À quelques jours d’intervalle, l’italien Grimaldi a réceptionné à la fois le premier d’une nouvelle génération de ro-ro à la capacité deux fois supérieure à celle construite dans les années 1990 et le cinquième d'une série de sept PCTC (Pure Car & Truck Carrier).
Grimaldi s’apprête donc à introduire en Méditerranée le premier des six rouliers géants qu’il a commandés en 2018 au constructeur chinois Jinling Shipyard, spécialiste de ce marché. Avec ses dimensions inédites pour des lignes à courte distance, Grimaldi semble partager la même vision du marché que le danois DFDS et le belge Cobelfret qui ont ouvert la voie à une famille renouvelée et agrandie de ro-ro opérant sur le marché européen.
L’Eco Valencia de Grimaldi affiche une longueur de 238 m pour 34 de large et aligne près de 7 800 m linéaires sur cinq ponts offrant la possibilité de charger 500 remorques. À la filiale de China Merchants Group ont été en fait confiées deux sous-séries, l’une de neuf navires de type Med GG5G, destinés à être exploités pour ses lignes méditerranéennes et l’autre pour une autre compagnie du groupe, Finnlines, de trois unités de type Baltic GG5G, classées glace, qui seront déployées en Europe du Nord.
Virage écolo
Appelée Grimaldi Green 5th Generation (GG5G), la nouvelle génération a été conçue par l’architecte naval Knud E. Hansen et marque aussi la rupture environnementale de la société. Toute la série sera propulsée par deux moteurs d'une puissance de 12 780 kW pour une vitesse de 20,8 nœuds. Ils seront équipés de scrubbers à circuit ouvert et donc motorisés au fuel lourd. Mais précise Grimaldi, bien que le tonnage transporté soit deux fois supérieur à celle de sa classe Eurocargo construits à la fin des années 1990, il consommera la même quantité de carburant à la même vitesse. Des technologies destinés à réduire le frottement de la coque doit contribuer à optimiser la consommation énergétique. Les navires seront également dotés de batteries au lithium rechargeables pendant la navigation (notamment grâce à 600 m2 de panneaux solaires). Ils permettront d’être autonomes lors de leur stationnement à quai.
Battant pavillon italien, l'Eco Valencia sera rejoint par l’Eco Barcelone d’ici la fin de l’année. Ils relieront l'Italie et l'Espagne via Livourne, Savone, Barcelone et Valence. Les unités « baltic », opérés par sa filiale Finnlines seront optimisées pour des cargaisons plus denses (un pont de moins mais pour un port en lourd supérieur).
L’armateur napolitain Grimaldi avait contracté en 2018 avec le constructeur chinois pour une première commande de six navires d’une valeur de près de 330 M€. Il a très vite levé ensuite son option pour six supplémentaires.Pari sur la taille
Avec cet investissement, Grimaldi s’inscrit donc dans les pas de Cobelfret. Le belge a initié les fréteurs de grande capacité sur ses lignes intra-européennes avec les sisterships Céline et Delphine de 234 m de long pour une largeur de 35 m. Il s’agissait alors des premiers ro-ro avec des dimensions hors gabarit traditionnel, alignant 8 000 m linéaires de pont garage capables d’embarquer 550 remorques sur 5 ponts. C’est le constructeur sud-coréen Hyundai Mipo qui avait été choisi.
DFDS s’est aussi positionné sur des géants. Les siens seront longs de 237 m pour 35 m de large avec une capacité de 6 700 m linéaires de pont garage, soit une capacité de 450 pièces de fret. Le danois a réceptionné en fin d’année dernière le troisième (Hollandia Seaways, sous pavillon danois) d’une famille qui en comptera six.
PCTC en grand
Parallèlement, Grimaldi voit aussi grand dans le transport de véhicules. Le 19 octobre, il a accueilli dans sa flotte le Grande Florida, cinquième d'une série de sept PCTC (Pure car and truck carrier) commandés au chantier chinois Yangfan situé à Zhoushan. Tous seront déployés sur la liaison ro-ro hebdomadaire entre la Méditerranée et les États-Unis (Canada, États-Unis avec le Mexique).
Battant pavillon italien, le Grande Florida mesure 199,9 m de long et 36,45 m de large pour un tonnage brut de 65 255 GT et une vitesse de service de 19 nœuds. Il fait aussi office de géant dans sa catégorie. Avec sa capacité de 7 600 CEU (Car Equivalent Units) ou 5 400 mètres linéaires dédiés à du fret roulant jusqu'à 5,3 m de haut et 2 737 CEU, il est l'un des plus grands PCTC du marché. D'un point de vue environnemental, il est équipé de technologies permettant « l’efficacité énergétique et un transport éco-durable », vante l’armateur.
Année cauchemardesque
Sur le marché du transport de véhicules, il faut avoir la confiance du marché bien accrochée en ces temps épidémiques. Les opérateurs spécialisés dans le transport automobile patinent. Le marché automobile mondial devrait vivre en 2020 la pire année jamais enregistrée pour le secteur. La chute drastique de la demande de véhicules observée dans la plupart des grands marchés de consommation et la mise à l’arrêt forcée des industries dans les grands pays constructeurs devraient se solder par une chute des ventes mondiales de voitures de 22 % en 2020, soit 70,5 millions de véhicules selon les données compilées par la Lloyd's List Intelligence dans son dernier Shipbuilding Outlook. Toutes les régions sont touchées, mais c’est en Europe que la baisse devrait être la plus forte (- 23 %).
Le secteur se bat sur un autre front. Une série d'incendies ont concerné un certain nombre de transporteurs de voitures ces dernières mois : les Cruise Bonaria, Polaris Highway à Zeebrugge et Höegh Xiamen dans le port de Jacksonville en Floride. Emanuele Grimaldi avait d’ailleurs fait entendre sa voix à cette occasion, demandant de nouvelles règles. Grimaldi est particulièrement touché. En 2019, deux de ses navires – Grande America et Grande Europa – ont été classés en pertes suite à des incendies.
Adeline Descamps
