Une redistribution des cartes dans le recyclage des navires ?

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À quelques jours de l’entrée en vigueur du règlement européen qui rend obligatoire le recyclage des navires battant pavillon européen dans des installations dites « sûres » et agréées, l'Europe vient d'intégrer dans sa sélection six nouveaux chantiers, dont des turcs. Parallélement, le Bangladesh, un des leaders mondiaux du démantèlement, entreprend son processus d'adhésion à la convention de Hong Kong... 

In extremis, la Commission européenne vient d’ajouter six nouveaux chantiers à sa liste d'installations agréées. Et pour la première fois, elle intègre trois chantiers navals situés en dehors de l'UE, tous turcs, à savoir Leyal Gemi Söküm Sanayi ve Tícaret Ltd., Leyal Demtaș Gemi Söküm Sanayi ve Ticaret A.Ș et International Shipbreaking Limited L.L.C., basés à Izmir. Le chantiers finlandais Turku Repair Yard, l'italien San Giorgio del Porto S.p.A. et le danois Modern American Recycling Services Europe, figurent également parmi les nouveaux entrants.

À partir du 31 décembre 2018, le règlement de l'UE sur le recyclage des navires exige que les navires de plus de 500 t de jauge brute battant pavillon d'un État-membre de l'UE utilisent une entreprise inscrite sur la liste européenne. Une garantie, selon Bruxelles, pour que les navires soient recyclés dans des installations sûres pour les travailleurs et respectueuses de l'environnement. Elles sont désormais au nombre de 27 dont 4 en France : Démonaval Recycling (76) ; Gardet & de Bezenac Recycling (76) ; Grand Port maritime de Bordeaux (33) et Les Recycleurs bretons (29).

« L'UE s'est engagée à réduire l'impact de l'industrie maritime de l'UE sur l'environnement, notamment par une meilleure protection de l'environnement et des travailleurs du recyclage des navires. Intégrer des chantiers navals situés en dehors de l’Europe est une étape importante et la reconnaissance des efforts réalisés par ces chantiers pour répondre aux normes. Ces six nouveaux sites renforcent la capacité de recyclage et offre aux armateurs européens plus de choix », a déclaré Karmenu Vella, membre de la Commission européenne en charge de l'environnement, des affaires maritimes et de la pêche.

Un signe d'apaisement ? 

Ces derniers mois, à l’approche de l’entrée en vigueur de la réglementation, les relations se sont quelque peu tendues, notamment entre les ONG environnementales et les associations professionnelles représentant les armateurs et propriétaires de navires. Au cœur des échanges, la capacité de l’Europe à disposer de chantiers navals en nombre suffisant. Des arguments qualifiés de « faux-fuyant évidents » par les ONG. 

Le nombre de bateaux envoyés à la casse est par nature variable car directement lié à la conjoncture. L’inventaire dressé par l'ONG Shipbreaking Platform, spécialiste de la comptabilité « défunts », recensait 1 254 navires en 2012 soit 20 à 30 % de plus qu’en 2011 (effet du retrait progressif des pétroliers à simple coque) contre 1 026 en 2014 et seulement 835 en 2017. Mais la crise de surcapacité, la concentration des armements, l’élargissement du canal de Panama qui a rendu obsolète une partie des navires... sont autant de facteurs qui pourraient accélérer le process. La réglementation 2020 sur les carburants à faible teneur en soufre risque aussi de condamner prématurément les vraquiers. De même, tous les analystes prévoient une année 2018 record de navires pétroliers en démolition, en raison de la mauvaise passe du transport pétrolier, avec des prix et des marges en berne.

Les associations, européenne et internationale, des armateurs – ECSA et BIMCO –, mais aussi ICS et Intertanko, ont ainsi milité tout au long de l’année pour une extension de la liste. « Lorsque des installations non communautaires sont jugées conformes aux exigences, comme celles en Inde, elles devraient être incluses dans la liste de l’UE », faisait valoir l’ECSA, qui en appelle de nouveau à la ratification de la Convention internationale de Hong Kong, adoptée en 2009 mais jamais entrée en vigueur faute du quorum fixé à 15 États représentant (soir au moins 40 % de la flotte mondiale de navires de commerce). Les syndicats professionnels notaient par ailleurs que les chantiers européens, compte tenu d'une « forte activité dans la réparation navale et les travaux en mer », n'auraient pas tous la disponibilité nécessaire et qu'un seul serait en capacité de recevoir les plus gros navires.

