En dépit de la détermination russe à mener à son terme le grand projet gazier Arctic LNG2, considéré il y a encore peu de temps comme un exemple en matière de coopération énergétique entre Moscou et des entreprises internationales du secteur, les sanctions occidentales finissent par en entraver le cours.
En construction dans la péninsule de Gydan, à une trentaine de kilomètres de Yamal LNG, son clone qui exploite depuis 2017 les ressources de gaz du champ South Tambey sur la péninsule de Yamal au nord-ouest de la Sibérie, le chantier aux 21 Md$ d'investissement, porté par le producteur russe de gaz Novatek, prévoit la construction de trois trains de liquéfaction de GNL D’une capacité de production de 6,6 Mt par an chacun, Arctic LNG2 devait être opérationnel à la fin du premier trimestre 2024 pour atteindre en 2026 sa pleine capacité.
Un genou à terre
Visé par plusieurs sanctions, qui ont contraint les banques internationales à suspendre tout financement et ses actionnaires (dont TotalEnergies) à se désengager et du financement et des contrats d'achat long terme, Novatek doit financer par ses propres moyens et vendre le gaz sur le marché au comptant.
La production, depuis le premier train de liquéfaction, a démarré cahin caha en fin d'année dernière mais Novatek est contraint dans ses expéditions, faute de navires. Pour y pallier, les entreprises russes ont de plus en plus recours à des méthaniers d'occasion, principalement par l'intermédiaire de sociétés écrans situées dans des juridictions de pays tiers.
Effets ricochet
La compagnie japonaise Mitsui O.S.K. Lines (MOL) vient d'annoncer qu'elle ne serait pas en mesure d'exercer ses responsabilités dans l'affrètement des trois méthaniers Arc7 de classe glace et d'un brise-glace de condensat, destinés au projet russe en raison du durcissement des sanctions occidentales, notamment américaines. Des contrats signés entre 2020 et début 2022. Les trois méthaniers ont été mis en service l'année dernière pour transporter le GNL via la route maritime Nord (RMN) dans l'Arctique vers l'Europe et l'Asie tandis que le transporteur de condensat devait être livré cette année.
MOL, qui indique y avoir investi 105 milliards de yens (689 M$), pourrait donc être amenée à les vendre à des tiers ou à en transférer les contrats. Or, compte tenu des difficultés à vendre ces navires si spécifiques pour d'autres activités, il pourrait subir des pertes.
Défaut de livraison de Zvevda
Par ailleurs, selon le quotidien russe Kommersant, le chantier naval russe Zvezda a de nouveau reporté la livraison de deux méthaniers Arc7 à 2025, au lieu de 2023 initialement. L'unique train opérationnel serait également à l'arrêt selon une source de Reuters.
Malgré les pertes possibles, l'action de MOL a grimpé jusqu'à 5,8 % à Tokyo, la société ayant annoncé un plan de rachat d'actions pour un montant maximum de 100 milliards de yens.
Arctic LNG2 est, avec Yamal (Novatek) et Sakhalin 2 (dirigé par Gazprom), l'un des grands projets de production à grande échelle de gaz naturel liquéfié dans l'Arctique. Ils sont tous trois essentiels aux ambitions de la Russie, qui veut porter sa part mondiale de 8 % à 15 à 20% d'ici 2035 face à ses concurrents américains, qataris et australiens, soit un niveau de production d'environ 100 Mt par an.
Adeline Descamps
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