Voilà une surprise de nature à apporter du crédit à l'Union européenne : le Parlement de Bruxelles a finalement voté le paquet mobilité, le 4 avril, contribuant à établir des règles sociales communes aux 28 pays membres dans le transport routier.
Et pourtant, ce n'était pas gagné, comme le craignaient les organisations professionnelles quelques jours plus tôt (cliquez sur le lien pour en savoir plus), tant les représentants d'une vision libérale du transport routier avaient déposé d'amendements au texte.
Mais les parlementaires se sont retroussés les manches et ont fini par trouver un accord sur les sujets qui fâchent. "On obtient une sorte d’harmonisation sociale vers le haut à laquelle peu voulaient encore croire du côté des pays qui forment l’Alliance du routier, tant les pays de Visegràd était arc-boutés sur le statu quo et ont essayé jusqu’à la dernière minute de bloquer toute réforme", souligne la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR).
Le Parlement européen a, entre autres, adopté les mesures suivantes :
• l’application du principe de détachement hors opérations bilatérales et de transit ;
• l’interdiction des temps de repos hebdomadaires réguliers dans la cabine ;
• le retour à son domicile du conducteur toutes les quatre semaines ;
• le retour obligatoire du véhicule toutes les 4 semaines au siège de sa société ;
• un délai de carence après les opérations de cabotage.
Adoption avant les élections ?
Le travail des eurodéputés devrait être consolidé dans un texte ratifié par le Conseil des ministres des Transports, la Commission européenne et le Parlement, réunis en trilogue. La commissaire en charge des transports souhaite que cette rencontre tripartite ait lieu avant les prochaines élections européennes (fin mai 2019). Ensuite, les différents pays auront jusqu’à l’été 2020 pour le transposer.
Satisfaction chez les transporteurs français
"Il s’agit d’une réelle victoire pour les entreprises de transport comme pour leurs salariés, souligne la FNTR. La Fédération se mobilise depuis des mois aux côtés de ses partenaires européens pour enfin partager des règles économiques et sociales plus justes partout dans l’Union. Pour les entreprises françaises, il s’agit d’un pas sans précédent vers un rééquilibrage de la concurrence".
Et chez la ministre des Transports
"Ces votes au Parlement européen constituent une étape importante et positive dans le combat que porte la France pour une Europe qui protège les travailleurs et les entreprises", a indiqué Elisabeth Borne, ministre des Transports. "La France appelle à ce que ces compromis puissent être maintenant examinés dans les meilleurs délais dans le cadre du trilogue".
Bilan mitigé pour d'autres
"Nous pouvons être fiers d’avoir repoussé toute libéralisation concernant les temps de repos et de conduite des salariés, car cela mettait en péril leurs conditions de travail, leurs rythmes de vie et la sécurité routière, qui en dépend directement", estime Karima Delli, députée européenne membre du groupe Vert-ALE, présidente de la Commission Transport et Tourisme du Parlement européen. "Malgré les tentatives de la Commission européenne et des conservateurs, le repos régulier en cabine restera donc interdit conformément à l'arrêt récent de la CJUE, et les heures de travail ne pourront pas être légalement rallongées, pas même pour les chauffeurs de bus et cars.
Enfin, malgré les pressions de nombreux États et leurs représentants au sein du Parlement européen, nous n’avons jamais lâché sur le cabotage : limité dans le temps, avec l'obligation du retour du camion à sa base, et un encadrement pour lutter contre les entreprises boîtes aux lettres, il permettra de nous protéger de la jungle sociale voulue par certains dans le secteur, quoi qu’il arrive lors des négociations futures avec le Conseil".
L'élue, qui se représente aux prochaines élections, regrette toutefois que : "si la récente révision de la directive sur le détachement des travailleurs comportait des progrès réels, c'était au prix de l'exemption du secteur routier. Aujourd'hui, cette exception est hélas confirmée, et se traduit par la création en Europe d'une classe de salariés de seconde zone. Les chauffeuses et chauffeurs du secteur routier sont victimes du deal passé entre le gouvernement français et les États périphériques, qui en avaient fait une monnaie d'échange afin d’obtenir un accord sur la révision de la directive générale sur le détachement".