Entre la Corée du Sud et la Chine, c’est une valse à deux temps, les deux pays s’échangeant, selon les périodes, le contrôle absolu de la construction navale mondiale. Sur les neuf premiers mois, la Chine a repris l’avantage.
À la fin du mois d'octobre, les chantiers navals chinois avaient engrangé des commandes pour l’équivalent de 104,44 millions de tpl (Mtpl) depuis le début de l'année, soit une hausse de 6,5 % par rapport à l'année précédente, selon l'Association chinoise de l'industrie nationale de la construction navale.
Part des navires à valeur ajoutée en croissance
La production de la construction navale chinoise, les nouvelles commandes reçues et le carnet de commandes en cours représentaient alors 45,8 %, 54,3 % et 48,7 % respectivement du total mondial en termes de tonnes de port en lourd, ce qui la place la Chine au premier rang mondial. L’association soutient par ailleurs que la Chine ressort en premier pour dix des dix-huit catégories de navires en termes de commandes.
Au 31 octobre, près de 10 millions de tonnes brutes compensées (9,16 millions de TBC) avaient été construits, soit une croissance de 6,5 % en glissement annuel. Cette unité offre une mesure plus précise de l’activité des chantiers navals que celle que l’on peut obtenir avec les mesures habituelles : tonnes brutes et tonnes de port en lourd.
Le ratio entre TBC et tpl permet notamment de déterminer la part des navires à forte valeur ajoutée. Il s’est établi à 0,47 au cours contre 0,38 en 2021, ce qui suggérerait une nouvelle montée en gamme. Dans ce total, la part des méthaniers a atteint le nombre de 36 unités, soit 27,7 % du total mondial, le niveau le plus élevé de l'histoire, selon l’organisation professionnelle. Avec les méthaniers, les constructeurs chinois s’attaquent au précarré sud-coréen, dont les trois principaux acteurs ont construit 68 des 78 navires commandés dans le monde en 2021, selon Clarksons Research.
Cinq chantiers chinois dans la course aux méthaniers
Le plus grand constructeur privé du pays, Yangzijiang qui a signé début septembre un accord d’assistance technique et de licence avec la GTT pour pouvoir utiliser la technologie de confinement à membranes Mark III de l’entreprise française, a remporté fin octobre sa première commande de deux méthaniers de 175 000 m3, qui doivent être livrés entre 2025 et 2026.
Avec cette nouvelle commande, Yangzijiang rejoint Hudong-Zhonghua, actuel plus grand constructeur de méthaniers en Chine, alors que Jiangnan et Dalian (DSIC) ont également multiplié les commandes depuis le début de l’année.
China Merchants Heavy Industry et Yangzijiang Shipbuilding avaient également obtenu les licences nécessaires pour construire de grands méthaniers en octobre, portant à cinq le nombre d'entreprises chinoises capables de fabriquer de tels navires.
Mobilisation de ressources
China State Shipbuilding Corp., dont dépend nombre de chantiers navals chinois, se donne les moyens. Il a annoncé récemment la construction d’un nouveau site représentant un investissement de 20 milliards de yuans (2,76 Md$) dans la ville de Dalian et qui sera rattaché à sa filiale Dalian Shipbuilding Industry (DSIC).
Jusqu'à présent, DSIC est majoritairement concentré sur les porte-conteneurs et les vraquiers mais cette nouvelle unité, qui devrait être opérationnelle dès 2024, vise clairement les navires à forte valeur ajoutée.
De son côté, Hudong-Zhonghua, une autre filiale de CSSC, doit achever le chantier d’un nouveau site à Shanghai d'ici à la fin de 2023. Un investissement de 18 milliards de yuans. En avril, la société a obtenu le contrat de construction de six méthaniers pour le compte du japonais Nippon Yusen d’une valeur de plus de 8 milliards de yuans.
Réactions chinoises et japonaises
Á ce stade, la Corée du Sud réagit à la montée en puissance des acteurs chinois en investissant. Hyundai Heavy Industries a prévu d’augmenter ses dépenses de 20 % en 2022 (309 M$), Samsung Heavy Industries de les multiplier par 2,2, et DSME de près de 30 %.
Les constructeurs japonais, incarnés notamment par Imabari Shipbuilding et Japan Marine United, semblent pour leur part avoir laissé le marché à leurs challengers. Ils polarisent en revanche leur R&D sur les carburants de demain, à l’instar de l’ammoniac ou du CO2. Un temps d’avance ?
A.D.