La Suisse devient un grand pays d'armateurs, effet MSC

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Grâce à MSC, la Suisse fait son entrée dans le classement mondial des premiers pays d’armateurs par la valeur de la flotte, établi par VesselsValue. Le Japon reprend ses droits sur la Chine grâce aux méthaniers. La Chine prend ses marques sur les pétroliers au détriment de la Grèce. L’Europe compte encore quatre grands pays d’armateurs mais pas la France.

Le patrimoine des dix plus grands pays d’armateurs s’est encore accru cette année quand bien même ces derniers ne sont pas tout à fait les mêmes que l’an dernier. La fortune consolidée des armateurs domiciliés au Japon, en chine, en Grèce, aux États-Unis, à Singapour, en Corée du Sud, en Allemagne, en Norvège, au Royaume-Uni et en Suisse s’élève à 1 110,54 Md$ contre un peu plus de 980 Md$ l’an dernier à la même époque, d’après VesselsValue, auteur de ce classement. La conjoncture divine des porte-conteneurs et des vraquiers avait alors gonflé la valeur des flottes.

Dans les grandes lignes, le Japon est repassé devant la Chine au premier rang mondial par la valeur de la flotte. La Grèce, les États-Unis, Singapour conservent leur place respective au troisième, quatrième et cinquième rang. L’Allemagne (numéro six) et la Corée du Sud (7e) intervertissent leur place au détriment de la Corée du Sud. Le Royaume-Uni perd un échelon au profit de la Norvège. Taïwan sort mais la Suisse fait son entrée, incroyable nouvelle. C’est l’effet MSC.

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Le Japon de retour sur la première place du podium

Elle était au troisième rang en 2019 avec un portefeuille d’actifs estimés à 90 Md$. Elle occupait la première place mondiale l’an dernier avec une richesse marchande quasiment triplée (191 Md$). La Chine reste un grand pays propriétaire de navires – le premier au niveau mondial avec 6 908 navires –, mais dont la cote actuelle a baissé (190 Md$). La seconde puissance économique mondiale se trouve sur ce critère distancé par son voisin japonais (196 Md$).

Le Japon, qui présente d’ordinaire une structure de flotte plus équilibrée (entre vraquiers, porte-conteneurs, tankers et méthaniers), a vu sa flotte s’apprécier de 10 Md$ mais principalement grâce aux méthaniers. Avec un bataillon de méthaniers évalué par VesselsValue à 30 Md$ (contre 18 Md$ l’an dernier), l’archipel détient à ce jour le plus grand portefeuille mondial de ces navires, dont les taux de fret ont été propulsés à des niveaux records (revenus proches des 500 000 $/jour en octobre dans le bassin Atlantique mais actuellement autour de 300 000 $) depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

« Cela a déclenché une vague de commandes avec un total de 142 depuis le début de l'année, soit une augmentation de 92 % par rapport à l'année précédente. Environ un quart ont été passées par des sociétés japonaises, dont MOL, NYK et Meiji Shipping », décrypte VesselsValue.

Le Japon est aussi le plus grand propriétaire de vraquiers (53,5 Md$), de navires frigorifiques (985 M$), et de transporteurs de véhicules (22 Md$).

>>> Lire aussi : Conteneur : le ralentissement du marché n'affectera pas les sociétés (chinoises) de leasing de navires

Chine : prise de position sur les navires-citernes

Le pays de Xi Jinping reste un grand propriétaire de porte-conteneurs mais aussi de pétroliers, dont la flotte s’est appréciée de 15 Md$ par rapport à l'année dernière pour atteindre 42,5 Md$.

« Les taux des pétroliers ont bondi depuis le début de l'année 2022, passant de 14 966 à 78 876 $/j pour le pic atteint en octobre », explique le spécialiste de la valeur des navires. La flambée des tarifs a également suscité un intérêt pour le marché de l’occasion puisque pas moins de 950 ventes ont été effectuées jusqu'à présent cette année, dont 15 % par des entreprises chinoises, et surtout de grandes sociétés de leasing parmi lesquels ICBC.

Cette position prise sur les navires-citernes semble s’être réalisée au détriment de la Grèce alors que cette classe d’actifs a toujours surplombé sa flotte : 1 466 navires en Chine contre 1 461 pour la Grèce. Mais en termes de valeur (56,2 Md$), l’une des trois seules nations européens présentes parmi les dix plus grands propriétaires de navires surplombe toutes les autres.

