« Il est urgent d’investir dans la formation », déclarait récemment David Bray, dirigeant des Transports Bray (62) dans nos colonnes (OT n° 3151), évoquant la pénurie de 40 000 à 50 000 conducteurs dans le secteur, et se faisant l’écho de la profession en quête de solutions pour trouver de nouvelles recrues : formation initiale, insertion, alternance et apprentissage… L’apprentissage, qui a bénéficié d’un fort soutien de la part de l’État depuis la fin de la crise sanitaire (qui se prolonge en 2023 avec une aide de 6 000 € pour tout nouvel apprenti), a particulièrement explosé. Ainsi, chez Promotrans, le nombre d’apprentis formés a augmenté de 13 % l’an dernier et, à l’Aftral, ils étaient deux fois nombreux qu’il y a quatre ans (1).

Compétences contre la pénurie

La pénurie peut-elle faire oublier la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP, l’ex-gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, GPEC) ? « On ne peut pas opposer les deux. Les plans de relance de l’apprentissage sont complémentaires des actions de formation continue non obligatoire », assure Pauline Suire, directrice de la pédagogie du groupe de formation Promotrans. Il faut combiner les deux efforts, enchaîne Peter Guillon, président de Promotrans qui rappelle que « le meilleur des collaborateurs est celui qu’on a déjà, que l’on accompagne pour maintenir et faire progresser ses compétences ». Sur la même longueur d’onde, Thomas Varré, délégué général adjoint d’Aftral, observe qu’« aujourd’hui l’entreprise doit à la fois intégrer de nouvelles recrues et continuer à fidéliser ses collaborateurs en les faisant progresser ».

La formation progresse un peu

Et, en période post-Covid, poursuit le délégué général adjoint, « la formation continue non obligatoire progresse un peu, notamment,avec des formations très orientées vers le conducteur, concernant sa sécurité, son bien-être, ses communications avec les autres, l’écoconduite ou la sinistralité (2). Dans la mesure où les entreprises arrivent à libérer des conducteurs. Ce qui est peut-être l’exercice le plus difficile aujourd’hui ».

Car, si l’employeur est obligé de former ses collaborateurs dans le cas d’une adaptation à un poste et d’un maintien dans l’emploi des compétences, il n’est pas évident pour les plus petites entreprises de dégager du temps pour ses professionnels. « Le volume de formations continues non obligatoires est marginal chez nous, témoigne Patrick Jaget, responsable de la formation professionnelle chez Marietton Formation, dans le Rhône. La petite entreprise, en particulier, cherchera des formations à l’écoconduite ou à la prévention/risque pour réduire une accidentologie, par exemple. Il faut une plus grande taille pour prévoir des formations non obligatoires dans le cadre d’un plan de prévention ».

Former en période creuse

« Les entretiens annuels permettent vraiment de faire le point sur les demandes et parfois même d’aller au-devant des besoins de formation, constate Sébastien Deniau, dirigeant des Transports Richard, à Couëron (44). La formation est essentielle et dès que nous le pouvons, nous en organisons, en privilégiant au maximum le face-à-face, pour plus d’efficacité. En début d’année, nous avons, par exemple, formé nos formateurs aux nouvelles normes d’arrimage… Mais avec 110 salariés, dont 25 sédentaires, entre les congés, les congés maladies et les commandes, il est parfois difficile de s’organiser. C’est pourquoi nous nous appuyons aussi sur tous les supports du groupement FLO, webinaire, e-learning, convention. » (lire article page suivante sur les groupements).

Des formations régulières

Aux Transports Montbrisonnais, à Montbrison (42), Manuel Gomes, inscrit régulièrement ses salariés à des formations proposées par Tred Union, dont la PME est membre, ou à des formations de la FNTR 42. « Mais cela représente tout de même un investissement de déplacement et du temps, dit-il. Or, avec 45 personnes, le temps est précieux pour chacun ! » Néanmoins, l’entreprise, notamment très investie dans une démarche de réduction de son impact CO₂, positionne ses deux formateurs internes dans des sessions d’accompagnement à la conduite rationnelle, en exploitation et cotise davantage à l’Opco Mobilités. Et « privilégie les périodes plus creuses, en fin d’année, pour envoyer certains salariés en formation ».

Évolutions de postes

Avec 1 800 salariés, dont 1 000 conducteurs, dans tout l’Hexagone, le groupe Bert a forcément d’autres moyens. L’entreprise drômoise peut se tourner vers la plateforme digitale du groupement Astre, auquel elle appartient (lire encadré). « Mais nous nous appuyons aussi en interne sur des outils développés par notre service communication, explique Mathilde Rambures, responsable du service recrutement et formation. Et notre service de six personnes intervient en support des sites et dans l’accompagnement, par exemple, de salariés qui veulent utiliser leur compte personnel formation (CPF) ou faire une reconversion professionnelle. » En 2022, il y a ainsi eu douze CPF et cinq dossiers de transition professionnelle. Le grand groupe, très orienté vers la progression en interne, compte aussi une équipe d’une dizaine de formateurs conducteurs et opérateurs de logistique, et met en place de vastes actions de formations non obligatoires. Depuis 2020, l’entreprise a ainsi formé des cadres au management, de nombreux salariés à la bureautique et développé la plateforme digitale Papillon, pour les conducteurs.

Mobilité professionnelle

Dans le Groupe Mousset (2 800 salariés), la taille de l’entreprise incite également à la mobilité professionnelle et permet de s’appuyer sur des ressources internes, mais pas uniquement, pour développer une politique de formation très axée sur la connaissance de soi et des autres. Le groupe a ainsi déployé une école de managers qui dispense les fondamentaux de l’encadrement – de type animation de réunion, gestion ou débriefing –, mais aussi la formation de développement personnel sur l’ennéagramme, dont une formule plus resserrée dans le temps est également proposée aux conducteurs.

Indissociable de la QVT et de la sécurité

La formation, selon Hélène Bouquet, directrice générale adjointe de l’activité cour de ferme et en charge du pôle formation et recrutement, « est indissociable de la politique de qualité de vie au travail et de sécurité. Nous avons également des modules sur la gestion de l’alimentation et du sommeil. Essentiels. Et, pour les conducteurs, la formation EPA eco pro attitude est assurée par nos 14 formateurs internes et 125 conducteurs formateurs, qui partent sur les routes au moins une journée avec les chauffeurs ». Pour une formation en direct avec le métier.