L’incendie, parti a priori d’un conteneur contenant des matières dangereuses situé sur le pont du navire, a pris une tournure dramatique le 25 mai lorsqu’une explosion a éclaté alors que le X-Press Pearl, situé au large des côtes du Sri Lanka, devait faire l’objet d’un remorquage. L’Autorité de protection de l'environnement marin (MEPA) du Sri Lanka estime désormais la situation gravement détériorée, le feu redoublant d’intensité en raison de vents violents.
Le navire de 2 700 EVP de l’opérateur de feeders X-Press Feeders, enregistré sous le pavillon de Singapour, est ancré à 18 km de Colombo, la capitale du Sri Lanka, les 25 membres d’équipage dont deux blessés ayant été évacués. Jusqu’alors, l’incident paraissait sous contrôle si bien que le navire devait être remorqué par Smit Salvage, mandaté pour l’opération. Ses équipes ont d’ailleurs pu y effectuer une première inspection.
C’est désormais une marée noire de niveau II qui menace les côtes sri lankaises très fréquentées notamment par les dauphins. Il existe un risque de déversement d'environ 100 t de pétrole en dehors des 300 t de combustible de soute, dont une partie aurait déjà été retirée. Certains des conteneurs contiennent en outre 25 t d'acide nitrique et d'autres produits chimiques, selon un communiqué de la marine sri-lankaise cité par Bloomberg.
Le porte-conteneurs nouvellement construit a perdu huit des 1 486 conteneurs qu'il transportait. Sept d'entre eux ont coulé.
L’événement en rappelle un autre, de triste mémoire récente. Il y a même pas un an, le pétrolier New Diamond avait brûlé pendant une semaine entière au large de la côte orientale du Sri Lanka après une explosion dans la salle des machines qui avait tué un membre d'équipage. Une marée noire de 40 m de long s'en était suivie. Le Sri Lanka avait exigé des propriétaires du supertanker 17 M$ pour régler les frais de nettoyage.
Un sujet qui inquiète
Les départs de feu dans les conteneurs est sujet qui inquiète tout particulièrement toute la communauté maritime. L’année 2019 avait été particulièrement meurtrière. Les déclarations trompeuses sont identifiées comme une des premières causes si bien que certains armateurs avaient cette année-là actionné la sanction financière pour tromperie sur la marchandise, qu’elle ait été commise avec la volonté délibérée de frauder (pour éviter les coûts et exigences supplémentaires), par erreur ou méconnaissance des règles d’étiquetage et d’emballage.
Le traitement des marchandises dangereuses (IMDG) est un point particulièrement critique. L'International Cargo Handling Coordination Association a estimé qu'environ six millions de conteneurs contiennent des marchandises dangereuses. L'assureur TT Club considère que près de 1,3 million de boîtes ne seraient pas correctement emballées ou sont mal identifiées. Or, le fret est manipulé et rangé en fonction de son contenu et de son poids déclarés, et une fausse déclaration peut avoir des conséquences désastreuses.
Un certain nombre de compagnies maritimes ont pris des mesures pour traiter la problématique. Maersk, traumatisé par l’incendie du Maersk Honam, dans lequel cinq membres d’équipage ont perdu la vie, a revu ses procédures d’arrimage et de chargement en proscrivant l’entreposage des marchandises dangereuses à proximité de la salle des machines. Hapag-Lloyd utilise un logiciel pour scanner les réservations afin de détecter les marchandises dangereuses non déclarées. CMA CGM vient de faire appel à la technologie de Viking Life-Saving Equipment pour équiper 85 de ses navires. La technologie permet de traiter les départs de feu а l’intérieur des conteneurs pour couper court immédiatement à la mécanique infernale.
Plus de réglementation ?
L’OMI est surtout attendu sur ces sujets. Les réglementations qui encadrent la sécurité de la cargaison existent pourtant. La déclaration de la Masse brute vérifiée (MBV ou VGM, Verified Gross Mass) est une obligation qui incombe au chargeur ou au transitaire. Un code d'usages (approuvé en 2014) pour l'emballage des conteneurs décrit les procédures et techniques spécifiques de sécurité.
Dans la pratique, comme il est impossible de procéder systématiquement à la pesée physique de chaque conteneur plein, des écarts de 2 à 3 % entre le déclaré et le constaté sont tolérés en cas de contrôle. Classifiées par le Code maritime international IMDG, les marchandises dangereuses doivent être déclarées en principe lors de l’établissement du contrat maritime.
Réglementations obsolètes ou dépassées ? Les associations et ONG pointent des failles et déplorent le manque de contrôle. La Surfrider Foundation Europe, ONG spécialisée dans la protection des océans, considère que le système de déclaration de la cargaison se polarise trop sur le poids de chaque conteneur et pas suffisamment sur « la nature des marchandises transportées ». L’association estime en outre que le « ship planning » peut ne pas être totalement conforme au descriptif de la répartition de la cargaison fourni au port, l’armateur pouvant embarquer de nouveaux conteneurs, même après avoir déposé le fameux document.
« Avec l'accélération croissante des mouvements et des chargements, les dockers, les inspecteurs, les armateurs et le commandant du bateau manquent de temps pour vérifier les conteneurs et contrôler la fiabilité des déclarations », dénonce aussi l'ONG Robin des Bois.
Certains armateurs plaident aussi pour une revoyure de certaines règles. « L’incendie du Maersk Homan nous a clairement montré que les réglementations et pratiques internationales en la matière [devaient] être revues », avait expliqué le géant danois du transport maritime alors que les marchandises dangereuses avaient été fixées à bord conformément aux exigences du IMDG.
Adeline Descamps