À quatre semaines de la Golden Week, souvent précédée d’un pic en amont puis d’un creux de la demande de transport, les transporteurs taillent dans leurs services pour s’adapter à la faiblesse de la demande et à une saison qui se présente particulièrement flottante.
La semaine fériée en Chine, qui a lieu début octobre, correspond traditionnellement à une période de basse pression pour le transport maritime mais ces deux dernières années, l’expression n’avait plus vraiment de sens tant la haute saison avait tendance à être permanente. La pandémie a littéralement pulvérisé les notions de saisons qui rythmaient d’ordinaire le transport maritime.
En 2023, la situation est tout autre. La demande de transport bute sur des surplus de stocks qui peinent à se dégonfler en raison de la faiblesse des ventes au détail, ce qui maintient les importations à un niveau relativement modeste.
La surcapacité en lien avec la conjoncture est aggravée par les livraisons continues de navires neufs commandés ces dernières années. Les transporteurs ont réagi en suspendant certains services ou supprimant des lignes, en réduisant la voilure (les navires inactifs représentent actuellement 3 % de la flotte mondiale avec 249 unités sorties du marché, soit 890 000 EVP), ou encore en ralentissant la vitesse. Mais cela ne semble pas suffire.
Taux de fret erratiques
Après une hausse à deux chiffres depuis la fin juin, le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui mesure les prix au comptant du fret conteneurisé au départ de Shanghai vers une vingtaine de destinations mondiales, est reparti à la baisse depuis la fin du mois d'août.
Cette nouvelle tension sur les taux de fret compromet un peu plus les espoirs des transporteurs de voir les excédents de stocks accumulés se résorber et leur reconstitution déboucher sur une haute saison.
Le SCFI de la semaine dernière a cependant reflété une augmentation des taux spot de 6,5 % de Shanghai vers la côte ouest-américaine à 2 135 $ par conteneur de 40 pieds (+ 6,5 %) et de 2,6 % vers la côte Est, à 3 130 $.
En revanche, les tarifs de Shanghai vers l'Europe ont chuté de 21 % depuis le début du mois d'août, à 1 530 $, et de 11 % vers la Méditerranée occidentale tout se maintenant à niveau (2 730 $ par conteneur équivalent quarante pieds).
Pour les contrats à long terme signés au cours des trois derniers mois, les taux ont encaissé leur 12e mois consécutif de baisse, selon les données en temps réel de Xeneta. Ils ont ainsi chuté de 7,8 % en août et 62,7 % en un an. Ils sont désormais inférieurs de 13 à 15 % au spot sur les principaux corridors commerciaux.
GRI et blank sailing
Comme prévu, l'augmentation de la GRI (General Rate Increase) le 1er septembre est suivie par une vague de blank sailing pour tenter d’assurer une certaine stabilité des tarifs et influencer un marché paralysé par une atonie de la demande.
« Cette année, cependant, les transporteurs n'ont pas encore annoncé de réduction significative de leur offre, s’étonnait Sea-Intelligence fin août. Si l'on examine les réductions de capacité transpacifiques sur les quatre semaines encadrant la Golden Week, les transporteurs ont prévu de supprimer seulement 3 % des capacités par rapport à une réduction de 12,4 % en 2019 et à une moyenne 10 % sur la période 2017-2019 ».
Selon le consultant, il faudrait, pour égaler 2019, 10 à 13 départs supplémentaires sur le transpacifique et 6 à 10 sur l'Asie-Europe.
D'autant que que les départs à vide nécessaires pour maintenir la stabilité du marché devraient être supérieurs à ce qui a été fait en 2017-2019 compte tenu de la faible demande en haute saison, fait valoir le consultant.
29 départs supprimés
MSC et Maersk viennent d’annoncer l'annulation d'une trentaine de départs sur deux des lignes Est-Ouest (semaines 39, 40, 41 et 42) pour fin septembre et octobre, confirme Alphaliner.
Selon ses relevés, les annulations frappent cinq services opérés dans le cadre de leur alliance 2M (AE55/Griffin, AE12/Phoenix, AE6/Lion, AE7/Condor et AE15/Tiger).
MSC ne devrait pas assurer 16 voyages Asie-Europe, notamment cinq départs de Chine vers la Méditerranée et onze vers l'Europe du Nord. Six d'entre eux sont opérés dans le cadre de l’alliance et neuf aller-retour via ses services autonomes.
Une de ses lignes phare, Swan (Asie-Europe du Nord-Baltique), fait notamment l'objet d'un remaniement important pour les six prochaines semaines. Outre des valses d'escales, le service sera en outre exploité par six navires plus petits de 4 250 à 6 700 EVP alors que des unités de 15 000 EVP y avaient été fléchées.
À partir du 7 septembre, la rotation s’effectuera en dix semaines et les touchés seront limités à sept ports : Ningbo, Yantian, Felixstowe, Gdansk, Gdynia, Bremerhaven, King Abullah Port, Ningbo.
