Quelque dix semaines avant le lancement de leur future coopération en mer (Gemini) à partir de février 2025, Hapag-Lloyd et Maersk continuent de faire et défaire les rois parmi les ports qu'ils desserviront tout en aménageant leur flotte. Celle d'Hapag-Lloyd, par exemple, compte actuellement près de 300 navires (299) soit plus d’une trentaine de plus qu’il y a un an, avec une capacité (en EVP) de plus de 15 % supérieure (2,3 MEVP versus 1,9 MEVP). L'expansion résulte certes du réacheminement des navires autour du cap de Bonne-Espérance, qui consomme plus d’unités avec l’allongement des distances. Mais les changements dans son bataillon relèvent aussi des « préparatifs » à l’organisation de son futur réseau. Ses 35 navires en commande pour près de 500 000 EVP ne seront pas accessoires.
Switch last-minute
La nouvelle alliance entre Maersk et Hapag-Lloyd repose sur un concept de hub & spoke autour d'un nombre limité d'escales dans des ports pivots, les autres étant desservis par des « shuttle ». Le choix portuaire est crucial alors que les deux transporteurs vendent une fiabilité des horaires de 90 % et un service premium. Les 59 lignes structurées autour de 29 grandes lignes et 30 services de navettes font le jeu, en Europe du Nord, des ports britanniques et allemands et en Méditerranée de Barcelone, Tanger Med voire Algésiras.
Alors que le terminal d’Hutchison Ports à Felixstowe, stratégique pour les importations conteneurisées du Royaume-Uni (40 %) qui traite en moyenne 80 000 à 100 000 EVP par semaine et où s’opèrent 75 mouvements de trains intermodaux par jour, figurait jusqu’à présent sur trois des quatre boucles Asie-Europe, ce sera finalement London Gateway. Le terminal, exploité par DP World (capacité de 2 MEPV par an), qui y a adjoint un très grand parc logistique, se veut une alternative au « triangle d'or » des Midlands.
Montée en puissance de London Gateway
Actuellement, dans le cadre de son alliance avec 2M, Maersk opère trois services par semaine sur cette ligne avec escale dans un port britannique (AE7/Condor), selon les données d'Alphaliner. Hapag-Lloyd, en tant que membre de THE Alliance, escale à Southampton pour son trafic avec l’Asie. Dans la nouvelle configuration, London Gateway deviendra le premier port desservi en Europe du Nord pour les boucles AE3/NE3 et AE5/NE4. Vers l'Est, London Gateway sera le dernier port de chargement en Europe du Nord pour le service AE1/NE2.
Cependant, Southampton reste le port d’élection pour trois des quatre futures boucles Europe du Nord-côte est-américaine du réseau transatlantique tandis que London Gateway recevra également deux services entre l'Europe du Nord, le Moyen-Orient et l'Inde.
Un investissement d'1 Md£
« Il n'y a pas de changement pour les services exploités en propre par Maersk au départ et à destination de Felixstowe, en dehors du champ d'application de la coopération Gemini », a pris le soin de préciser la direction de Maersk.
L’armateur n’a pas confirmé mais le port de la côte sud du pays devrait ainsi perdre deux escales hebdomadaires de navires-mères.
Cette nouvelle intervient deux semaines après l'annonce d'un investissement d'1 Md£ (1,2 Md€) porté par DP World afin d'agrandir le London Gateway, mis en service en 2013. Avec ses nouveaux postes d'amarrage, portant leur nombre à six le long d'un linéaire de quai de 2,5 km, six navires de plus de 400 m de long pourront accoster simultanément. Le site sera doté de portiques « dont la hauteur pourra rivaliser avec celle de Big Ben », indiquait le groupe émirati. Un crime de lèse-majesté.
Adeline Descamps
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