Au premier semestre, Hapag-Lloyd n’aura pas échappé au sort réservé à Maersk et CMA CGM. Contrairement aux compagnies asiatiques (ONE, HMM, Evergreen, Yang Ming, Wan Hai), le deuxième trimestre n’aura pas été bon pour les transporteurs européens, nonobstant MSC qui ne publie pas ses comptes.
Bien que la demande de transport et les taux de fret se soient redressés en cette première partie de l’année – le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui reflète les taux de fret au comptant sur les routes maritimes les plus fréquentes au départ de Shanghai, s'élevait à 3 714 $ par EVP en juin contre 954 $ à la même période de l'année précédente –, les résultats financiers ne sont pas vraiment au diapason pour les leaders du Top 5 mondial.
Concernant Hapag-Lloyd, les coûts unitaires (+ 6 % au cours du deuxième trimestre 2023) ont été particulièrement élevés en raison des réacheminements en mer Rouge, ce qui se traduit par une augmentation de la consommation de carburant (2,3 Mt, + 16,4 % par rapport à l'année précédente) et des frais de soute, mais aussi par des frais transbordement supérieurs causés par les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement et d'affrètement de navires pour maintenir un réseau en dépit de l’allongement des distances.
Hapag-Lloyd a ainsi conclu le premier semestre, pour son activité de shipping, avec un bénéfice d’exploitation (Ebitda avant amortissements et dépréciations) divisé par deux par rapport au premier semestre 2023, à 1,89 Md$ contre 3,74 Md$. Le résultat d’exploitation avant déduction des charges, des produits d'intérêt et des impôts (Ebit) est passé de 2,73 Md$ à 846 M$. La marge Ebitda perd 15 points et ressort à 20,4 % et celle pour l’Ebit dévisse de 16 points, s’établissant à 9,1%.
Avec un chiffre d’affaires de 222 M$, les revenus tirés des participations dans la vingtaine de terminaux portuaires*– une activité récente chez Hapag-Lloyd contrairement à ses pairs –, contribue marginalement aux recettes du groupe (qui ont totalisé 9,75 Md$). La division, nommée Terminal & Infrastructure, a profité de l’intégration des participations acquises l’an dernier puisque la manutention portuaire n’émargeait au groupe qu’à hauteur de 12 M$ en 2023. L'Ebitda du segment est passé de 26 à 71 M$ et l'Ebit de 25,5 à 33 M$.
Un résultat net divisé par quatre
Le groupe dégage un résultat net de 811 M$, divisé par quatre par rapport au premier semestre 2023 (3,2 Md$). Comme pour les autres transporteurs, les volumes transportés sont en hausse (6,1 MEVP versus 5,8 MEVP). L'augmentation de 5 % est toutefois en deçà de la moyenne du secteur (+ 7,5 % de janvier à mai selon les données publiées par CTS en juillet). Selon Container Trade Statitics, presque tous les trafics ont enregistré une croissance significative, a fortiori depuis l’Asie vers l'Amérique du Nord (+ 16,9 %) et dans une moindre mesure vers l'Europe (+ 6,5 %).
« L'augmentation du volume de transport dans les trafics transpacifique, Asie et intra-Asie est notamment due à l'accroissement des capacités de transport. En revanche, ils ont été réduits sur le Moyen-Orient en raison du conflit en cours en mer Rouge, des temps de transit supplémentaires qui en découlent, ainsi que de la suspension des services », justifie de son côté la direction d'Hapag-Lloyd.
Pour l'Allemand, la croissance des EVP transportés n’a toutefois compensé que faiblement la dégringolade de 21 % du taux de fret moyen, qui ont tiré le chiffre d’affaires des opérations de transport maritime (9,5 Md$) vers le bas (– 1,6 Md$ par rapport au premier semestre de l’an dernier). À 1 391 $, le revenu moyen par EVP est inférieur de 370 $ à son niveau il y a un an.
