« Le projet de loi constitue une menace pour la compétitivité des compagnies. La possibilité de partager l'espace à bord des navires permet à un plus grand nombre de transporteurs de conteneurs de fournir plus de services de manière plus efficace à un plus grand nombre de ports que les transporteurs ne pourraient le faire individuellement » a réagi John Butler, PDG du World Shipping Council dans un communiqué de presse, présentant inlassablement la même défense à une attaque persistante.
Le World Shipping Council, association américaine revendiquant 90 % du transport maritime conteneurisé, réagit à une proposition de loi portée par cinq membres du Congrès, tous originaires de Californie et emmenés par le représentant démocrate Jim Costa, visant à interdire les accords de partage de navires (VSA) dans la ligne régulière.
Dérogation aux règles antitrust
L’initiative cherche à casser ce qu’il considère comme un monopole et revenir sur l’exemption aux règles de la loi antitrust fédérale dont bénéficient les transporteurs et qui leur permettent de partage des slots à bord.
Cette exception est aussi remise en question en Europe, Bruxelles réexamine actuellement sa position à l’égard des alliances sous la pression des chargeurs. À savoir si l'exemption peut être maintenue telle quelle ou s'il est nécessaire de limiter leurs prérogatives.
Entente commerciale
« Depuis bien trop longtemps, les monopoles maritimes étrangers manipulent le secteur du transport maritime et recourent à des pratiques commerciales déloyales, au détriment des exportateurs et des consommateurs américains », dénonce Jim Costa dans un communiqué de presse sur la proposition de loi intitulée Ocean Shipping Antitrust Enforcement Act (loi sur l'application des règles antitrust dans le secteur du transport maritime).
« Les compagnies battant pavillon étranger doivent comprendre que l'accès au marché américain et à ses consommateurs est un privilège, et non un droit », a déclaré pour sa part le représentant John Garamendi, l'un des promoteurs de la réforme de la shipping act en 2022.
Les porteurs du projet de loi affirment en outre que leur action « réduirait la collusion et les pratiques commerciales anticoncurrentielles, les augmentations injustifiées et unilatérales des taux de fret ainsi que les frais de détention et surestaries ». En dépit de la réforme de la législation américaine sur le transport maritime, ils soutiennent que les transporteurs « refusent toujours les réservations, notamment pour les produits agricoles, et à pratiquement n'importe quel prix ».
Aucune compagnie américaine
La démarche fait écho aux décrets anticoncurrentiels âprement défendus par le président démocrate Joe Biden qui s’est lancé depuis deux ans dans une véritable traque aux positions dominantes dans tous les pans de l’économie américaine, estimant que le transport maritime entre dans ce cadre. Une réponse aux pratiques jugées abusives des principales compagnies maritimes qui opèrent sur le marché américain mais dont aucune n’est américaine.
Le président américain, qui avait réservé l’algarade au secteur maritime dans son discours sur l’état de l’Union le 1er mars 2022 devant le Congrès, avait repris à son compte les accusations portées par les exportateurs, faisant de la concentration du marché la cause de toutes les perturbations actuelles, et rendant les coûts particulièrement élevés du transport maritime responsables de l’inflation.
Dans le collimateur de plusieurs autorités antitrust
« Plus de 50 transporteurs maritimes exploitent plus de 1 000 navires qui fournissent quelque 180 services de ligne aux importateurs et exportateurs américains », avait alors rétorqué le WSC.
Selon ses calculs, seuls trois transporteurs ont une part de capacité supérieure à 10 % et sept seulement ont une part de capacité supérieure à 5 % à l'échelle mondiale.
L'argument selon lequel les transporteurs forment un monopole est avancé par plusieurs autorités de la concurrence.
En février, celles des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande se sont associées pour avoir un pouvoir de contrôle accru et être plus « efficaces contre les pratiques anticoncurrentielles dans le transport maritime de conteneurs. »
Adeline Descamps