Quand la géopolitique contrarie les grands projets industriels

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La reprise est bel et bien au rendez-vous en 2022 dans le segment du colis lourd et du levage. Cependant, après l’euphorie des premiers mois, un fléchissement de l’activité est perceptible depuis la fin du semestre, contrariée par les tensions géopolitiques, la pénurie et l’inflation des matières premières et des énergies. Les opérateurs notent une baisse de 10 à 15 % des taux d’affrètement journaliers depuis l’été. 

Le marché mondial du colis lourd a retrouvé des couleurs en 2022. « Oil is back ! », pouvait-on, entendre dans les travées des salons professionnels à Dubaï en 2021, en référence au réveil de l’industrie pétrolière et gazière. Les cimenteries tournent aussi à plein régime. Trouver un navire disponible ou simplement une simple place en pontée est devenue une gageure.

« Tous nos navires sont occupés en raison de la très forte demande dans le monde dans le segment de l’énergie. Le planning des navires témoigne d’une activité soutenue jusqu’au premier trimestre 2023 », commente Maxence de Broissia, associé de Giant Marine Transport, agent français BigLift Shipping, qui note toutefois dans les cotations, « un petit fléchissement de la demande ». En 2022, les armateurs s’étaient projeté sur une pleine occupation des navires jusqu’en 2023.

Or le marché se tasse légèrement en cette fin d’année avec des positions désormais ouvertes sur des dates proches. La détente est perceptible chez les commissionnaires de transport qui retrouvent depuis juillet des navires spot disponibles à l’affrètement sur du court terme.

Déplacement de la flotte

Jeu de l’offre et de la demande, les taux redescendent légèrement après la période folle post-épidémique où les navires polyvalents étaient également pris d’assaut et détournés pour effectuer du transport de boîtes dont la demande a explosé sous l’impulsion d’une consommation effrénée. La descente observée sur le segment du conteneur entraîne par ricochet celle des navires polyvalents.

L’inflation généralisée est en train de tout balayer et fait le lit de l’austérité. Les tensions géopolitiques, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à la stratégie maritime agressive de la Chine à l’égard de Taïwan, engendrent un repositionnement géographique de la flotte mondiale des navires de colis lourd. Une partie reste positionnée dans les eaux territoriales des pays sous le coup des sanctions américaines (Iran, Lybie, Corée du Nord, Cuba, Soudan…), une autre se concentre sur les projets russes et chinois et le tiers restant est actif… sur le reste du monde.

Régionalisation du heavy lift

« Le business du heavy lift se régionalise. Depuis deux ans, nous assistons à un dérèglement total de la chaîne d’approvisionnement marqué actuellement par un phénomène de relocalisation de l’Extrême-Orient vers l’Europe avec de nouveaux développements dans le secteur de la sidérurgie, de l’automobile, des nouvelles technologies », souligne Marin Skufca, à la tête de Liburnia Maritime Agency en Croatie et associé au sein de la compagnie néerlandaise Liburnia projects & chartering. Ce courtier spécialiste de l’affrètement de navires colis lourds n’hésite pas à parler de début de récession avec des taux journaliers en baisse de 10 à 15 %.

Les tarifs demeurent néanmoins à des niveaux toujours très élevés, certains dénonçant même « l’hypocrisie » des armateurs qui d’un côté baissent les taux tout en pratiquant des taux de détention journaliers très élevés. En 2021, il fallait débourser 60 000 $/j pour un navire bigué avec deux grues de 500 t.

« Après la croissance exponentielle des taux, nous atteignons un plateau avec des coûts journaliers d’affrètement de 30 000 à 40 000 $/j. Avant la crise de 2020, nous étions à un tarif journalier de 15 000 $ », analyse Arnaud Clément, de Giant Marine, l’associé de BigLift en France.

Depuis six mois, la flambée des prix s’est toutefois arrêtée. Autre phénomène, constaté par les transitaires, la hausse généralisée, homogène, des taux sur le colis quelle que soit la zone géographique quant au même moment les hausses étaient différenciées sur le segment des lignes conteneurisées (Nord/ Sud et Est/Ouest). 

Eaux basses, alerte

Aujourd’hui, les incertitudes générées par la conjonction mondiale affecte les projets industriels. En témoigne l’annonce récente d’Arcelor-Mittal (voir plus loin) d’arrêter certains de ses hauts fourneaux en Europe. La crise climatique s’en mêle. « Les basses eaux du Rhin en 2022 sont une réelle catastrophe pour le transport fluvial de colis lourds et entraîne des annulations de convois et des problématiques d’approvisionnement en charbon des centrales thermiques », déplore Marin Skufca. Le spécialiste qui possède des bureaux aux Pays-Bas et en République tchèque, anticipe des difficultés pendant au moins les deux prochaines années en raison des incertitudes liées à l’évolution de la guerre en Ukraine (au renforcement des sanctions contre la Russie) et de la crise sanitaire.

Cependant, il observe des changements structurels et notamment une bascule des grands projets industriels de certains de ses clients de Shanghai vers l’Égypte. Aujourd’hui, ce repositionnement du sourcing, qui devrait ouvrir de nouvelles opportunités de marché, permet à tous les acteurs de la chaîne logistique colis lourd de réduire les coûts.      

Nathalie Bureau du Colombier

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