Une coalition d’entreprises, parmi lesquelles figurent le leader mondial du transport maritime de conteneurs MSC, la major pétrolière britannique Shell, grand acteur dans le GNL, Seaspan, le plus grand propriétaire de navires au monde, l’armateur norvégien de méthaniers Knusten ou encore la société de certification des navires Lloyd's Register, se sont fédérés au sein d’une coalition afin d’explorer les moyens de réduire les émissions de méthane des navires, un puissant gaz à effet de serre (GES).
Il est estimé qu’il est à l’origine de 25 % des émissions mondiales générées par les activités humaines, avec un potentiel de réchauffement climatique reconnu 28 fois plus élevé que le CO2. Selon les experts, il est comptable d’environ 0,3 °C des 1,1 °C de réchauffement de la planète.
Les émissions de gaz non brûlé, connues sous le nom de glissement de méthane, sont l’un des enjeux du GNL employé comme carburant et une de ses épées de Damoclès. Le méthane, consommé à travers un processus de combustion, génère deux fois de gaz à effet de serre que la combustion du charbon et 30 % de moins que celle du pétrole. Mais, si les molécules de méthane s’échappent dans l’atmosphère, ce que l’on appelle des fuites de méthane, elles deviennent une importante source d’émissions carbone.
Vent débout contre les émissions de méthane
La problématique fonde les principales critiques formulées à l’endroit de la propulsion au GNL, notamment par les organisations environnementales mais aussi des grandes institutions internationales.
La Banque mondiale, l’un des plus grands bailleurs de fonds mondial, qui dispose d’une statut d'observateur à l'OMI en tant qu’entité des Nations unies, a consigné ses avis dans un rapport très critique soumis l’an dernier à l'OMI, au moment où les futures normes pour décarboner le transport maritime étaient débattues au sein de l’autorité de régulation du transport maritime,
Dans son rapport publié en août en 2021, le GIEC s'est aussi attaqué pour la première fois au méthane émis par les navires au GNL et même à la production de gaz naturel liquéfié. L’ONG environnemental Transport & Environment a également publié plusieurs notes d’expert sur le sujet.
Vingt quatre pays de plus ont rejoint en fin d’année dernière l'initiative des États-Unis et de l’Union européenne qui travaillent de concert sur un projet d'accord portant sur la réduction des émissions de méthane d'au moins 30 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020.
Une application industrielle en 2023
Les partisans de l'initiative, dénommée Methane Abatement in Maritime Innovation Initiative (MAM) et à laquelle participent également Maran Gas Maritime et Carnival, considèrent qu’il n'existe pas de méthodes reconnues au niveau mondial pour limiter les fuites de méthane, en raison du manque de données disponibles. Dans un premier temps, il s’agira d’établir des « projets pilotes avec de nouvelles technologies qui permettent d’observer et réduire le glissement de méthane des navires alimentés au GNL ». Une fois ces solutions validées, elles seront mises en œuvre à titre expérimental dans l'industrie à partir de 2023, précise le communiqué.
MSC, qui considère le GNL comme « l'option carburant à moyen terme », dispose à, ce jour le carnet de commandes le plus étoffé avec plus de 1,5 MEVP. Ses dernières commandes, en nombre, sont toutes à double motorisation avec le GNL.
Depuis le début de l’année, selon les données de la plateforme Alternative Fuels Insight de DNV, les engagements en faveur du GNL se sont élevés à 151, ce qui représente près d'un cinquième du carnet de commandes total, fixé à 805 unités, tandis que 295 sont en service. Le plébiscite est manifeste dans le segment des porte-conteneurs (175 navires), des car-carriers (95), des pétroliers (brut et produits raffinés, 88) et des vraquiers (44). Par ailleurs, la configuration « ready for LNG » a été optionnée dans 229 autres contrats.
Une solution japonaise
En mars, Hitachi Zosen, Mitsui O.S.K. Lines (MOL) et Yanmar Power Technologies avaient annoncé un projet commun de recherche visant le même objectif : résoudre cette problématique. Leur concept, un système catalytique d'oxydation du méthane, a déjà une première approbation de principe (AiP) de la part de ClassNK.
MOL et Namura Shipbuilding envisageaint alors de faire construire un navire de démonstration afin d’éprouver le système. Lorsqu'ils avaient lancé leur programme de recherche en 2021, il était question d’un vraquier construit par Namura et exploité par MOL.
Les partenaires du projet se sont fixés pour objectif d'atteindre un taux de réduction des fuites de méthane de plus de 70 % d'ici 2026 en combinant un catalyseur d'oxydation et des améliorations au moteur. Ils projettent une commercialisation dans un délai de quatre ans.
Adeline Descamps