Dans le contexte actuel, trois facteurs conditionnent les résultats sur le marché du transport maritime de conteneurs : la durée de la crise en mer Rouge devenue insécure depuis que les Houthis attaquent les navires marchands en guise de soutien au Hamas palestinien, le temps dont les armateurs de porte-conteneurs disposent avant d'être noyés sous l'afflux de nouveaux navires et la durée de la hausse subite de la demande de transport, ont expliqué les dirigeants de ZIM, à l’occasion de la présentation des résultats du premier trimestre. À savoir « si elle est liée à la haute saison qui commence tôt, ou s'il s'agit d'une reconstitution des stocks après une période prolongée de déstockage ».
La situation en mer Rouge apporte un dopant artificiel aux taux de fret, qui ont été de 42 % supérieurs à ceux du premier trimestre 2019, selon le courtier Braemar.
« La perturbation des services est-ouest, contraints à des temps de transit plus longs, réduit les effets de l'offre excédentaire. Nous estimons que le déroutement en mer Rouge [vers le cap de Bonne Espérance, allongeant la distance de plus ou moins 5 000 milles et 10 à 15 jours de navigation, NDLR] a un impact sur la capacité d'environ 10 MEVP, ce qui réduit considérablement l'offre excédentaire à court terme », peut-on lire dans sa dernière note, ce qui réduit la surcapacité estimée avant l'attaque des Houthis de 18 % à 9 %.
Compagnie exposée par sa nationalité
Dans ce contexte, la compagnie israélienne, numéro neuf mondial dans le transport maritime de conteneurs avec 2,4 % de parts de marché, figure parmi les compagnies les plus exposées à la situation actuelle en mer Rouge compte tenu de sa nationalité ciblée par les Houthis. Mais au-delà, elle est scrutée par les marchés parce qu’elle est la seule du Top 10 à avoir déclaré un résultat net en perte dès le premier trimestre.
Elle est aussi fragilisée à la fois par son modèle économique axé sur le spot (65 % de ses contrats sur la période entre le 1er mai 2024 au 30 avril 2025) et sur le marché transpacifique (41 % des volumes au premier trimestre par exemple) ainsi que par son exploitation assise sur de l'affrètement (sur ses 127 navires, seuls neuf sont détenus en propriété).
Amélioration notable
Les bénéfices pour le premier trimestre de l’entreprise cotée en bourse ont déçu les marchés si bien que ses actions ont chuté immédiatement de 9,75 % avant de partiellement se redresser dans la journée, clôturant en baisse de 4,8 %.
Pour autant, la compagnie basée à Haïfa a montré une amélioration notable par rapport à la même période de l'année dernière, avec un revenu net de 92 M$ contre une perte nette de 58 M$ à la même période il y a un an.
Le bénéfice ajusté avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) à 427 M$ représente une hausse de 14 % en glissement annuel et le résultat d’exploitation (bénéfice ajusté avant intérêts et impôt, Ebit), à 167 M$, s’est nettement redressé par rapport à la perte de 14 M$ du premier trimestre 2023.
Les marges s’en ressentent, respectivement de 27 et 11 % alors que la marge Ebit, indicateur phare dans le conteneur, était négatif (-1 %) il y a un an.
Les revenus des trois premiers mois de l’entreprise se sont élevés à 1,56 Md$, soit une augmentation de 14 % en un an, tirés par les volumes transportés en croissance de 10 % (846 000 EVP) et un revenu moyen par EVP en hausse de 4 %, à 1 452 $ versus 1 390 $.
Endettement qui se creuse
Sur le plan strictement financier, la trésorerie nette générée par les activités d'exploitation a presque doublé, passant de 174 à 326 M$ entre les deux premiers débuts d’année 2023 et 2024. Son endettement net au 31 mars 2024 s’est toutefois creusé de 801 M$, à 3,11 Md$. Le ratio d'endettement net s’est ainsi établi à 2,8x, contre 2,2x au 31 décembre 2023.
Conformément à la politique de dividende de la société (versement de 30 % du résultat net), l’action de ZIM sera rétribuée à 0,23 $ par action.
Plus confiante dans ses perspectives que ses pairs
Revigorée par ce premier trimestre, la société a revu à la hausse ses prévisions pour l'ensemble de l'exercice 2024 et s'attend désormais à générer un Ebitda ajusté compris entre 1,15 et 1,55 Md$ et un Ebit entre zéro et 400 M$.
Le 13 mars, l’entreprise prévoyait un bénéfice ajusté avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement de l’ordre de 850 M$ à 1,45 Md$ et un bénéfice ajusté avant intérêts et impôt, entre une perte de 300 M$ et un gain de 300 M$.
Maersk et Hapag-Lloyd ont également revu à la hausse leurs prévisions pour l'ensemble de l'année mais la compagnie israélienne paraît plus optimiste en revoyant à la fois le bas et le haut de sa fourchette de prévisions.
« Nous nous attendons maintenant à ce que les taux de fret restent plus élevés pendant plus longtemps que prévu initialement en raison de la pression continue sur l'offre, de la disponibilité des conteneurs et d'une récente augmentation de la demande », justifie Éli Glickman, le CEO de ZIM qui nuance toutefois face à l’inconnu quant à l'environnement tarifaire à venir.
Des perspectives qui s'améliorent
Le Fonds monétaire international (FMI) vient de revoir à la hausse son estimation de la croissance mondiale pour 2024, la portant à 3,2 %. Pour rappel, la croissance annuelle moyenne du PIB mondial au cours des années (pré-Covid) 2015-2019 était de 3,5 %.
Sur cette base, le courtier maritime Braemar estime que la demande annuelle de transport de conteneurs sera en moyenne de 2,2 % en 2024-2027, par rapport à la moyenne annuelle de 3,6 % sur la période 2015-2019. Moyennant un assouplissement de la politique monétaire dans les économies avancées, avec une détente progressive des taux, le retour de la confiance des consommateurs pourrait soutenir la demande commerciale mondiale, estime la société de courtage.
46 nouveaux navires en attente
L’armateur vient de prendre livraison du seizième de ses 46 nouveaux navires cette année, dont 28 seront alimentés au GNL.
Le fait d’être concentré sur le spot, par nature hypersensible aux tensions géopolitiques, pourrait être un atout pour l’entreprise cotée qu’est ZIM. La pandémie lui a merveilleusement réussi. La société a été classée en 2021 parmi les cinq meilleures performances du marché boursier américain pour les sociétés dont la capitalisation boursière a dépassé le milliard de dollars.
Adeline Descamps
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