Le maire de Lorient à la tête d'un ministère délégué à la Mer et à la Pêche

Fabrice Loher

Le maire de Lorient a été nommé le 21 septembre pour diriger le ministère délégué à la Mer et à la Pêche dans le gouvernement Barnier.

Crédit photo Sonia Lorec
Après Hervé Berville, un autre élu breton arrive à la barre d'un ministère où la Mer et la Pêche vont voisiner. Les acteurs de l'économie maritime espéraient renouveler l'essai Castex lorsque ce dernier a nommé un ministre de plein droit. Ils devront se contenter d'un ministère délégué. Mais au-delà des symboles ?

Par son parcours et ses attaches bretonnes, le maire de Lorient, président de Lorient Agglomération et ancien patron du port de pêche de Lorient, sera sans doute plus sensible aux problématiques des pêcheurs aux prises avec le prix des carburants et les obligations environnementales.

L’élu UDI (Union des démocrates et indépendants) Fabrice Loher a intégré le gouvernement Barnier le 21 septembre à la tête d’un ministère délégué à la Mer et à la Pêche, rattaché à la ministre LR du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin. Un ministère dont le prisme territorial reste à expliciter et les conséquences pour les administrations centrales (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture et (Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités) à jauger.

C'est donc le second élu breton après Hervé Berville. Depuis son élection à Lorient, il lui est reconnu l’ambition de faire un pôle de référence maritime de sa ville historiquement positionnée sur les activités militaires avec ses locataires de renom, Naval Group, Thales et leur écosystème. Il est aussi celui qui a donné son aval à la création du parc d’éoliennes flottantes qui doit voir le jour au large de Belle-Île et de Groix, à l’horizon 2031.

Espoir d'un ministère de plein droit

À l’occasion de la nomination de Michel Barnier, qu’ils ont accueilli avec confiance au regard de ses « connaissances approfondies des enjeux maritimes », les acteurs du Cluster maritime français (CFM), qui s’estiment souvent les grands invisibles de la classe économique française en dépit de leur poids économique (400 000 emplois, près de 100 Md€ valeur de production selon les données du CMF), avaient tenté le coup : plaider pour un ministère de la Mer de plein pouvoir. Une évidence, estiment-ils, pour un pays dont le domaine maritime compte plus de 11 millions de km².

« Le maritime est la colonne vertébrale de notre économie et le pilier de notre souveraineté (…) Notre ambition est d’atteindre 1 million d’emplois pour une valeur de production annuelle d’environ 150 Md€ en 2030. Pour répondre à cette ambition, il est plus que jamais nécessaire de disposer d’un ministère de la Mer doté d’une vision stratégique de long terme, et de ressources adéquates pour répondre aux enjeux maritimes en matière de souveraineté, de décarbonation, de sûreté et sécurité, d’attractivité des métiers et de compétitivité », indiquait le Cluster maritime français, dans un communiqué.

Compte tenu du moment politique chaotique, alors que le chef de l’État avait passé tout l’été à rechercher celui ou celle qui sera capable de sortir de la nasse institutionnelle, la demande a pu faire sourire ou… soupirer compte tenu du nombre de communiqués similaires réceptionnés.

Quand la Mer avait son maroquin

La filière maritime devra se contenter d’un entre-deux : pas un ministère de plein, droit comme l’avait offert le gouvernement de Jean Castex, mais mieux qu’un secrétariat de la Mer décidé par Attal et son prédécesseur, Élisabeth Borne. À la faveur d’un remaniement en 2020, le gouvernement de Jean Castex avait institué un ministère de la Mer et attribué le portefeuille à Annick Girardin, précédemment chargée des Outre-mer. Une grande première alors que les affaires maritimes ont été confiées, sous la Ve république, à des secrétariats d’État et diluées dans un vaste portefeuille aux attributions multiples, tantôt le transport et le tourisme, tantôt le développement durable, voire la pêche, l'urbanisme et le logement...

Avant Annick Girardin, seul le feu député du Finistère Louis le Pensec, ministre sous François Mitterrand, avait exercé en tant que ministre de plein droit. Il y aura eu en revanche cinq secrétaires de la mer, tenus par Ambroise Guellec (1986), Jean-Yves Le Drian (1991), Charles Josselin (1992) et Nicole Ameline (2002) et Hervé Berville (2022-2024). Avec Guy Lengagne (1983 et 1984), la mer sera rattachée à un ministère des Transports, puis dans un second mandat, à celui de l'Urbanisme, du Logement et des Transports. Dominique Bussereau héritera d’un secrétariat d'État aux Transports et à la Mer en 2002, intitulé qui sera repris pour le maroquin de François Goulard.

