Avec ZIM et HMM, Yang Ming et Wan Hai font partie des compagnies dont le bénéfice d'exploitation et le résultat net ont dévissé dès le deuxième trimestre. Les résultats de Wan Hai avaient par exemple encaissé, entre avril et juin, un repli de plus de 20 % par rapport à janvier-mars. Le numéro onze mondial du secteur du conteneur, particulièrement positionné sur l’intra-asiatique, avait alors enregistré son plus faible bénéfice depuis le deuxième trimestre 2021.
En revanche, Evergreen, le plus grand des trois transporteurs taïwanais, était en bien meilleure forme au cours du second trimestre avec un Ebit de 4 Md$. La compagnie avait même enregistré la marge d'exploitation la plus élevée parmi les principaux transporteurs pour le deuxième trimestre consécutif. Evergreen a reçu ses navires en temps voulu, ce qui lui a permis de se développer, en période de taux de fret fastes, sans avoir besoin d'affréter du tonnage coûteux.
Toutes en repli
Mais au troisième trimestre, les Taïwanaises sont toutes trois concernées par la trajectoire descendante à la fois du chiffre d'affaires, de l'Ebit et du bénéfice net. Evergreen, Yang Ming et Wan Hai ont déclaré des revenus d'exploitation de 50,2 milliards de TWD (1,5 Md$), 27,9 milliards de TWD (899 M$) et 18,6 milliards de TWD (610 M$) respectivement.
Le bénéfice d'exploitation a baissé par rapport au précédent trimestre, de 8,5 % pour Evergreen (numéro six mondial), de 4,5 % pour Yang ming (numéro neuf) et de 10,8 % pour Wan Hai.
Evergreen n’a cette fois pas résisté. Le chiffre d'affaires (5,5 Md$) est en repli de 2,5 % par rapport au deuxième trimestre de l'année. Avec 3,6 Md$, l'Ebit s’est contracté de 8 % par rapport au trimestre précédent.
Résultats en millions de dollars taïwanais (source : Alphaliner).
Evergreen prépare l’avenir
Toutefois, sur neuf mois, son bénéfice net a bondi de 92 % (par rapport à l'année précédente), à 9,77 Md$, avec une marge brute de 68,36 %. Si le deuxième trimestre a représenté un pic pour le transporteur, il n’en poursuit pas moins ses investissements. Depuis le début de la pandémie, Evergreen a étoffé ses capacités de plus de 400 000 EVP, faisant passer sa part de marché, en capacité de 5,2 à 6,3 %, si bien qu’elle a ravi la sixième place mondiale, auparavant occupée par ONE.
Il vient par ailleurs de prendre le contrôle du Colon Container Terminal (CCT), en rachetant la participation de ses filiales. Une opération d’une valeur de 268 M$ « dans le but de renforcer [notre] présence sur le continent américain et d'accroître [notre] avantage concurrentiel ». Le président d'Evergreen, Hsieh Huey-chuan, en a fait part à l’occasion d’une séance à la Bourse de Taïwan, où les actions de la compagnie maritime sont négociées. « Cette acquisition devrait améliorer les services et le transbordement », a-t-il précisé.
Ancienne base navale américaine, le CCT a ouvert ses services commerciaux à la fin des années 90 et dispose désormais de quatre postes d’amarrage. Un parc logistique de 30 ha, qui doit devenir le Colon Logistics Park, est la prochaine étape, a fait valoir la compagnie.
Parallèlement, Evergreen Marine a acheté environ 79 millions d'actions de sa filiale sidérurgique Evergreen Steel sur le marché libre, moyennant un chèque de 119 M$ pour porter sa participation à environ 19 %. Un investissement d’avenir : « Evergreen Steel va étendre ses activités dans le développement de l'énergie verte », a commenté le président.
Yang Ming dans la sobriété
Dans son communiqué de presse de deux paragraphes, Yang Ming a annoncé, pour sa part, un bénéfice après impôts au troisième trimestre de 1,7 Md$. Ses revenus consolidés ont totalisé 3,41 Md$ (contre 3,8 Md$ au deuxième trimestre). Sur les neuf mois, l’entreprise a toutefois vu son résultat net augmenter de 50,95 % par rapport à la même période de l’an dernier, à 5,66 Md$ et son chiffre d’affaires atteindre près de 11 Md$.
« Au cours des trois premiers trimestres, la guerre en cours entre la Russie et l'Ukraine et la poussée de l'inflation mondiale ont eu un impact sur l'industrie du transport maritime par conteneurs », indique sobrement le communiqué de Yang Ming. La congestion portuaire persistante et l'impasse des négociations contractuelles sur la côte ouest des États-Unis ont également ajouté de l'incertitude dans la chaîne d'approvisionnement ».
Le transporteur fait référence aux négociations interminables aux États-Unis entre l'International Longshore and Warehouse Union (ILWU) pour les dockers et la Pacific Maritime Association (PMA) pour leurs employeurs afin d’aboutir à un nouveau contrat de travail alors que le précédent est échu depuis le 1er juillet. Les échanges, qui portent sur les augmentations de salaires et l'automatisation, n’ont toujours pas abouti. Les négociations concernent 29 ports de la côte ouest-américaine, dont les deux principales portes d’entrée du pays, Los Angeles et Long Beach, pour les importations conteneurisées. C’est dans la perspective d’un blocage – comme cela a été le cas en 2002 et 2015 –, qu’une partie des volumes entrant normalement par la façade ouest-américaine a été réorientée vers la côte Est.
Adeline Descamps