L’effervescence ’est emparée il y a quelques mois du marché des transporteurs de voitures. Les tarifs d’affrètement au plus haut stimulent l’appétit pour des constructions neuves. Le groupe Grimaldi officialise ce que son président, Emanuele Grimaldi, avait révélé à TradeWinds le 15 septembre : une lettre d’intention pour la commande d’une série de portes-voitures.
L’armateur napolitain vient de passer à l’acte avec China Merchants Heavy Industries Jiangsu, filiale de China Merchant Industry holdings, pour la construction de cinq PCTC (Pure Car Truck Carriers). L'accord prévoit une option pour cinq unités supplémentaires. La valeur de l’ensemble s’élève à 1 Md€.
Pour ce contrat, Grimaldi fait donc une nouvelle fois confiance à son chantier de prédilection. Avec ces dernières transactions, China Merchant Industry aura construit 29 navires pour Grimaldi au cours des dernières années.
Avec une capacité de chargement de plus de 9 000 CEU (Car equivalent unit), les unités de cette future flotte, conçues pour transporter des véhicules électriques, sont configurées pour être converties ultérieurement à l'ammoniac. En outre, les navires seront équipés de méga-batteries au lithium, de panneaux solaires et d'une connexion électrique à quai. Grimaldi, qui ne croit pas au GNL pour ses ferries, fait également état d’autres technologies visant à réduire l'empreinte carbone à l’instar de systèmes de lubrification par air et d’une conception optimisée de la coque.
Les cinq premiers navires seront livrés entre 2025 et 2026 et déployés entre l'Europe, l'Afrique du Nord, le Proche-Orient et l'Asie. « La commande de navires prêts pour l'ammoniac est un défi, en particulier lorsque les carburants alternatifs ne sont pas disponibles », a noté à cette occasion le président du groupe Emanuele Grimaldi.
Avec la livraison du Grande California en juin 2021, Grimaldi avait fini de recevoir les sept PCTC (Pure Car & Truck Carrier) commandés au chantier chinois Yangfan basé à Zhoushan. La série Grande (Grande Florida, Grande Texas, etc.) – faisait alors office de géant dans sa catégorie avec sa capacité de 7 600 CEU ou 5 400 mètres linéaires et 2 737 CEU.
Transport de voitures : un marché en pleine effervescence
Un segment en manque de navires
Selon Clarksons Platou, la forte croissance du marché de transport de voitures va nécessiter la construction de 100 à 200 navires d’ici 2030. Pendant des années, les transporteurs de voitures n’ont pas investi dans de nouveaux navires si bien que la croissance nette de la flotte (764 navires totalisant 4 millions de CEU) ne devrait être que de 0,9 % en 2022 et de 0,7 % en 2023.
Ces dernières années, le marché a livré des PCTC toujours plus grands, avec des capacités de 7 à 8 500 voitures. Plusieurs carburent au GNL. Les transporteurs de voitures font partie des catégories de navires ayant opté plus franchement pour le gaz naturel liquéfié. Selon les données de la société de classification DNV, il y aurait une centaine de car-carriers au GNL en commande sur un carnet de commandes, tous navires confondus, de quelque 800 unités.
Les nouvelles exigences environnementales devraient en outre créer un appel d’air pour des nouvelles constructions. Ces derniers mois, les annonces visant à la décarbonation du secteur se sont multipliées. Le norvégien Höegh Autoliners a exercé auprès de China Merchants Heavy Industries (CMHI) de nouvelles options dans le cadre de sa nouvelle classe Aurora de très grands voituriers (jusqu’à 9 100 voitures), classifiée ammoniac et méthanol par DNV. Les quatre navires supplémentaires – qui fonctionneront dans un premier temps au GNL – porte ainsi son programme à huit unités.
Hyundai Glovis, actuellement engagé avec le groupe Volkswagen pour transporter ses voitures entre l'Europe et la Chine jusqu'à la fin de 2024, prévoit aussi d'acquérir de nouveaux navires dans le cadre d’un contrat de 1,58 Md$ avec un « constructeur automobile mondial » non communiqué.
En juillet, Cosco Shipping a annoncé la création d’une coentreprise avec SIPG logistics et Saic anji logistics dans le transport des PCTC. La nouvelle compagnie a passé commande, en deux temps, de quinze et six navires alimentés au GNL d’une capacité de 7 500 voitures auprès de quatre chantiers navals chinois. SAIC est la branche logistique du constructeur automobile chinois SAIC Motor, en tête des ventes en Chine grâce aux coentreprises formées avec Volkswagen (SAIC-Volkswagen) et General Motors (Shanghai GM, SAIC-GM-Wuling Automobile). SAIC ambitionne d’exporter plus de trois millions de voitures fabriquées en Chine dès cette année.
Des tarifs d’affrètement jamais observés en dix ans
Le segment bouillonne alors que l'industrie automobile a été pénalisée par la pénurie de composants électroniques du fait des tensions dans la chaîne d'approvisionnement. La construction automobile accuserait un déficit de production de plus de 18 millions de véhicules dans le monde par rapport à 2019 (90 millions d'unités produites), selon l’assureur Allianz Trade.
Depuis plusieurs semaines, les taux de fret et les tarifs d’affrètement atteignent des sommets inégalés, trois fois plus élevés que la moyenne décennale. Le segment est porté par la croissance des exportations de voitures fabriquées en Chine et la congestion des principaux ports rouliers qui pousse la capacité à ses limites. D'un minimum de 10 000 $/j, à la mi-2020, le taux d'affrètement pour une durée d’un an d’un navire d’une capacité de 6 500 véhicules a atteint le niveau record de 62 500 $/j en juin. « Il avait fallu plus de six ans pour que les tarifs passent d'environ 20 000 à plus de 50 000 $/j lors du boom de 2002 à 2008 », indique Clarksons pour témoigner du phénomène.
Adeline Descamps