Où en êtes-vous de vos négociations avec Ekol, un de vos clients pour lequel vous avez mis en place des lignes ro-ro à destination de Trieste et de Sète, et que vous envisagez de racheter ?
Lars Hoffmann : Nous avons déposé une demande d'autorisation préalable auprès des autorités turques de la concurrence en vue d'une acquisition. Nous sommes toujours dans l’attente de l’avis. Notre offre de reprise déposée le 14 octobre dernier concerne l’activité de transport routier du groupe turc.
Après le rachat à Kühne de l’opérateur ferroviaire allemand PrimeRail en 2022, quels sont vos ambitions dans le rail ?
L.H. : Avec cette acquisition, la part du rail est appelé à se développer. Nous avons poursuivi le développement de nos services ferroviaires vers Wels, Bettembourg, Cologne, Calais et Paris. Actuellement, 80 trains environ circulent chaque semaine et nous prévoyons de donner de la puissance à nos solutions en ajoutant plus de fréquences et de nouvelles destinations. La demande est croissante pour ce mode de transport économique et durable. Chaque semaine, entre 13 et 14 de nos ro-ro, déployés, sur la Marmara Line, depuis les ports d’Istanbul et Yalova, font escale à Trieste, où nous exploitons l’un des quatre terminaux ferroviaires.
Qu’en est-il de vos projets à Sète où vous êtes implanté depuis 2019 ?
L.H. : À Sète, nous sommes passés à cinq traversées par semaine sur Yalova en février dernier. Et, le 2 avril, nous avons lancé un service roulier hebdomadaire reliant Sète à Izmir (Alsancak). Le navire appareille tous les dimanches d’Izmir et tous les jeudis de Sète. Toujours au départ d’Occitanie, nous avons lancé en novembre 2022 un service ferroviaire entre Sète et Paris-Valenton [les trois trains par semaine sont opérés par Viia avec une capacité de 44 unités P400 par convoi, NDLR].
Nous offrons à nos clients un avantage en termes de temps de transit et de coûts pour les marchandises transportées depuis et vers le sud de la mer de Marmara, la mer Égée et l'Anatolie en Turquie. La traversée maritime entre Izmir et Sète est de 74 heures. C’est le mode de transport le plus rapide et le plus fiable pour atteindre les marchés européens, britanniques et nord-africains pour les clients méditerranéens. Il met Paris à six jours d'Izmir et Londres à sept jours grâce au transport combiné mer-rail.
Croyez-vous à la relocalisation de Chine vers l’Europe dont pourrait profiter la Turquie précisément ? En percevez-vous des signes ?
L.H. : Les perturbations dans le transport maritime mais aussi les préoccupations environnementales et la montée des tensions politiques incitent les entreprises à revoir leurs chaînes d'approvisionnement et leur production. Avec des taux de fret cinq à six fois au-dessus des niveaux normaux, l’Asie n’est plus aussi compétitive pour la fabrication qu’elle ne le fut. La Turquie pourrait bénéficier de la montée en puissance du nearshoring vers l’Europe car le pays dispose d’un secteur industriel et d'une main-d'œuvre qualifiée et abondante. Sa géographie a également conduit à un réacheminement, via la Turquie, des flux commerciaux qui passaient auparavant par la Russie pour atteindre les pays d'Asie centrale.
Pour accompagner ces mouvements, DFDS a augmenté la capacité du réseau routier méditerranéen depuis 2021. Les opérations portuaires ont également été adaptés pour traiter davantage de volumes. Nous nous attendons à ce que le trafic maritime entre la Turquie et l'Europe se développe et DFDS sera un fournisseur de capacités et de connexions intermodales pour soutenir ces activités.
Propos recueillis par Nathalie Bureau du Colombier
Trieste, un succès en matière de report modal
Présent à Trieste depuis 1994, DFDS exploite l’un des quatre terminaux ferroviaires. Et chaque semaine, 56 trains circulent sur les corridors européens au départ de ce terminal. Sur les quelque 200 000 unités déchargées par an par DFDS dans le port italien, 70 % sont chargés sur wagons et 30 % sur les camions. En France, seuls 20 % des remorques empruntent le rail (Sète-Calais, Sète-Paris, la liaison sur Cologne ayant été temporairement suspendue depuis Sète).
Selon les opérateurs, Trieste doit son succès en matière de report modal à la capacité des logisticiens à organiser leurs opérations de façon industrielle de bout en bout. Pour DFDS, le train fait partie du package proposé aux chargeurs qui exportent depuis Yalova vers la Grande-Bretagne. À la différence des terminaux combinés français, Trieste est opérationnel 24h/24 et 7j/7 et sans l’ombre d’une grève. Seul bémol, la congestion du port italien et la présence de bâtiments historiques, d’une école et d’un centre commercial dissuadent le gouvernement d'investir. N.B.C