CMA CGM cède à Balguerie les activités outre-Mer de Bolloré Logistics

Port de Guadeloupe

Clap de fin de la séquence portant sur la cession de Bolloré Logistics à CMA CGM. Conformément à ce qui était exigé par la Commission européenne et l’autorité polynésienne de la Concurrence, l'armateur français cède un pan des activités ultramarines de BL au groupe bordelais Balguerie, qui s'était montré intéressé dès avril.  
 

C'est l'ultime touche à la séquence portant sur la cession de Bolloré Logistics (BL) au groupe CMA CGM, opération permettant à sa filiale de commission de transport, Ceva Logistics, de compter parmi les cinq ou six leaders mondiaux du secteur, consolidant 24 Md$ de chiffre d’affaires, 390 000 t traités en aérien, 710 000 EVP en maritime (données de 2022) et 900 000 m2 d'entrepôts.

L'armateur français s’était engagé à céder les activités (aériennes, maritimes terrestres) de Bolloré Logistics en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, en Guyane française et en Polynésie pour tenir compte des réserves émises par la Commission européenne et par l’autorité polynésienne de la concurrence.

Le groupe bordelais Balguerie avait fait savoir le 18 avril qu'il avait signé avec CMA CGM un accord d'exclusivité et qu'il exercerait sa promesse d’achat à l’issue des procédures d’information et de consultation des instances représentatives du personnel.

Le commissionnaire (1 320 collaborateurs, 700 M€ de chiffre d'affaires) annonce ce 31 juillet la finalisation de l'acquisition du portefeuille ultramarin et de plusieurs actifs liés à leur gestion en France métropolitaine (soit les équipes de BL au Havre, Rouen, Orly et Dunkerque). Les opérations de la Réunion et de Nouvelle Calédonie ne sont pas concernées, celles-ci ayant été intégrées dans Ceva Logistics.

Quelle valeur ?

En dépit de nos demandes, les deux groupes n'ont pas souhaité communiquer sur le montant de l'opération de ce bout ultramarin de Bolloré sachant que CMA CGM a racheté la commission de transport du groupe des Bolloré pour 4,85 Md€. Une fin de non-recevoir a également été opposée aux questions portant sur le nombre d'emplois et le chiffre d'affaires du périmètre concerné.

À des fins d'information, l'ensemble des activités ultramarines de Bolloré Logistics a représenté l'an dernier 1 % de son chiffre d'affaires (7,1 Md€ en 2022, avant cession). C'est certainement la plus grosse acquisition pour Balguerie depuis sa création en 1930 (sous sa forme actuelle), opérant en tant que commissionnaire de transport international, agent maritime de lignes régulières, commissionnaire en douane et logisticien de spécialités (vins et spiritueux, fret sensible au froid,

« Cette acquisition marque une nouvelle étape clé pour nous. Elle renforce la solidité de notre groupe familial tout en s'inscrivant dans notre stratégie de croissance », fait-on dire à Antoine Thomas, le directeur général de la holding du groupe (BGP) qui présidera les entités ultramarines. Le premier communiqué, diffusé en avril, était à peine plus explicite, insistant toutefois sur la « proximité » et « l'expertise reconnue dans les territoires ultramarins ».

Présidé par Patrick Thomas, un des nombreux descendants d’Alfred Balguerie le fondateur, le groupe aux capitaux encore 100 % familiaux s’est constitué par rachats successifs mais tout en préservant les marques d’autant que ses acquisitions se sont portées sur des sociétés à la notoriété établie localement.

Ainsi de la Marseillaise Transcausse, particulièrement bien positionnée sur le marché de la messagerie entre le continent et la Corse avec 80 % de parts de marché, et en transport frigorifique sur le Maghreb. Ou du Catalan Multitrade Spain dans le transport exceptionnel, de Reuse à Anvers, Pillet au Havre et à Paris, ou encore Flytrans.

Balguerie a traité l’an dernier 210 000 EVP en fret maritime, dont 22 000 unités reefers, 20 000 t en fret aérien, 12 000 remorques et 100 000 m3 en projets industriels.

Une cession conditionnée, clap de fin

Pour rappel, le rachat par le troisième armateur mondial de porte-conteneurs des activités de commission de transport du groupe Bolloré a obtenu en février le feu vert de Bruxelles, qui a juridiction sur les départements d’outre-mer français, mais à certaines conditions.

Dans son avis, le régulateur européen avait mis en exergue plusieurs problématiques : diminution de la concurrence au détriment de transitaires concurrents en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane française ; concentration verticale entre l'activité de la ligne régulière exercée en amont par CMA CGM et le transit maritime mené en aval par Bolloré Logistics ; situation de monopole compte tenu des parts de marché très élevées des deux groupes...

L'Autorité de la concurrence de la Polynésie française avait, de son côté, conditionné la cession de Bolloré Logistics Polynésie à une clause de non-concurrence pour les cinq prochaines années (activité maritime exclusivement).

La Guadeloupe a exigé pour a part que 65 % de parts de marché soient réservés à des chargeurs et transitaires indépendants de CMA CGM.

D'autres mouvements à venir dans la commission

L'agenda est chargé dans la commission de transport. L'affaire reste à finaliser entre MSC et Clasquin. Un accord a été conclu en mars entre le leader de la ligne régulière et le commissionnaire lyonnais, le bloc de contrôle de ce dernier ayant accepté de céder sa participation de 42,06 % au prix de 142,03 € l’action.

La transaction, soumise à l’approbation des autorités réglementaires, devrait être finalisée d'ici à la fin de l'année. Le groupe lyonnais devrait ensuite se retirer de la côte où il a été introduit en 2006.

Une fois toutes les étapes de procédure ficelées, l’opération offrira à MSC une mise à l’échelle rapide et à coûts limités. Clasquin dispose d’une soixantaine de bureaux implantés sur tous les continents et a réalisé l’an dernier 56,8 % de sa marge commerciale brute (143,1 M€ en 2023, + 2,2 %) avec le fret maritime et 28,1 % avec l’aérien.

Mais la grosse opération reste la mise sur le marché, par l’opérateur historique du rail allemand Deutsche Bahn, de sa lucrative filiale de commission de transport DB Schenker. Plus de six mois après sa mise en vente pour 15 Md€ et alors que la maison-mère, lourdement endettée à hauteur de plus de 30 Md€, va de mal en pis (1,2 Md€ de pertes au premier semestre, contre 71 M€ l'an dernier à la même période), il ne reste plus que deux candidats en lice sur les quatre sélectionnés. Quelques semaines après Maersk, un autre prétendant vient de jeter l'éponge (selon Reuters, il s'agit du groupe maritime saoudien Bahri).

Fort de ses capacités d'intégration, le grand commissionnaire danois DSV est plus que jamais bien placé pour emporter la mise.

Adeline Descamps

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