En toute logique, la croissance du parc de conteneurs frigorifiques suit celle de la flotte de porte-conteneurs. De façon rationnelle, l’armateur qui détient la plus grande flotte est aussi celui qui dispose de la plus grande capacité de transport de conteneurs à température contrôlée.
Ainsi, avec ses 816 navires totalisant près de 6 MEVP, le leader mondial de la ligne régulière MSC met à disposition 583 700 prises frigorifiques. En un an, il aura augmenté de 17,6 % ses ressources dans ce domaine par rapport à l'année précédente selon les données d’Alphaliner. Et avec ses 104 navires en commande, il devrait garder son leadership.
ONE, plus forte croissance en capacité
Pour autant, cette arithmétique ne résiste pas à tout. L’armateur japonais ONE, numéro six mondial avec 1,8 MEVP et 234 navires, tient en respect le Top 10 mondial, ayant enregistré la progression la plus importante (+ 23,1 %) du nombre de prises permettant de brancher les conteneurs (autour de 180 000 unités) tandis que sa flotte n’aura cru « que » de 17,5 %.
Le transporteur allemand Hapag-Lloyd, qui fait du transport réfrigéré un axe stratégique (220 000 unités sur 1,8 million de conteneurs en propriété et en location ; 1 600 reefers achétés durant le premier trimestre) et la compagnie d’Haïfa ZIM, sont au coude à coude en termes d’extension de leur parc (plus de 14 %).
ZIM, 8e rang mondial par sa capacité frigorifique
Le transporteur israélien est encore loin des 100 000 prises (77 700) mais il faut les mettre en regard avec ses 130 navires. Ainsi, « si toutes ces prises étaient utilisées pour connecter des conteneurs frigorifiques de 40 pieds, le transporteur israélien pourrait consacrer 22,2 % de ses slots au transport de conteneurs frigorifiques ». Le numéro dix mondial par ses tonnages est au 8e rang mondial par sa capacité frigorifique.
HMM, offre frigo en baisse
À l’inverse, les transporteurs taïwanais Evergreen et Yang Ming sont limités : leur parc est stable. Le premier a 70 navires en construction. Mais la part des reefers qui embarqueront n’est pas connue.
Le Sud-Coréen HMM est le seul transporteur dont la capacité frigorifique décline (- 1,3 % par rapport à l'année d'avant), conformément à la réduction de de la taille de sa flotte (- 2,4 %).
Maersk et CMA CGM, forte propension à embarquer du froid
À noter les deux cas de Maersk et CMA CGM. Le Danois et le Français sont ceux qui ont la part de slots disponibles pour des conteneurs branchés la plus importante, avec 23,2 % et 22,5 % de la flotte totale respectivement.
Mais leur croissance au cours des douze derniers mois ne suit pas celle de leurs concurrents. C’est surtout valable pour le Scandinave. De façon naturelle aussi puisque Maersk a fait montre d’une grande austérité budgétaire depuis le début de la pandémie en termes d’acquisitions de navires neufs. Pour autant, il a la plus forte propension à embarquer du froid parmi les dix premiers armateurs mondiaux.
Quant à la compagnie tricolore, elle est dans un entre-deux alors qu’en proportion, sa flotte a bien enflé. Avec ses 92 porte-conteneurs en commande, elle devrait prendre l’ascendant sur le numéro deux actuel Maersk mais sa capacité à transporter des denrées périssables et fragiles s'est étoffé d’un peu plus de 10 % en un an.
Mais CMA CGM reste numéro deux mondial pour son offre de transport sous température dirigée, devant Hapag-Lloyd (21,2 %) et MSC (20 %). Cette part se situe, en revanche, entre 17 et 15 % pour leurs homologues asiatiques, la prime au Japonais ONE.
Hausse des taux de fret temporaire
Selon le consultant Drewry, la récente hausse des taux de transport frigorifique devrait être de courte durée bien que le réacheminement par le cap de Bonne Espérance pour éviter la zone de guerre aux abords du canal de Suez continue de générer des retards et complique le repositionnement des équipements frigorifiques.
L'indice de la société de conseil maritime, qui reflète les taux de fret sur les routes maritimes à forte intensité pour la logistique du froid, a chuté de 37 % au dernier trimestre 2023 pour atteindre 4 065 $ par conteneur de 40 pieds, mais a repris l’ascendant au premier trimestre.
« La surabondance de nouveaux porte-conteneurs entrant sur le marché cette année devrait compenser la récente pression à la hausse sur les taux de fret et les faire revenir dans leur tendance à la baisse de long terme dans le courant de l'année », indique le rapport Reefer Shipping Forecaster récemment publié par Drewry.
Pour rappel, en 2023, 2,3 MEVP ont été livrés et plus d’1 MEVP ont été réceptionnés en à peine quatre mois, selon l’association d’armateurs Bimco. Cette extension de flotte s’ajoute à celle de l’an dernier, qui était de 8,2 %. Il y a actuellement 6,1 MEVP en commande tandis que pas moins de 2MEVP devront être livrés cette année.
Volumes transportés sous froid en hausse de 3,2 %
Les volumes transportés sous froid ont augmenté de 3,2 % en 2023 par rapport à l'année précédente.
« La faiblesse persistante de l'économie chinoise a contribué à une demande plus faible que prévu pour les expéditions de protéines clés en 2023, mais le commerce a affiché un retour à la croissance dans la seconde moitié de l'année, stimulé par des exportations élevées de bœuf en provenance du Brésil et de l'Australie », expliquent les auteurs du rapport.
Le phénomène climatique El Nino en 2023 a par ailleurs affecté les cultures fruitières dans le monde entier. Le commerce des bananes s'en est ressenti, en baisse de 1,3 % en un an.
La plupart des grands pays producteurs ont toutefois enregistré une croissance plus forte au cours du second semestre, mais l’année d’avant avait été très faible. Le commerce des melons et des baies a été le plus durement touché, chutant de 6,8 % en 2023, les mauvaises récoltes en Amérique du Sud ayant entraîné une pénurie de produits de qualité.
Trafic maritime frigorifique attendu en hausse
Pour autant, Drewry prévoit que le parc mondial de conteneurs frigorifiques augmentera d'un peu moins de 10 % au cours des cinq prochaines années, ce qui représente cependant une révision à la baisse de ses prévisions précédentes.
Selon l’analyste, le trafic maritime frigorifique devrait croître de 1,7 % en 2024, sous l’impulsion de la poursuite du transfert des navires spécialisés vers toujours plus de porte-conteneurs, avides par ailleurs de fret pour remplir leurs cales.
Adeline Descamps