MSC a le goût des intérêts surprise. En décembre, dès lors qu’avait été révélé le mandat confié par le groupe Bolloré à la banque Morgan Stanley pour identifier de possibles candidats à reprendre tout ou partie des activités du Français sur le continent africain, les analystes du secteur se tordaient le cou à guetter une réaction de CMA CGM et Maersk. Finalement de façon moins convenue, la proposition est venue de MSC et avec considération (5,7 Md€).
Le leader mondial du transport maritime de conteneurs brouille à nouveau les messages en s’associant à Lufthansa (au capital duquel figure Klaus-Michael Kühne, principal actionnaire de Hapag-Lloyd) pour participer au tour de table de ITA Airways, la compagnie aérienne italienne née en octobre 2021 sur les cendres de la défunte Alitalia Airways après des années de renflouement publics, en vain.
40 % du capital
Il y a quelques jours, la presse italienne avait révélé que la compagnie aérienne allemande avait trouvé un partenaire industriel pour monter au capital à hauteur de 40 % de ITA Airways, détenue à 100 % par l’État italien et basée au sein du ministère de l’Économie. Face à la concurrence insoutenable des compagnies low-cost en Europe, la compagnie transalpine souhaite se concentrer sur le long courrier aux marges plus confortables. D'où la nécessité de s’adosser à un poids lourd du secteur.
« Aujourd'hui, MSC a manifesté au gouvernement italien son intérêt pour une participation majoritaire dans ITA Airways », indique en substance le très laconique communiqué du groupe, qui entend « tirer des synergies dans les secteurs du fret et du transport de passagers ». Les deux partenaires auraient demandé à ce que « le gouvernement italien conserve une participation minoritaire ».
Perte d’exploitation de 170 M€
ITA Airways doit présenter son plan stratégique le 31 janvier prochain. Les candidats à la reprise devraient donc pouvoir prendre connaissance très prochainement des données clés de l'entreprise. La compagnie aérienne (52 avions) a récupéré 83 % des créneaux horaires d'Alitalia à Milan et 43 % de ses slots (créneaux de décollage) à Rome. ITA a réalisé un chiffre d'affaires de 86 M€ entre la mi-octobre et fin 2021 (1,26 million de passagers), soit 50 % de moins que prévu, en raison de la déferlante du variant Omicron qui a perturbé le secteur aérien. Elle a essuyé une perte opérationnelle de 170 M€ en 2021.
Début décembre, elle a passé commandé de 28 Airbus (7 monocouloirs A220, 11 A320neo et 10 long-courriers A330neo) pour une valeur catalogue de 4,7 Md€. Elle avait signé auparavant, fin septembre, un accord avec la compagnie de location d'avions Air Lease Corporation (ALC) pour 31 autres appareils du constructeur européen, court, moyen et long-courriers.
L'État italien avait approuvé fin juillet l'injection de 700 M€. Il est prévu deux augmentations de capital en 2022 et 2023, portant le total à 1,35 Md€.
Des intérêts de plus en plus diversifiés
Si la transaction se fait, MSC, qui a détrôné Maersk début janvier de son statut de leader mondial, s’alignerait, mais sans commune mesure, sur la stratégie de ses deux proches concurrents, le danois Maersk et le français CMA CGM, comptant tous deux des actifs dans le transport aérien dans le cadre d’une approche en guichet unique et de bout en bout.
CMA CGM a investi le tarmac avec la création de CMA CGM Air Cargo doté d’une flotte détenue en propre – quatre A330-200F et deux commandes de B777F neufs – alors que quatre A350F, le nouveau freighter d’Airbus, ont été commandés.
Maersk a annoncé en novembre la commande de deux B777F neufs, qui seront livrés en 2024, et trois B767-300F, ceux-là loués auprès de Cargo Aircraft Management pour sa compagnie aérienne, Star Air, qu’il avait créée en 1987 au moment de la déréglementation du ciel. Compagnie tout-cargo depuis 1996, Star Air opère 15 Boeing, des B767 en majorité des versions -200F (livrés entre 2005-2006), tous basés à l’aéroport de Cologne-Bonn. Elle opère des vols réguliers européens, d’abord pour le compte d'UPS, ensuite pour celui de sa maison-mère et en affrétement.
Jusqu’à présent, outre le transport maritime de ligne (WEC Lines, Linea Messina,) le groupe dirigé par la famille Aponte a des intérêts dans les terminaux portuaires (Til), la logistique (Medlog), la croisière (MSC Cruises), le ferry/ropax (GNV) et le remorquage (MedTug). L’armateur a acquis 128 navires porte-conteneurs d'occasion depuis août 2020 pour lesquels il a dépensé plus de 4 Md$.
Adeline Descamps