X-Press Pearl : un autre dossier compliqué pour les assureurs

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Le brasier n’est toujours pas éteint mais la densité des flammes diminue. La coque est sous contrôle, indique l’armateur X-Press Feeders. À terre, les autorités locales en sont à leur cinquième jour de nettoyage du littoral. Pour les assureurs, c’est un nouveau dossier compliqué qui s’ouvre alors qu’ils sont déjà mobilisés sur le casse-tête de l’Ever Given.

Ce n’est pas faute d’avoir prévenu quelques jours à peine après l’événement le 20 mai. Alors que l’incendie précédé de deux explosions à bord du porte-conteneurs X-Press Pearl échappait à tout contrôle en dépit des moyens déployés, l'Autorité de protection de l'environnement marin (MEPA) du Sri Lanka faisait part de ses craintes quant à une probable marée noire.

Le récent feeder de 2 700 EVP d’à peine trois mois, immatriculé à Singapour, se rendait du Gujarat en Inde, à Colombo au Sri-Lanka lorsqu’un incendie s'est déclaré à bord à 14 km des côtes le 20 mai. Les moyens mis en œuvre ‑ un hélicoptère militaire, neuf navires des gardes côtes du Sri Lanka et trois d'Inde – n’ont pas permis de canaliser le feu notamment en raison des conditions météorologiques.

Une marée noire n’est toujours pas exclue en raison du risque de déversement de la soute (il y a 100 t de pétrole à bord en plus des 278 t de fuel e 50 t de gasoil dans les soutes) alors que la structure fragilisée du feeder peut rompre à tout moment. Mais c’est le déversement de millions de granulés de polyéthylène échappés des conteneurs qui a motivé l’ouverture d’une enquête criminelle le 30 mai suite à la plainte déposée par la MEPA.

81 conteneurs étiquetés dangereux

Selon les informations contenues dans les rapports d’accident du Lloyd’s, sur les 1486 conteneurs, 81 étaient identifiés en dangereux, dont 25 emplis d'acide nitrique. L'essentiel de la cargaison aurait été détruit par les flammes, selon les autorités. Les débris s'échouent dans une région identifiée comme une zone de pêche importante et un repaire de biodiversité. La navigation est désormais interdite au large des côtes sur 80 km. Les 4 500 pêcheurs touchés seront indemnisés, promet le gouvernement sri-lankais. 

L’événement en rappelle un autre, de triste mémoire récente. Il y a même pas un an, le pétrolier New Diamond avait brûlé pendant une semaine entière au large de la côte orientale du Sri Lanka après une explosion dans la salle des machines qui avait tué un membre d'équipage. Une marée noire de 40 m de long s'en était suivie. Le Sri Lanka avait exigé des propriétaires du supertanker 17 M$ pour régler les frais de nettoyage.

Hier, le 31 mai, l'Autorité de protection de l'environnement marin craignait également des pluies acides en raison de l'émission de dioxyde d'azote en cette saison humide. 

Soupçon porté à l’encontre de l’armateur

Les autorités sri-lankaises ont également annoncé qu'elles allaient attaquer en justice l'armateur X-Press Feeders après une révélation par les médias selon laquelle l’incendie aurait été provoqué par une fuite d’acide nitrique dans les conteneurs au cours de la traversée. Le capitaine aurait néanmoins pris la décision de jeter l'ancre au large de Colombo.

L'exploitant et propriétaire du navire a réfuté les allégations de la presse selon lesquelles le navire se serait vu refuser l'entrée dans les ports de Hazira en Inde et Hamad au Qatar. « Ces informations sont inexactes, a déclaré X-Press Feeders. Des demandes ont été faites aux deux ports pour décharger un conteneur sur lequel avait été décelée une fuite d’acide nitrique mais il n'y avait pas d'installations spécialisées ou d'expertise immédiatement disponibles pour traiter le problème », rectifie l’armateur.

Si le brasier n’est toujours pas éteint, la densité des flammes diminue. Mais le commandant de la marine sri-lankaise a déclaré le 28 mai qu'il n'y a aucun risque que le navire se brise en deux. X-Press Feeders affirme pour sa part que sa coque reste structurellement intacte, sans fuite de la soute. 

Casse-tête pour les assureurs

« Les assureurs devront faire face à des demandes d'indemnisation au titre de la coque et des machines, de la cargaison et de la responsabilité civile, bien qu'il y ait encore beaucoup d'incertitudes quant à l’ampleur du sinistre. Le navire était récent [trois mois, NDLR] et on ne connaît ni les conditions d’assurance de la coque, ni même l’identité de l’assureur », indique le Lloyd’s.

Le P&I Club de Londres (nom commercial de la London Steam Ship Owners Mutual Insurance Association) a confirmé dans une déclaration du 26 mai être un des assureurs en responsabilité civile. À ce titre, il couvrirait les blessures de l'équipage et tout impact environnemental. Au vu de la tournure des événements, celui-ci pourrait avoir une incidence importante sur le montant de la demande d'indemnisation.

L'expert en sinistres Crawford & Co qui a estimé pour sa part la perte de cargaison entre 30 et 50 M$ en supposant qu'un conteneur contient en moyenne 15 000 à 20 000 $ de marchandises, ne voit pas d’autres issue que la perte totale. En conséquence, les assureurs de la cargaison tenteront de récupérer leurs pertes auprès des armateurs.

Clause Scopic invoquée

Selon l’agence Platts, l'équipe de sauvetage travaillerait en vertu de la clause dite « Special compensation P&I Clause » (Scopic). Afin de sauver le navire et d’éviter un accident écologique, l’armateur conclut en général avec une société d’assistance un contrat d’assistance dit Lloyd’s Open Form (LOF) incluant cette clause Scopic en vertu de laquelle la société de sauvetage obtient le paiement d’une indemnité par l’assureur auquel l’armateur est affilié pour la prise en charge du navire dans des conditions qui limitent les impacts environnementaux. Les mandatés pour le sauvetage sont généralement payés sur la valeur de ce qui est récupéré. La clause leur garantit un paiement adéquat a fortiori lorsque les navires sont tellement endommagés qu'ils perdent toute valeur commerciale.

Le marché de l’assurance est à l’épreuve. Le dossier du X-Press Pearl pourrait s’avérer aussi compliqué que celui de l’Ever Given, le célèbre navire bloqué dans le canal de Suez, objet de nombreux litiges entre le propriétaire du navire et son assureur avec le gestionnaire de l’infrastructure égyptienne. 

Outre la problématique des matières dangereuses à bord, des déclarations de fret erronées, de l’arrimage des conteneurs ou encore de la taille croissante des navires, la fatigue des équipages dans un contexte de pénurie de personnel due à la pandémie est un point qui inquiète particulièrement les assureurs et sur lequel ils alertent actuellement.

Adeline Descamps

 

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