Le transporteur genevois ajoute donc le port britannique mais supprime les ports asiatiques de Qingdao, Busan, Tanjung Pelepas (en direction de l'Ouest) et Singapour (en direction de l'Est).
En Europe, les escales à Anvers (vers l'Est) et à Klaipeda (Lituanie) ne seront pas assurées.
Les plus grands porte-conteneurs concernés
Vers l'Europe du Nord, les départs biffés au programme de 2M concernent certains des plus grands porte-conteneurs.
Révélateur, le MSC Micol (24 346 EVP), qui devait effectuer son premier voyage commercial le 12 octobre au départ de Shanghai sur le AE55/Griffin n'entrera finalement en service que le 4 janvier 2024. Soit quatre mois au garage avant même d'entamer sa carrière. Effet dévastateur pour l'image.
Entre Asie et Amérique du Nord, le leader mondial de la ligne régulière annule 13 traversées, dont huit opérés en duo avec Maersk. Les cinq autres concernent des services autonomes de MSC, majoritairement vers la côte-ouest-américaine (quatre) alors que la côte Est n’en perd qu’un.
Réquisition des navires plus petits
En réponse aux fluctuations de la demande sur le transatlantique, Maersk et MSC vont réduire la capacité hebdomadaire de leur service TA2/NEUATL2, l'une de leurs trois boucles hebdomadaires opérés en VSA.
Les six navires de 6 800 à 9 200 EVP, actuellement déployés par MSC (cinq) et Maersk (un), seront remplacés à partir du 22 septembre par six unités de 4 130 à 5 100 EVP, fournis par Maersk. Soit une capacité hebdomadaire moyenne par direction en baisse de 43 %.
Au cours du premier semestre de l'année, les volumes depuis l'Europe vers les côtes américaines ont diminué de 13,6 % pour atteindre 2,42 MEVP, selon les statistiques du commerce des conteneurs (CTS).
Selon le Drewry World Container Index, les taux au comptant entre Rotterdam et New York ont touché le fond au début du mois d'août et se sont stabilisés depuis, à 1 562 $ par conteneur de 40 pieds au cours de la dernière semaine. Le Freightos Baltic Daily Index les estiment plutôt à 1 064 $, flirtant avec les rémunérations à trois chiffres, ligne rouge.
Neuf départs supprimés il y a un an
L'an dernier, dans la perspective de la Golden Week 2022, Maersk et MSC avaient annoncé l’annulation de neuf départs entre Asie et Europe du Nord pendant cinq semaines sur quatre de leurs six rotations entre Asie-Europe du Nord. A
Ces deux dernières années, les transporteurs ont surtout injecté de la capacité, alignant les semaines consécutives de hausse record des taux de fret avec un indice SCFI aux envolées à trois chiffres.
Les porte-conteneurs tournaient alors à plein régime avec des taux d’utilisation supérieurs à 90 % sur plusieurs routes, d'autant qu'une partie était bloquée au large des côtes chinoises et américaines.
Il y a un an, à Zhoushan, 105 navires totalisant une capacité de près de 350 000 EVP attendaient un poste d'amarrage tandis que 71 porte-conteneurs chargés de près de 300 000 conteneurs s’impatientent au large de Ningbo. La baie de San Pedro était alors constellée par des dizaines de navires.
Adeline Descamps
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Après s'être séparés en mars 2022 et avoir exploité un service commun sur cette route entre février 2013 et février 2022, MSC et ZIM renouent avec un accord de partage de navires pour le trafic entre l'Europe du Nord et la Méditerranée orientale. L'isolement de Maersk, qui se retrouvera sans aucun partenaire d'alliance sur les routes transpacifiques et Asie-Europe, s'intensifie alors que le premier et le dernier des dix plus grands transporteurs maritimes de conteneurs se rapprochent. Une collaboration qui devrait être étendue une fois l'alliance 2M dissoute, en janvier 2025.
La capacité globale exploitée par Maersk a diminué de 3 % depuis 2022 par rapport à Zim et MSC qui ont augmenté de 33 % et 24 % respectivement.
Le nouveau service commun, opérationnel depuis fin août, remplacera l'actuel Israel Express de MSC et la partie Europe du Nord - Méditerranée orientale du ZIM Mediterranean ISC de ZIM.
La rotation, qui touchera Londres-Gateway, Rotterdam, Hambourg, Anvers, et au Havre pour l’Europe du Nord, Ashdod, Haïfa, Damiette et Valence au sud, sera effectuée en cinq semaines avec cinq navires d'environ 6 700 EVP, dont trois fournis par le numéro un mondial et deux par le numéro dix.
La liaison hebdomadaire sera commercialisée sous son nom actuel chez MSC et sous l’appellation de ZIM North Europe Israël pour ZIM.
La formation de ce nouveau VSA intervient peu de temps après que les deux transporteurs ont conclu un accord similaire sur le trafic Asie - Océanie.
Ces développements font partie de la rationalisation du réseau de ZIM, une des mesures annoncées à l'occasion de la présentation de ses résultats pour le deuxième trimestre. La compagnie a déclaré une perte de 213 M$ au cours du deuxième trimestre.
A.D.
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