Grèce : pétroliers et méthaniers, ses valeurs sures

Historiquement pays d’armateurs, la Grèce avait été l’an dernier sanctionnée par la prééminence des pétroliers dans sa flotte, dont les revenus étaient au plancher. La conjoncture, dopée par les événements géopolitiques en mer Noire, a été bien meilleure cette année. Les revenus des très grands transporteurs de brut ont culminé à 72 199 $/jour, les niveaux les plus élevés depuis plus de deux ans. Les valeurs ont ainsi augmenté de 14 à 86 % pour les VLCC, les suezmax et les aframax depuis le début de l'année. La Grèce est aussi le deuxième bailleur de méthaniers dont l’estimation (29,1 Md$) est proche de celle du leader nippon.

>>> Lire aussi : Le financement mondial du shipping proche des 500 Md$

États-Unis, poids des paquebots

Pas de grand changement pour le continent nord-Américain avec des actifs totalisant 98,6 Md$, soit 2 milliards de plus que l’an dernier. Les États-Unis sont de grands détenteurs de paquebots – sur le total, 54 Md$ sont liés aux de navires de croisière –, résultant de la présence sur son territoire des leaders du marché, Carnival et Royal Caribbean, notamment. Le secteur ayant été à l’arrêt pendant de longs mois, la flotte américaine a perdu de sa superbe financière (7 Md$ en 2021 et encore 2,5 Md$ cette année).

Le pays exerce aussi un leadership dans les rouliers, avec la plus grande flotte en termes de valeur, soit 2,3 Md$ mais en nombre (38 navires), ils n’égalent pas le Japon (82 unités).

Singapour, grande nation de porte-conteneurs

Á Singapour, le fait le plus marquant reste les investissements dans le conteneur avec 49 nouvelles commandes passées, soit une augmentation de 63 % par rapport à l'année précédente. Á mettre à l’actif de PIL qui, après des années de grande difficulté financière s’est refait une santé à la faveur de la pandémie, mais aussi de ONE, qui y est domicilié bien qu’ils fédèrent les trois grands transporteurs japonais (MOL, K-Line, NYK), et enfin et surtout à Eastern Pacific (EPS). Le très grand propriétaire de porte-conteneurs en affrètement a commandé en excès durant la pandémie, à l’image de son rival Seaspan.

Dopé par la demande de transport de GNL, la Corée du Sud a vu la cote de sa flotte se renchérir de 8 Md$ en un an et celle des méthaniers bondir de 19 % depuis janvier. Au cours des dix premiers mois de cette année, 28 commandes ont été passées par des sociétés sud-coréennes telles que K3 Consortium, H Line Shipping et SK Shipping. Toutes concernaient de grands méthaniers de 174 000 m3.

La Corée du Sud se démarque aussi sur les PCTC (grands transporteurs de voitures et de poids lourds) avec la présence sur ces terres de Glovis tandis qu'Eurokor détient 20 % des parts de Hyundai Glovis et de Kia Motors. Le transport de voitures est actuellement en grande effervescence.

Allemagne, Norvège, Royaume-Uni et Suisse ferment le classement

Outre-Rhin, une grande partie des ressources est composée de porte-conteneurs, dont l’Allemagne est le deuxième détenteur. Après les niveaux faramineux atteints, jusqu’à près de 140 000 $/j pour un post-panamax au deuxième et troisième trimestre, les revenus sont retombées à 71 500 $ et les taux de fret à la réalité de 2019. « En conséquence, la flotte allemande a perdu 12,8 Md$ en valeur par rapport à l'année précédente », explique VesselsValue.

Reste la grande information : l’émergence de la Suisse dans le classement, totalement inconnue jusqu’alors au bataillon. La valeur de sa flotte s'élève à 54 Md$, et un peu moins de la moitié (25 milliards) est le fait de ses 431 porte-conteneurs. Cette année, la Suisse a été le principal acquéreur de porte-conteneurs au niveau mondial et elle le doit à l’armateur genevois MSC et ses 78 navires.

Effet MSC

Le carnet de commandes du plus grand transporteur mondial atteint 1,74 MEVP, représentant 38 % de sa capacité actuellement en exploitation (4,5 MEVP), selon les données d’Alphaliner. Tous transporteurs confondus, MSC représente 27 % de la capacité mondiale en commande (7,2 MEVP). Sur les 125 navires en construction, 66 sont des néo-panamax dont 35 dotés d'une propulsion bicarburant au GNL.

Depuis août 2020, l’armateur d’origine italienne s’est lancé dans une course à la capacité si bien qu’il a déboulonné en début d’année Maersk de son piédestal de premier armateur mondial de porte-conteneurs, poste qu’il occupait depuis 2014. Les données lui prêtent en outre une boulimie d’occasion avec plus de 200 porte-conteneurs de seconde monte absorbés, soit un peu moins de 800 00 EVP. L’armateur dispose actuellement d’une flotte de 711 navires, dont 55 % affrétés. Une part nettement réduite grâce à sa frénésie d’achats.

Adeline Descamps

 

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