En 2022, les chantiers chinois ont largement supplanté, en termes de commandes, leurs deux rivaux asiatiques, la Corée du Sud et le Japon. La seconde puissance économique mondiale s'arroge une part de marché de 49 % du total mondial (41,93 millions de tonnes brutes compensées) avec 20,34 millions de TBC, selon Clarksons Research. Loin devant les chantiers sud-coréens – leaders mondiaux trois ans de suite jusqu'en 2020 – avec 15,6 millions de TBC (37 % du total mondial). Le Japon ferme le trio de tête avec une part bien plus modeste de 8 %. Á eux trois, ils ont représenté 94 % des commandes mondiales de navires l'an dernier, néanmoins en baisse de 22 % par rapport à 2021.
Les détails par catégorie de navires n’ont pas été communiqués. C’est pourtant dans ces données que se logent les informations. La Chine et la Corée du Sud ont une force technique comparable dans la construction navale. Le géant chinois est jusqu’à présent identifiée pour ses infrastructures destinées à la construction de porte-conteneurs de grande taille. Mais il a d’autres ambitions. Tout au long de l’année, il a rivalisé avec la Corée du Sud dans les contrats de méthaniers, dont ses voisins sont les maîtres absolus.
Soif de méthaniers
Embarqués dans une stratégie de montée en gamme, les chantiers chinois sont désormais au nombre de cinq à en revendiquer la maîtrise dont l’entreprise privée Yangzijiang, dernière en date à avoir rejoint le cercle encore élitiste formé par Hudong-Zhonghua, le plus grand constructeur de méthaniers en Chine, Jiangnan et Dalian (DSIC). Ils sont en revanche cinq avec China Merchants Heavy Industries-Jiangsu à pouvoir utiliser la technogie française de GTT, spécialiste des réservoirs à membrane, ayant signé le 10 octobre un accord de licence.
Hudong-Zhonghua (groupe China State Shipbuilding Corp.), qui a livré 16 navires en 2022 totalisant 1,34 million de tonnes de port en lourd (Mtpl), a notamment remporté des commandes pour 47 unités, dont 38 grands méthaniers, établissant un record pour le plus grand nombre de contrats de méthaniers parmi les chantiers navals chinois et se classant au deuxième rang mondial. Hudong a notamment été tiré par le programme de construction XXL de méthaniers de Qatar Energy.
Les chantiers chinois ont remporté au total 51 contrats de méthaniers. Outre Hudong, DSIC, qui a remporté son premier grand méthanier l’an dernier, construira six méthaniers pour China Merchants Energy Shipping (CMES), une unité du groupe China Merchants. Jiangan doit livrer six transporteurs de GNL à l’émirati Abu Dhabi National Oil Co (Adnoc) tandis que Yangzijiang Shipbuilding est engagé avec la société allemande Hammonia Reederei à hauteur de deux navires.
Pénalisés par les grèves
Les chantiers sud-coréens paient sans doute les grèves auxquelles ils ont été confrontés, notamment chez DSME où les conflits sociaux ont été particulièrement durs. Pourtant, DSME a emporté 38 commandes de méthaniers en 2022 derrière KSOE (l’entité qui regroupe Hyundai Heavy Industries, Hyundai Mipo Dockyard et Hyundai Vinashin au Vietnam) avec 42 unités mais devant Samsung Heavy.
Les navires ont été, avec les porte-conteneurs, très plébiscités durant l’année 2022. Il s’est commandé 167 méthaniers, un niveau historique en termes d’engagements de navires neufs, a fortiori dans un contexte où leur prix a explosé (235 M$ l’unité en Chine, 250 M$ en Corée du Sud selon les courtiers).
Au cours des 11 premiers mois de 2022, les 75 entreprises navales chinoises suivies ont enregistré un chiffre d’affaires de 280,33 milliards de yuans (40,23 Md$), en hausse de 11,3 % par rapport à la même période de 2021 tandis que les bénéfices ont bondi de 109,4 % pour atteindre 1,1 Md$. Les contrats de méthaniers ont représenté une valeur de 10 Md$.
Leader mondial en termes de nouvelles commandes et en cours, le plus grand groupe chinois de construction navale, CSSC, a déclaré le 23 décembre avoir livré 209 navires en 2022, pour un total de 14,06 Mtpl.
Adeline Descamps