Après l'acquisition de Mercosul Line, c'est la plus grande opération jamais réalisée par CMA CGM en Amérique latine, région en plein essor. Sous réserve des autorisations réglementaires, attendues durant le premier trimestre 2025, CMA CGM pourra acquérir les parts (47,5 % pour 1,1 Md$) détenues par le fonds Opportunity Asset Management dans le principal opérateur d’infrastructures portuaires au Brésil, Santos Brasil. Le groupe français prévoit ensuite d’en prendre le contrôle en exerçant une offre publique d'achat (OPA) sur le solde des actions de la société cotée. Une opération qui devrait se finaliser d’ici l'été 2025.
La transaction, d’une valeur de 2,2 Md$ (closing finalisée, selon les agences), porte sur les trois terminaux à conteneurs du groupe brésilien qui opère à ce jour au niveau national par l'intermédiaire de dix terminaux portuaires. Le Tecon Santos (36 % des volumes du pays manutentionnés selon les données de Santos) est le plus important des trois, les deux autres sont implantés à Imbituba et à Vila do Conde.
L’opération concerne en outre le terminal pour véhicules (TEV), rattaché à Tecon Santos. Avec une capacité opérationnelle de 300 000 voitures par an, il assure le traitement de 40 % des voitures exportées et importées par les constructeurs automobiles brésiliens, selon l’Association nationale des constructeurs automobiles (ANFAVEA). Le terminal de de vracs liquides dans le port d'Itaqui, à São Luís, ainsi que les installations de logistique intégrée de la filiale Santos Brasil Logística, complètent le deal.
Un terminal où concentrer ses volumes
L’actif essentiel pour CMA CGM reste donc la concession détenue jusqu’en 2047 du terminal à conteneurs de Santos avec sa capacité actuelle de 2,4 MEVP. L'armateur français pourra ainsi « réorganiser ses flux pour concentrer et massifier à partir de ce nouveau terminal, mais également l'ouvrir à d'autres opérateurs », a indiqué Rodolphe Saadé, le PDG du groupe, qui peut ainsi sécuriser les escales de ses porte-conteneurs, aujourd’hui éclatées sur plusieurs terminaux et tributaires de l’opérateur pour la prise en charge. « Nos navires pouvaient attendre jusqu'à dix jours de pouvoir décharger », a souligné le dirigeant.
CMA CGM arrive au moment opportun. Le groupe brésilien est en train de finaliser une grande phase d'investissements. En juillet, Santos Brasil a annoncé avoir anticipé de cinq ans son projet visant à porter la capacité à 3 MEVP, initialement prévue pour 2031, mais qui sera effective dès 2026. Une fois le chantier livré, l’installation disposera d’un linéaire de quai de 1 200 mètres (+ 220 m), lui permettant de traiter simultanément trois porte-conteneurs jusqu’à 14 000 EVP, « le seul en Amérique du Sud dans cette catégorie », soutient la direction de Santos. L’entreprise est par ailleurs en train de l’équiper de 3 000 prises reefers, un indispensable en Amérique latine, où le commerce est basé sur les exportations de fruits et légumes et de denrées agricoles.
Depuis 2019, 470 M$ y ont été investis et en 2024, 80 M$ doivent être affectés au terminal en vue de passer sa portée de 2,4 à 2,6 MEVP d'ici la fin de l'année. Selon la direction du groupe brésilien, le port de Santos a enregistré une croissance moyenne des conteneurs de 3,3 % par an au cours au cours des dix prochaines années. Il est également prévu d'investir 67 M$ dans l'extension des capacités de vrac liquide à Itaqui. « Rien qu'en 2024, nous devrions investir entre 130 et 145 M$ dans nos actifs », avait expliqué la direction à l’occasion de la présentation de ses résultats du deuxième trimestre.