Des taux de fret à mettre en regard avec les services
L’analyse entre le nombre de services offerts sur une route et le taux de fret moyen est éclairante. Ainsi, Hapag-Lloyd opère 114 services dont 24 sur l’Amérique latine, là où le revenu moyen par EVP est de 1 342 $ et là où le groupe réalise 2 Md$ de chiffre d’affaires, 20 sur le trade transpacifique (1 665 $), 19 sur le transatlantique (1 384 $), 17 sur l’Asie et le sous-continent indien (773 $), 16 sur l’Afrique et la Méditerranée (1 536 $), 10 sur le Moyen-Orient (1 263 $) et seulement 9 sur entre Europe et l’Asie (mais avec un taux de fret moyen de 1 430 $). C’est sur le transatlantique que le taux de fret moyen a le plus souffert (- 1 000 $ par rapport à l’an dernier).
Les résultats ont été par ailleurs grevés par les dépenses d’exploitation en hausse de près de 360 M$ pour atteindre 6,9 Md$ sur le semestre. Sur ce bilan, les coûts de soute ont bondi de 146 M$ pour atteindre 1,4 Md$, effet déroutement des navires autour du cap de Bonne Espérance, bien que le prix moyen du fuel (601 $/t) ait été inférieur de 24 $/t. L’économie sur les droits de passage du canal de Suez n’a donc pas suffi. Quant aux frais liés à la manutention des conteneurs, ils se sont élevés à 3,3 Md$ (+ 145 M$ sur un an), en lien avec les surestaries et les frais de détention pour les conteneurs.
« Le conseil d'administration considère que le reste de l'exercice 2024 est difficile et soumis à un degré élevé d'incertitude », indique Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd, évoquant les tensions géopolitiques persistantes au Moyen-Orient et leur impact sur l'évolution de l'environnement industriel. « Le conflit en mer Rouge, et les détournements qui en découlent, entraîne une pénurie de capacités sur certaines routes, des taux de fret au comptant plus élevés et une augmentation des coûts de transport. Mais le nombre de livraisons effectuées et planifiées au cours de l'année devrait permettre d'éviter des perturbations durables de la chaîne d'approvisionnement », ajoute-t-il.
Le cabinet de conseil en industrie maritime Accenture Cargo s'attend à ce que les volumes mondiaux de transport de conteneurs augmentent de 4 % en 2024, contre 0,5 % l'année précédente.
Maintien des prévisions à la hausse
Dans un contexte de superposition des crises, « l'incertitude quant à l’évolution de la guerre en Ukraine et de la crise au Moyen-Orient, y compris la portée des sanctions et leur impact direct sur les chaînes d'approvisionnement et la production industrielle ne permettent pas d'évaluer de manière concluante l'ampleur ou la durée des conséquences potentielles », fait valoir le rapport d’Hapag-Lloyd destiné aux investisseurs.
Mais le conseil d'administration de Hapag-Lloyd semble être suffisamment confiant pour avoir revu à la hausse le 9 juillet ses prévisions de bénéfices pour l'exercice 2024. L'Ebitda du groupe devrait désormais se situer entre 3,5 et 4,6 Md$ (contre 2,2 à 3,3 Md$ évoqué précédemment) et l’Ebit entre 1,3 et 2,4 Md$ (contre 0 à 1,1 Md$).
Les prévisions de l’armateur allemand intègrent une potentielle baisse, « modérée », des taux de fret moyen dans la deuxième partie de l’année, une augmentation des frais de transport liée aux voyages plus longs ainsi que les coûts liés au système européen d'échange de quotas d'émission (42,9 M$ au cours du premier semestre). C’est dire que la société va chasser les coûts à tous les étages.
En attente de six megamax
La capacité en EVP de la flotte d'Hapag-Lloyd au 30 juin 2024 s'élevait à 2,18 MEVP, soit une augmentation de 17,1 % en un an. Au cours du premier semestre, six navires neufs (cinq en propriété et un en affrètement à long terme) ont été mis en service. Au 30 juin 2024, son carnet de commandes comprenait six gros-porteurs neufs de 23 664 EVP chacun. Deux d’entre eux doivent être livrés en 2024, les autres en 2025.
Adeline Descamps
*Hapag-Lloyd est actionnaire majoritaire de cinq terminaux portuaires aux États-Unis et en Amérique latine. En outre, Hapag-Lloyd détient des participations dans des terminaux en Amérique latine, en Europe, en Afrique du Nord et en Inde.
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