La conjoncture divine des porte-conteneurs et des vraquiers a fait la fortune des grands pays d’armateurs cette année. En fonction de la typologie de leur flotte, les puissances maritimes ont plus ou moins gonflé leur patrimoine. Les dix plus grands pays mondiaux d’armateurs au monde disposent en cette fin d’année 2021 d’une richesse marchande de plus 980 Md$.
Elle était au troisième rang au 1er janvier 2019 avec un portefeuille d’actifs d’une valeur de 90 Md$. La Chine occupe désormais la première place mondiale par la valeur de sa flotte de commerce que VesselsValue, auteur de ce classement, évalue à plus de 191 Md$.
Si le Japon talonne son voisin asiatique avec des actifs totalisant 187,6 Md$, la virevolte chinoise s’est opérée à son détriment en lui ravissant la première marche. Elle se fait aussi au grand dam de la Grèce, autre grande puissance maritime qui se fait largement distancée (145,8 Md$) après avoir été invariablement nation la plus riche pendant des années du point de vue de ce critère.
La Chine et ses fortunes diverses
La seconde puissance économique mondiale qu’est la Chine doit cette performance à la surreprésentation des porte-conteneurs dans sa flotte (qui pèse plus de 78 Md$). Elle partage ce fait avec l’Allemagne, qui avec 45 Md$ sur près de 77 Md$, écrase les autres catégories de navires. C’est aussi le cas mais, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni (18 Md$ sur une flotte d’une valeur 54 Md$), de la Corée du sud (18 Md$ sur 58 Md$) ou encore de Taïwan (32 Md$ 47 Md$)
La récente flambée des taux de fret et des tarifs d’affrètement ainsi que le marché S&P particulièrement actif expliquent sans surprise le surenchérissement de ces navires. « L'augmentation des taux a également suscité une vague de commandes dans le secteur des conteneurs. Sur les 516 porte-conteneurs commandés depuis janvier 2021, 46 % sont à l’initiative des sociétés chinoises, notamment OOCL, SITC et Cosco », décrypte le spécialiste. Autant d’actifs qui viennent valoriser le capital marchand.
Autres grands gagnants de l’actuel super-cycle : les vraquiers dont le tarif journalier est notamment passé de 16 656 $/j à 86 953 $/j entre le 1er janvier et le 7 octobre par exemple. En conséquence, en à peine un an, la cotation de la flotte chinoise est passée de 28 à 53 Md$.
Japon, + 70 Md$ en un an
Le Japon, présente une structure de flotte plus équilibrée (entre vraquiers, porte-conteneurs, tankers et méthaniers), cependant dominée par des vraquiers (total des actifs de 63 Md$) et des porte-conteneurs (49 Md$). L’augmentation de 70 Md$ entre janvier et novembre souligne l'essor des marchés des vraquiers, des transporteurs de GPL et de véhicules. « Parmi les 10 premières nations, le Japon possède la flotte de transporteurs de GPL la plus importante avec 7,4 Md$. Et elle a, à elle seule, augmenté de 6,1 Md$ par rapport au début de l'année ».
Aussi, les compagnies japonaises – NYK Line et K Line – ont été actives sur le front des commandes avec 26 passées depuis le début de l'année. Les chantiers navals japonais ont en outre augmenté leurs tarifs de construction à 100 M$ l’unité par exemple pour un transporteur de véhicules de 7 000 CEU (car équivalent unit) à double carburant GNL, soit une augmentation de 10 Md$ par rapport à l'année dernière. L’ensemble de ces facteurs valorisent le domaine.
Grèce, percutée par la domination des pétroliers dans sa flotte ?
Éjecté sur la troisième marche, la Grèce, pays d’armateurs incontestable, est l’un des trois européens présents parmi les dix plus grands propriétaires de navires. Il a vu sa fortune marine marchande passer de 93,2 à 145 Md$ entre janvier et novembre alors que les pétroliers, aux revenus actuellement historiquement bas, surplombent ses classes d’actifs.
La Grèce est également le plus grand bailleur de méthaniers, dont la cote s’est étoffée de 2 Md$ depuis le début de l'année, alimentée par des taux spot à des niveaux élevés.
États-Unis, poids des paquebots
Le continent nord-américain (96 Mds en valeur) se distingue par la prééminence des paquebots, résultant de la présence sur son territoire des plus grandes compagnies de croisière, Carnival et Royal Caribbean. Le secteur ayant été à l’arrêt pendant de longs mois, reprenant lentement et progressivement les opérations, la flotte américaine a perdu de la puissance financière (7 Md$ au total) depuis le début de l'année. Le pays a un second particularisme : le poids des ro-ro dans son parc (2,1 Md$), supérieur aux autres pays.
La Corée du sud dopée par ses méthaniers
Singapour (78 Md$) a aussi bénéficié du poids des vraquiers et des porte-conteneurs, avantagés par la conjoncture si bien que son capital s’est enrichi (de 10 à 25 Md$). Tout comme l’Allemagne. Deuxième européen du Top 10 et sixième mondial, le pays de l’outre-Rhin, grand hôte de porte-conteneurs, a vu sa flotte valorisée de 34 Md$ depuis le début de l'année.
La Corée du Sud, qui a supplanté le Royaume-Uni, grâce à des actifs de 58 Md$ (+ 24 Md$ depuis le début de l'année), doit sa fortune à la valeur des méthaniers et des transporteurs de GPL, dont il est par ailleurs un grand constructeur. Les prix du GNL atteignant un pic au second semestre 2021, les actifs de la flotte ont doublé pour le secteur gazier sud-coréen. Hyundai LNG, Pan Ocean et H Line ont en outre commandé 15 grands méthaniers cette année, dont le prix de construction a encore augmenté. Les courtiers ont mis en valeur récemment une commande à 200 M$, soit une majoration de 20 M$.
Royaume-Uni et Norvège en fin de course
Bien qu’ayant augmenté de 15 Md$ grâce aux actuels rois des mers que sont les vraquiers et porte-conteneurs, la richesse du Royaume-Uni apportée par sa marine marchande n’empêche au royaume de dévisser, à la 8e place mondiale avec un patrimoine estimé à 54 Md$.
Taiwan et Norvège ferment ce classement des plus grandes fortunes estimées par la valeur des navires. Le premier doit son retour dans le classement à ses compagnies – TS Lines, Wan Hai Lines et Evergreen – à l’origine d’un total de 107 commandes, commente VesselsValue.
Quant à la Norvège, autre grande nation maritime, elle a perdu une place de plus, passant au 10e rang depuis janvier de cette année, principalement en raison de la flotte offshore, dont les tenanciers, tels que Borr Drilling, ont vu leur flotte jusqu’à perdre un demi-milliard de valeur.
Adeline Descamps