Sur les 2 725 navires de propriété européenne envoyés à la casse entre 2010 et 2017 (données de Shipbreaking Platform), 91 % ont été désossés directement sur des plages d’Asie du Sud sans égards pour les règles de sécurité et d'environnement. Les Européens, Allemands et Grecs en tête, portent une lourde responsabilité puisqu’ils fournissent chaque année peu ou prou 40 % des navires mis au rebut. 

Surcoût évident

Si à ce jour, les chantiers européens conformes aux conventions internationales n’absorbent que 2 à 3 % du marché du démantèlement, la raison tient principalement à leur défaut de compétitivité. Bruxelles a un temps pensé, avant d'y renoncer, à soumettre les navires, quel que soit leur pavillon, à un prélèvement de 0,05 €/t à chaque escale dans un port européen, taxe qui serait remboursée au dernier propriétaire à condition que son recyclage soit réalisé dans une installation approuvée par l’UE. 

En attendant, l'organisation à but non lucratif Sustainable Shipping Initiative a lancé la plateforme en ligne Ship Recycling Transparency Initiative (SRTI), « ni une norme ni un outil de notation mais un outil visant à encourager un recyclage responsable en donnant aux compagnies maritimes la possibilité d'être transparentes sur le démantèlement des navires », indique le communiqué. Parmi ses fondateurs, des armateurs (CNC, Hapag-Lloyd, A.P. Moeller-Maersk, Norden, Stolt Tankers, Wallenius Wilhelmsen), des acteurs financiers (GES, Nykredit et Standard Chartered Bank) ou encore la société de classification Lloyd's Register... « Exiger la transparence, c'est demander des comptes à l'industrie maritime, c'est placer la barre plus haut et c'est aussi créer une concurrence loyale entre les armateurs », affirment les signataires. L’initiative est louable mais cela reste un club d’entre-soi …

--- A.D. ---

* Liste disponible sur le site de EUR-Lex, Commission implementing decision 2018/684

 

Le Bangladesh, bientôt conforme aux normes internationales

Le 26 novembre dernier, la deuxième phase d'un projet mis en œuvre par l'OMI pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires au Bangladesh a été lancée lors d'une réunion organisée à Dacca (Bangladesh). Le projet (appelé SENSREC, Safe and Environmentally Sound Ship Recycling in Bangladesh) doit accompagner le pays dans les réformes nécessaires (juridiques, politiques…) de façon à ce qu'il puisse adhérer à la Convention internationale de Hong Kong de l’OMI. Le Bangladesh est  l'un des cinq plus grands États recycleurs au monde en volume, aux côtés de la Chine, de l'Inde, du Pakistan et de la Turquie. D'une durée de 19 mois, le projet est financé à hauteur de 1,1 M$ par le gouvernement norvégien. 

La première partie du projet a notamment permis de réaliser « des études économiques et environnementales sur le recyclage des navires au Bangladesh, d’élaborer des normes environnementales, sécuritaires et sanitaires et des programmes de formation pour les acteurs du secteur ». Il s’agit aussi d’établir de renforcer les capacités des installations de traitement, de stockage et valorisation des déchets dangereux produits par les opérations de recyclage.

Certains chantiers navals du Bangladesh ont déjà réussi à améliorer leur sécurité et leurs performances environnementales. PHP Shipbreaking and Recycling Industries of Bangladesh a cette année recyclé son premier navire conformément à la Convention de Hong Kong. PHP a été la première installation de recyclage du Bangladesh à recevoir une déclaration de conformité à la convention en octobre 2017.

Pour ce projet, l'OMI collabore avec le ministère de l'industrie du Bangladesh, le secrétariat des Conventions BRS, l'Organisation internationale du Travail (OIT) et l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI).

 

 

 

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