cosco Shipping Heavy Industry pour offrir aux clients du constructeur la possibilité d'installer ses voiles rotatives dans l'un des neuf chantiers navals de Cosco.
Norsepower, qui estime à 250 000 le nombre heures d'exploitation de données, a annoncé en mars la levée de 28 M€ pour monter en cadence. Le spécialiste finlandais des mâts rotors a d’ores et déjà convaincu Bore, Sea-Cargo, Scandlines, Vale, CLdN, Nippon Marine ou encore Socatra, qui vient d’installer sa technologie sur l’Alcyone. L’armateur bordelais de pétroliers est le premier client de Norsepower sur le marché français.
Selon Gavin Allwright, secrétaire général de l'International Windship Association (IWSA), Il aura fallu douze ans pour installer 24 voiles mais seulement un an pour 24 de plus, ce qui portera le tonnage total de port en lourd à plus de 3 Mtpl sur environ 50 navires, principalement des vraquiers et des cargos.
Cargill confirme le tir au méthanol
Cargill, grand négociant de matières premières agroalimentaires, est un des signataires de la charte initiée par l’association Sea Cargo Charter, par laquelle ses membres s’engagent à intégrer dans leurs politiques d’achats de transport des critères environnementaux et à publier les émissions annuelles des navires qu’ils affrètent. Jan Dieleman, le CEO de Cargill Ocean Transportation, est aussi le président de cette organisation lancée en octobre 2020 et portée sur les fonts baptismaux par dix-sept chargeurs.
Si la Sea Cargo Charter s’est alignée sur les objectifs de l’OMI, pourtant jugés peu ambitieux, ils ont toutefois créé leur propre système de déclaration des émissions de gaz à effet de serre (GES), hors cadre institutionnel et sans concertation avec les principaux concernés : les armateurs.
Le négociant vient d’annoncer la commande d’un troisième vraquier kamsarmax neufs de 81 200 tpl qui sera propulsé par des moteurs à double carburant avec du méthanol vert et du biodiesel. Ils s’ajoutent aux deux premiers contractés en janvier dans le cadre de son accord d’affrètement avec le groupe de transport danois J. Lauritzen. La commande a été confiée au constructeur japonais Tsuneishi Shipbuilding (comme pour les deux premières unités) pour livraison dans la seconde moitié de 2026.
« Le méthanol est la solution la plus aboutie sur le plan technologique parmi les options décarbonées et nous voulions agir maintenant pour faire avancer le secteur », avait justifié lors de ses premières commandes Jan Dieleman, qui entend faire la démonstration d’une viabilité économique et créer un effet d’enrôlement. Cargill est le premier entrant sur le marché du vraquier au méthanol. Le surcoût du navire, estimé à 15 % par rapport à un vraquier propulsé aux carburants conventionnels, n’est pas neutre pour ce marché de prix.
Selon les analystes, la théorie de la prime à l’entrant sera validée si les navires sont déployés sur des routes tarifées (comme celles entrant dans le cadre du système européen d'échange de quotas d'émission, où la tarification du carbone est déjà prise en compte) et si les clients sont prêts à payer un peu plus en échange d'un « certificat vert ».
La société s’intéresse également à la propulsion éolienne alors que des premiers navires équipés devraient entrer en service cette année. L’affréteur devrait aussi aller de l’avant dans l’usage de biocarburants, ayant acheté plus de 30 000 t au cours des deux dernières années et prévoyant d'atteindre 50 000 t cette année. Entre 2017 et la fin de 2022, Cargill déclare avoir réduit de près de 1,5 Mt les émissions brutes de carbone de sa flotte.
Wallenius Wilhelmsen avec les biocarburants
Le biocarburant intéresse le transporteur de voitures Wallenius Wilhelmsen qui vient de signer un contrat d’achat avec la major texane ExxonMobil. Les biofuels, utilisés en mélanges (30 % de biocarburant et 70 % de carburants conventionnels), sont une des voies exploratoires de l’armateur suédois qui pour l’heure a surtout réduit la vitesse de ses navires tout en s’intéressant de près au vélique.
La première livraison de biocarburant est prévue pour juillet, marquant « le début de son voyage vers la transformation ». Wallenius Wilhelmsen s'est engagé à une chaîne d'approvisionnement intégrée à émissions nettes nulles d'ici 2027. « C’est la meilleure option dont nous disposons aujourd'hui pour décarboner notre flotte », indique Jon Tarjei Kråkenes, en charge de la transition énergétique, reconnaissant que le volume contracté représente une part relativement faible par rapport à la consommation annuelle de carburant du car-carrier.
MOL, en route vers le bio-GNL
Adeline Descamps
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