Après des mois sans réaction, les taux de fret dans le GNL réagissent à un énième choc

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Les taux de fret du GNL sont restés stables en 2023. Il en est de même depuis le début de l'année en dépit des multiples aléas qui ont ajouté une couche de complexité à la gestion de la logistique mondiale du GNL. Il aura fallu un énième coup avec la rupture d'un gazoduc entre la Norvège pour gonfler les tarifs d'affrètement des méthaniers.  

La fermeture du gazoduc sous-marin Langeled, qui relie l'unité de traitement du gaz Nyhamna (ouest de la Norvège) au terminal d'Easington (centre-est du Royaume-Uni), devrait n’être plus qu’une mauvaise expérience.

Les problèmes à l'origine de l’incident le 2 juin – une fissure sur un tuyau de la plateforme Sleipner Riser, point de connexion entre ses tronçons nord et sud –, sont sur le point d'être résolus et ce, avant la fin de la semaine, a annoncé l'opérateur norvégien de gazoducs Gassco.

L'événement avait entraîné une flambée des cours de façon quasi-instantanée. Le contrat à terme du TTF néerlandais, référence européenne du gaz naturel, a atteint son plus haut de l'année en début de semaine, à 38,70 € le mégawattheure (MWh). Une vive réaction des marchés alors que les stocks de gaz dans l'UE étaient remplis à 69,48 % le 29 mai versus 68,48 % le 29 mai 2023, selon les données de Gas Infrastructure Europe (GIE),

Hyper sensibilité du gaz

Les réactions volatiles ne sont pas anormales sur les marchés du gaz, par nature hypersensibles aux aléas, à commencer par les ruptures d'approvisionnement.

Elles sont toutefois exacerbées par le contexte géopolitique. La Norvège est en effet devenue l'un des principaux fournisseurs de gaz naturel de l'Europe dont le schéma d'approvisionnement énergétique a été complètement remanié dans la foulée de la guerre en Ukraine.

Dans les premiers mois qui ont suivi l'agression de l'Ukraine par la Russie, avant même les actes de sabotage commis en septembre 2022 sur les Nord Stream 1 et 2 (ce dernier opérationnel mais jamais entré en service), la Russie a coupé les vannes à l’Europe en réaction au soutien assumé à son voisin. Avant la guerre, l’opérateur public russe Gazprom fournissait 37 % du gaz à l'UE contre à peine 8,7 % aujourd’hui.

Le gaz russe, prochaine victime des sanctions

Depuis, le Vieux Continent s'efforce de réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes. D'autant que le gaz ne devrait plus échapper très longtemps aux sanctions. Le principe est en train d'être discuté à Bruxelles où les États-membres ne s’interdisent plus de le frapper malgré son caractère peu substituable (contrairement au charbon et au pétrole).

Il y a en effet deux fois moins de pays exportateurs (au nombre de 20 dont les trois premiers représentent 60 % de l’offre mondiale) que d’importateurs (48 selon le dernier rapport annuel du GIIGNL, le groupement international des importateurs de GNL).

Et s'il n'y a pas de nouveaux entrants dans le rang des exportateurs, le bataillon des acheteurs s'étoffe toujours un peu plus. L'an dernier, l'Allemagne, Hong Kong, Philippines et Vietnam ont rejoint le club, selon le GIIGNL. L'offre doit donc de plus en plus se partager car la capacité n'a pas considérablement évolué l'an dernier.

Des taux de fret paradoxalement stables

Les taux de fret du GNL sont restés stables pendant presque toute l'année en dépit de deux autres aléas d’ampleur et concomitants qui ont ajouté une couche de complexité à la gestion de la logistique mondiale du GNL.

Comme une partie de la flotte mondiale, les opérateurs de méthaniers ont dévié du canal de Suez pour éviter que leurs navires soient pris pour cibles en mer Rouge par les attaques houthies. Le déficit hydrique du canal de Panama a, dans le même temps, réduit les transits des méthaniers, l’autorité du Canal ayant limité à 24 le nombre de passages en 2023 (contre 36 en temps normal). La jauge a été tout récemment portée à 31 mais la fluidité n'est pas encore revenue à son étiage normal. 

Les deux routes maritimes du gaz entravées

Ces deux routes maritimes, qui permettent de relier l’Europe et l’Asie et l’Asie et le continent américain sont stratégiques pour le transport du gaz.

L’Asie (65 % de la demande mondiale), en particulier la Chine, mais aussi le Japon et la Corée du Sud, sont des clients voraces. Le Qatar (78,2 Mt importées en 2023) et le continent nord-américain (84,5 Mt) profitent largement des entraves faites au commerce de gaz russe (21,5 Mt).

Le fait d’avoir été exclu de Swift ne permet plus au pays de Vladimir Poutine d’effectuer des transactions à l’international, vital à ses exportations. Le système russe de paiement Mir, que le Kremlin avait créé en 2015 pour contrer les sanctions occidentales après l'annexion de la Crimée en 2014, n’y pallie qu’à la marge.

Selon les données de S&P Global Commodity Insights, plus de 120 expéditions de GNL américain ont été acheminées vers l'Asie via le Cap de Bonne Espérance depuis le début de l'année. Entre janvier et mai 2023, 64 cargaisons avaient transité par Panama et 33 par Suez.

Sursaut des taux de fret

Les taux de fret ont donc fini par réagir avec cet énième choc. Les tarifs d’affrètement pour les méthaniers (GNL) ont augmenté dans la dernière semaine de mai de 5 500 $/j dans le bassin atlantique (39 % des volumes mondiaux de GNL) mais ont baissé de 1 250 $/j dans le Pacifique. L’indice Spark30 Atlantic les évaluait à 52 500 $/j fin mai dans l’Atlantique et à 45 250 $ dans le Pacifique.

On reste cependant loin des niveaux de 2023 et 2022, où le taux d'affrètement spot moyen pour un méthanier TFDE de 160 000 m3 s'élevait à environ 97 100 $/j, contre une moyenne d'environ 131 500 $/j en 2022.

Cette poussée de fièvre peut être liée à la demande accrue en Asie pour la saison estivale, à la canicule en Inde qui épuise les stocks d’électricité, et aux incertitudes d'approvisionnement dues à des pannes techniques de certaines unités de liquéfaction à l’instar de l’usine de Gorgon de Chevron en Australie. Une défaillance technique survenue sur un train de liquéfaction (5,2 Mt par an) a entravé la production pendant cinq semaines mais la major texane assure que toutes les unités fonctionnent désormais à plein régime.

Freeport LNG, l'opérateur de l’installation à Freeport au Texas (15 Mt par an), a également annoncé avoir repris ses opérations dans ses trois trains de liquéfaction alors que seul l’un d’entre eux fonctionnait depuis mars. Le terminal de liquéfaction, qui traite 18 % des exportations américaines de GNL, avait obtenu en février 2023 le feu vert de la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) pour redémarrer partiellement ses activités, suspendues pendant huit mois au moins à la suite d’un incendie en juin 2022.

Les acteurs du marché sont surtout dans le brouillard après les récents ajustements de la politique énergétique des États-Unis. Le gel des permis délivrés pour les exportations interroge en effet sur le devenir les contrats d'achat à long terme liés à ces projets. La décision hypothèquerait jusqu’à 30 Mt par an.

Adeline Descamps
 

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