« Environ deux mois se sont écoulés depuis que les importations de charbon en provenance de Russie sont interdites par les sanctions européennes et les volumes ont baissé de 7 % au cours de cette période et de 5 % depuis le début de l'année », explique Filipe Gouveia, analyste maritime au sein du Bimco, une organisation représentant le transport maritime au niveau mondial.
Malgré la baisse des volumes, la demande de tonnes-milles a en revanche connu une augmentation de près de 30 % au cours des deux derniers mois et demi. Les distances parcourues par les vraquiers chargés de charbon russe ont augmenté de près de 50 %, soit environ 2 012 km.
« Jusqu'à présent, les capesize ont connu la plus forte augmentation en termes de tonnes-milles après l'interdiction, en grande partie en raison de l'intérêt accru de l'Inde pour le charbon russe à prix décoté. Les navires chargés de charbon russe en provenance des ports européens ont fait le tour de l'Afrique ! », explicite l’analyste.
Appétit chinois restreint
Jusqu'à présent cette année, la Chine reste le plus gros acheteur du fossile sous embargo (22,6 % du total importé). Si les importations de charbon par Pékin ont chuté de 25,7 % depuis le début de l’année, les achats de l’origine russe ont augmenté de 3,5 %.
Selon le Bimco, dans les mois à venir, les échanges de charbon entre la Russie et l’extrême-Orient devraient assurer un emploi aux panamax et supramax. Toutefois, « l'objectif ambitieux du pays en matière d'extraction de charbon et l'augmentation des investissements dans les énergies renouvelables pourraient refroidir l'appétit pour les importations ».
Entre janvier et août, l'extraction du charbon y a en effet augmenté de 13,8 %, tandis que la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables a progressé de 16,7 %.
Retour de l’Afrique du Sud dans le jeu européen
Dans le même temps, l’Afrique du Sud est revenue dans le jeu en tant qu’exportateur de l’anthracite de premier plan, au cinquième rang mondial avec une part de 5,4 % (47,8 Mt) après l'Indonésie, l'Australie, la Russie et les États-Unis.
Les volumes acheminés de l'Afrique du Sud vers l'UE ont notamment été multipliées par cinq entre janvier et septembre (9,6 Mt), selon le dernier rapport hebdomadaire du courtier maritime Banchero Costa. L'UE est devenue la deuxième plus grande destination du charbon sud-africain après l'Inde (bien que les volumes de ce pays aient baissé de 29,5 % depuis le début de l’année).
Le charbon sud-africain n’était pas en grâce cette dernière décennie, (65,7 Mt en 2021, – 6 %, selon les données de suivi des navires de Refinitiv), pénalisés par la baisse de la demande de charbon dans le bassin atlantique, l'éloignement par rapport aux marchés demandeurs d'Asie de l'Est, ainsi que par les limitations de la production et des capacités ferroviaires et portuaires. La quasi-totalité des exportations de charbon d'Afrique du Sud sont chargées à Richards Bay sur la côte orientale du pays.
Entre janvier et septembre, les chargements totaux de charbon par la mer se sont élevés à 890,2 Mt contre 864,5 Mt au cours de la période comparable en 2021 mais toujours bien en dessous des 957,1 Mt de 2019.
Adeline Descamps