Les importations de charbon se frayent un chemin vers l'Europe

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Dernière illustration en date des temps troublés et signe de la confusion encadrant les marchés de l’énergie, les importations de charbon commencent à affluer vers l'Europe. Une réplique à la ruée pour compenser les pertes du gaz russe. 

Le retour à la vie de l’énergie du passé, qu’une partie des économies développées avaient promis à la disparition progressive pour lui substituer des énergies moins noir carbone, est une des dernières manifestations des turbulences qui secouent actuellement les marchés de l’énergie. Un nombre croissant de pays ont annoncé le redémarrage de leurs centrales électriques au charbon comme mesure d'urgence pour contrer la baisse des flux de gaz russe. En France, le redémarrage à l'hiver prochain de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, a été programmé « à titre conservatoire ».

Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il en était déjà question. Le charbon (thermique), en concurrence avec le gaz pour produire de l’électricité, y faisait déjà un retour en force, notamment en Chine et en Inde, où le surenchérissement des coûts du gaz depuis de longs mois a réactivé l’intérêt pour l’anthracite.

« Dans le contexte de la forte pression énergétique ressentie en Europe et en Asie, le charbon a de nouveau trouvé un point d'ancrage pour étendre sa présence dans le mix énergétique de nombreuses économies dans le monde. La plupart des prix des produits énergétiques ayant déjà commencé l'année sur une note élevée, la situation en Ukraine et l'escalade des sanctions qui s'en est suivie n'ont fait qu'aggraver l'équilibre entre l'offre et la demande, poussant les producteurs d'électricité d'Europe et d'Asie à se battre pour garantir leur approvisionnement », confirme George Lazaridis, responsable de la recherche et de la prospective chez Allied Shipbroking.

Le courtier maritime a observé un bond de 10 à 20 % des importations de charbon en Europe. « Compte tenu des discussions sur le redémarrage des centrales électriques au charbon en Europe, les importations de charbon devraient s'intensifier au cours du dernier trimestre de l'année », estime le courtier.

Le charbon, en redresseur du marché

Dans le même temps, une grande partie de l'Asie est également confrontée à une augmentation importante de la demande d'électricité en raison des vagues de chaleur observées notamment en Chine et au Japon.

La situation doit en principe faire les affaires des vraquiers qui, à l’accoutumée, éprouvent les montagnes russes depuis le début de l’année. « Ils ont peut-être connu une baisse des taux de fret dans les différents segments de taille au cours du mois dernier, mais il semble qu’elle ait été atténuée dans une certaine mesure grâce à l'amélioration du commerce du charbon », poursuit le courtier.

Le bassin atlantique a été l'un des principaux bénéficiaires car les flux de charbon ont attiré, y compris les capesize. Avec sa capacité de transport de 150 000 t, l’un des plus grands des vraquiers est d’habitude davantage sollicité pour le transport du minerai de fer – sur de longs trajets depuis le Brésil ou l'Australie – et le charbon mais dans une moindre mesure.

Or, ils cherchent actuellement à combler les vides laissés par les produits de base, en chute libre ces derniers temps suite à la perte de régime de la Chine, le plus gros consommateur mondial. Le secteur immobilier chinois, qui représente jusqu'à 40 % de la demande locale d'acier, est au plus bas et les indicateurs relatifs au PIB mondial, n’incitent pas l'industrie sidérurgique à tourner à plein régime, contraignant les flux commerciaux de minerai de fer et de charbon métallurgique (ingrédient principal de l’acier) au ralenti.

Les marges de l'acier étant sous pression pendant la majeure partie de l'année 2022, les acteurs du marché s'attendent à des réductions de la production, ce qui entraînera une diminution des volumes d'acier transportés par voie maritime ainsi que des matières premières utilisées pour sa production.

Date de péremption

« On peut se demander dans quelle mesure un commerce de charbon thermique en plein essor pourrait suffire à lui seul à maintenir le marché », s’interroge encore Allied, pour lequel l’engouement pour le charbon thermique, celui qui sert à produire de l’électricité, a une date d’expiration fixée. La situation tendue de l’énergie ne fait que repousser les échéances réglementaires envers le carbone – mises en attente en quelque sorte –, mais « le risque toujours présent de dépendre d'un produit de base, qui est une cible de choix pour toute économie cherchant à réduire son empreinte carbone », n’offre pas au charbon d’espoir de retour durable.

Le marché attend pourtant, avec impatience, la relance de la demande de charbon en Europe. « Il pourrait y avoir plus de charbon australien affluant vers la région méditerranéenne, tandis que la demande de l'UE pourrait être servie par les États-Unis et la Colombie », évalue un armateur.

Une accumulation de « voyages rapides »

La semaine qui s’est écoulée a été plutôt clémente pour le marché des capesize, les taux ayant fluctué « latéralement avec de petites poches d'encouragement », expliquent les analystes du Baltic Exchange dont les avis sont mitigés. Avec l’arrivée de l'été européen, « le marché ne semble pas motivé pour aller dans une quelconque direction ».

En milieu de semaine, il a été question de la fixation de plusieurs cargaisons de minerai de fer sur des newcastlemax. Néanmoins, des informations ultérieures ont refroidi les affaires en affirmant que les informations étaient inexactes. Les observateurs comptent sur le troisième trimestre, en général plus favorable aux volumes d'échanges.

La demande (modérée) sur le marché des panamax, rapidement pourvue, et l’offre limitée permettent de maintenir les tarifs d’affrètement. L'Atlantique s'est avéré essentiellement centré sur les céréales.

L'Asie, une fois encore, a connu une augmentation relative du volume d'une semaine sur l'autre, à l'exception de l'Indonésie. Mais cela semble avoir eu très peu d'impact sur le retour des navires sur le marché, les propriétaires ayant verrouillé des « voyages rapides ».

Pour les supramax, la semaine a été plutôt terne avec peu d’accords conclus. Selon les professionnels, les mesures telles que l'augmentation des droits d'exportation de matières premières de minerai de fer ainsi que les restrictions à l'exportation de sucre et de blé imposées par l'Inde ont contribué à une forte réduction de la demande dans l'océan Indien.

Conditions de marché très difficiles

En réalité, l'offre de navires dans diverses régions a surtout été affectée par les prix élevés des combustibles de soute qui ont incité de nombreux armateurs à éviter les longues distances aux rendements érodés. En clair, les affréteurs retardent leurs expéditions en attendant que les prix des matières premières et des soutes se stabilisent.

Les conditions du marché pèsent aussi sur la demande mondiale de produits de base. Les politiques monétaires agressives, y compris les hausses de taux d'intérêt, menées par diverses banques centrales, et la volatilité à la hausse des prix des matières premières incitent les industriels à réduire leurs stocks de matières premières afin de soulager les fonds de roulement, indiquent les analystes. 

Le principal indice de fret maritime de la Baltic Exchange (BDI), qui permet de suivre les tarifs des navires transportant du vrac sec, est tombé lundi à son plus bas niveau depuis 11 semaines, en raison de la baisse de la demande pour tous les types de navires. L'indice global, qui tient compte des taux pour les navires capesize, panamax et supramax, a perdu 55 points, soit près de 2,5 %, pour atteindre 2 159 points, son plus bas niveau depuis le 20 avril.

Adeline Descamps

 

 

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