Avec Dominique Perben, la mer appartiendra à un vaste ministère englobant l'Équipement, les Transports et le Tourisme. Sous Borloo, la mer devra voisiner avec l'Écologie, l'Énergie et le Développement durable. Frédéric Cuvillier, (l’homme du dossier SNCM) sera ministre délégué aux Transports et à l'Économie maritime, puis aux Transports, à la Mer et à la Pêche et enfin secrétaire d'État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche entre 2012 et 2014. Alain Vidalies disposera de la mer au même titre que les Transports et la Pêche au sein d’un secrétariat d’État (2014). Depuis 2017 et jusqu’ à 2020, la fonction était rattachée au ministère de la Transition écologique et solidaire.

Mais depuis 2022 (gouvernement Borne), la fonction est revenue à un simple secrétariat d'État placée directement sous l’autorité de la Première ministre mais sans être toutefois diluée au sein d’un portefeuille aux multiples attributions. Après l’éphémère Justine Benin, c’est à Hervé Berville qu’a échu la charge. Il gardera son secrétariat dans le gouvernement Attal avec en plus la Biodiversité, le député ayant réussi à sauver son siège de député de la deuxième circonscription des Côtes-d’Armor. Fonctions assurées jusqu'à ce 21 septembre.

Au-delà des symboles, un ministère de la Mer, pourquoi faire ?

Les années où les acteurs de la filière en ont bénéficié ont été marquées par quelques actes manqués et des ratés. La stratégie nationale portuaire, présentée lors du CIMer 2021 après avoir longtemps tardé, promettait une stratégie « offensive », de « reconquête de parts de marché sur les concurrents étrangers » (propos d’Annick Girardin). Au final, les efforts se sont surtout concentrés sur l’établissement public unique Haropa, issu de la fusion des trois ports de l’axe Seine (Le Havre, Rouen, Paris), doté d’une enveloppe de 1,45 Md$ pour la période 2021-2027. Pour le reste, à chacun d'en juger.

Le Fontenoy du maritime, vaste consultation sur la compétitivité du registre français, initiée par le ministère de la Mer, devait aboutir à des mesures fortes pour faciliter le financement des navires, rendre plus écologique la flotte contrôlée par les compagnies françaises, soutenir le pavillon national et améliorer le parcours et la carrière des marins français.

Les demandes du secteur, portées à cet égard par Armateurs de France, consistent surtout en la consolidation et l’amplification du trépied fiscal et social qui sert actuellement d’étau au dispositif maritime : 39C, taxe au tonnage, exonération de charges, registres d’immatriculation français (dont le Rif). Sur le sujet de l’emploi maritime, les armateurs bataillent depuis des années pour ancrer définitivement le net wage, une exonération de charges salariales (officiers, personnels d’exécution) pour les armements effectuant du transport de passagers à l’international sous pavillon français et communautaire, hors DSP. Mais le dispositif reste soumis aux prorogations.

Pour accompagner la décarbonation de la flotte française, qui a été chiffrée entre 85 et 110 Md€, le suramortissement vert doit permettre d'engager des sommes colossales avec plus de visibilité [prévu à l’art. 39 C du code général des impôts, il consiste en une déduction fiscale exceptionnelle accordée en cas de recours à des moyens de propulsion du navire plus écologique, NDLR]. Le dispostif a été retoqué par Bruxelles mais pour des questions de forme. La filière devait repartir au combat sur ce thème.

Pour aider le pavillon français et la construction nationale a été introduite la possibilité d’utiliser conjointement le crédit-bail, qui facilite le financement de l’achat d’un navire, et la « garantie projet stratégique » lorsque les projets visent à recourir au pavillon français. et/ou à des constructeurs français [garantie de la BPI à hauteur de 80 %].

Avancées sur le dumping social

Sous Hervé Berville, a été lancée la démarche France Mer 2030, dont un des volets concerne le financement avec une enveloppe de 300 M€ engagée d’ici la fin du quinquennat sous la forme de subventions, prises de participations, garanties publiques… de façon à avoir un effet de levier de 1 à 3. Cette mobilisation de moyens privés et publics doit permettre de constituer un fonds d’investissement maritime, qui pourrait donc atteindre le milliard d’euros, selon ses projections.

Le secteur a aussi obtenu de grandes avancées au sujet du dumping social avec la loi Le Gac. Le droit qui s'applique sur les navires est, par essence, celui de son pavillon. Il apparaît dès lors compliqué d'imposer en tant qu'état du port des obligations légales aux navires en escale. C'est cependant ce qui a été fait.

Alors que les comptes publics sont dans le rouge, la taxe au tonnage, considéré comme une niche fiscale, devrait générer de nouveaux mouvements d'humeurs. Fabrice Loher sera très attendu sur le sujet

Adeline Descamps

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