16 % de part de marché dans la manutention portuaire du pays
Opérant dans le portuaire depuis 1997, Santos Brasil, qui revendique détenir une part de marché de 16 % de la manutention de conteneurs dans le pays, a déclaré un chiffre d’affaires de 458 M$ à fin juin en glissement annuel (juin 2023-juin 2024) et un Ebitda (résultat opérationnel avant amortissement sur immobilisations) de 230 M$. À l’issue du premier semestre de l'année, son résultat net était en hausse de 44,3 % à période comparable en 2023, s’établissant à 235 M$.
Durant les six premiers mois de l’année, ses terminaux à conteneurs avaient manutentionné 369 401 EVP, dont 323 983 EVP par Tecon Santos, qui a enregistré son record mensuel en juillet, avec 121 800 unités. Des volumes faibles mais en croissance de 23,4 % en glissement annuel avec des importations (+ 36 %) et des exportations (+ 26 %) très dynamiques.
Essor des services
Les services maritimes liés à l'Amérique latine ont bénéficié d'une forte augmentation de capacité cette année, de 10,6 % selon des données arrêtées en juin tandis que la flotte de porte-conteneurs de/vers l'Amérique latine a augmenté de 17,4 % en glissement annuel, passant de 3,5 à 4,1 MEVP selon les données d'Alphaliner (cf. plus bas).
Si la croissance de la flotte entre l'Asie et l'Europe est liée à la crise de la mer Rouge, celle déployée dans les services de ligne à destination et en provenance de l'Amérique latine repose sur des critères bien moins artificiels. CMA CGM, certes, mais aussi Hapag-Lloyd ou Cosco, ont récemment pris livraison de néo-panamax de 13 250 à 14 100 EVP spécialement construits pour le commerce latino-américain, à savoir dotés d'une grande capacité de réfrigération et portant le nom de régions ou de villes d'Amérique du Sud.
Cabotage aussi en plein essor
Le cabotage par conteneurs au Brésil – un potentiel de plus d’1,2 MEVP –, est aussi un marché en plein essor depuis quelques années. Maersk et CMA CGM y ont leurs propres transporteurs, acquis par croissance externe, le premier avec Aliança et le second avec Mercosul depuis 2017 (qui aurait dû verser dans l’escarcelle du groupe Maersk avec l’acquisition de Hambürg sud mais les autorités de la concurrence en ont décidé autrement). MSC a été plus tardif, ayant acquis, en 2022, Log-In logistica.
Autrefois, ces navires devaient être construits au Brésil, à l'instar des exigences du Jones Act aux États-Unis. Le manque de chantiers navals, le lobbying politique et la nécessité de moderniser la flotte nationale brésilienne ont permis de lever ses contraintes. Ils sont en revanche toujours tenus de battre le pavillon brésilien, sauf en cas d'exemptions temporaires.
CMA CGM opère aujourd’hui 10 services maritimes hebdomadaires dans 14 ports au Brésil.
Adeline Descamps
Amérique du sud : une zone d'intérêt pour les transporteurs maritimes
Les services maritimes liés à l'Amérique latine ont bénéficié d'une forte augmentation de capacité cette année, de 10,6 % selon des données arrêtées en juin tandis que la flotte de porte-conteneurs de/vers l'Amérique latine a augmenté de 17,4 % en glissement annuel, passant de 3,5 à 4,1 MEVP selon les données d'Alphaliner (cf. plus bas).
« La flotte des services liés à l'Amérique latine s’est établie à 4,1 MEVP, soit 1 MEVP de plus qu'il y a deux ans », précise Alphaliner. Selon les données de l’analyste, la flotte opérant entre l'Asie et la côte Est de l'Amérique du Sud totalise actuellement une capacité de 860 000 EVP (1,53 MEVP sur la côte ouest de l'Amérique du Sud) et a accueilli 16 navires de plus de 12 500 EVP en un an. La taille moyenne des navires est toutefois légèrement inférieure dans les échanges entre l'Europe et l'Amérique du Sud où la capacité déployée est de 392 500 EVP (289 000 EVP vers la côte ouest) avec 38 % des slots occupés par des navires d'une capacité supérieure à 10 000 EVP.
A.D.
