Le groupe de transport maritime italo-suisse et la compagnie aérienne allemande Lufthansa avaient annoncé le 24 janvier leur intérêt pour acquérir une participation majoritaire d’ITA Airways, la compagnie aérienne née en octobre 2021 sur les cendres de la défunte Alitalia Airways après des années de renflouement publics et aujourd’hui détenue par l’État italien. Le gouvernement a encore approuvé l’an dernier une injection de 700 M€. Il avait été prévu deux augmentations de capital en 2022 et 2023, portant le total à 1,35 Md€.
Dans le schéma, tel que souhaité par les deux partenaires, la compagnie allemande Lufthansa interviendrait à hauteur de 20 % et MSC avec 60 %, a déclaré à Reuters une source proche du dossier. L'État italien conserverait les 20 % restants, qu’il prévoit de céder entre 2024 et 2026. La valeur de l’entreprise est estimée entre 1 et 2 Md€, font valoir les médias italiens.
Or, MSC et Lufthansa, qui ne commentent pas, ne sont pas les seuls intéressés. Le gouvernement italien a confirmé que seuls deux prétendants étaient encore en lice, le fonds IndiGo Partners (propriétaire notamment de Wizz Air et Frontier Airlines) ayant renoncé.
Outre le duo entre la compagnie aérienne allemande et le groupe de la famille Aponte, le ministère italien de l’Economie, qui pilote la privatisation, a confirmé la soumission d’une offre par les deux compagnies aériennes franco-néerlandaise et américaine Air France-KLM et Delta, associées au fonds d’investissement Certares.
Vente à conclure d’ici juin
Avec lequel des deux groupes de soumissionnaires des négociations exclusives seront-elles menées ? La décision doit être connue dans les prochaines semaines alors que le mois de juin est évoqué par le gouvernement italien pour l’officialisation de la transaction.
Face à la concurrence des compagnies low-cost en Europe, ITA Airways cherche à se concentrer sur le long courrier aux marges plus confortables. D'où la nécessité de s’adosser à un poids lourd du secteur.
La compagnie transalpine (59 avions), qui a essuyé une perte d’exploitation de 170 M€ en 2021, a récupéré 83 % des créneaux horaires d'Alitalia à Milan et 43 % de ses slots (créneaux de décollage) à Rome. Début décembre, elle a passé commandé de 28 Airbus (7 monocouloirs A220, 11 A320neo et 10 long-courriers A330neo) pour une valeur catalogue de 4,7 Md€. Elle avait signé auparavant, fin septembre, un accord avec la compagnie de location d'avions Air Lease Corporation (ALC) pour 31 autres appareils du constructeur européen.
MSC, Maersk et CMA CGM, des intérêts prononcés pour l’aérien
MSC, qui a détrôné Maersk début janvier de son statut de leader mondial, s’aligne sur la stratégie de ses deux proches concurrents, le danois Maersk et le français CMA CGM, comptant tous deux des actifs dans le transport aérien dans le cadre d’une approche de porte-à-porte. Jusqu’à présent, outre le transport maritime de ligne (WEC Lines, Linea Messina,) le groupe MSC a des intérêts dans les terminaux portuaires (Til), la logistique (Medlog), la croisière (MSC Cruises), le ferry/ropax (GNV) et le remorquage (MedTug).
Maersk a annoncé en novembre la commande de deux B777F neufs, qui seront livrés en 2024, et trois B767-300F, ceux-là loués auprès de Cargo Aircraft Management pour sa compagnie aérienne, Star Air, qu’il avait créée en 1987 au moment de la déréglementation du ciel, et qui est devenu récemment Maersk Air Cargo.
CMA CGM a investi le tarmac avec la création de CMA CGM Air Cargo doté d’une flotte détenue en propre – quatre A330-200F et deux commandes de B777F neufs – alors que quatre A350F, le nouveau freighter d’Airbus, ont été commandés.
L’armateur français de porte-conteneurs a en outre créé l’événement le 18 mai en annonçant un partenariat de partage de capacités et de réseaux avec Air France-KLM qui va se traduire par une entrée de CMA CGM au capital du groupe de transport aérien jusqu'à 9 %. Le numéro trois mondial de la ligne régulière pourrait ainsi devenir, selon les configurations, le troisième ou quatrième actionnaire de la compagnie tricolore en cours de recapitalisation.
L’alliance Air France-KLM, Delta et Certares se heurte à un problème de taille par rapport au duo Lufthansa-MSC : tant que le groupe franco-néerlandais n'aura pas remboursé son PGE (Prêt garanti par l'État) sur lequel il lui reste à rembourser 3,5 Md€, il ne pourra pas participer à la consolidation du secteur du transport aérien. Plus précisément, la Commission européenne interdit à une compagnie de prendre 10 % du capital d'une autre compagnie tant qu'elle n'a pas remboursé 75 % d’une aide publique d’État. CMA CGM devrait lui permettre sur ce point de renforcer ses fonds propres. Un problème que n’a pas Lufthansa.
Adeline Descamps