La Fédération CGT des syndicats maritimes et le syndicat national CGT des marins appellent les personnels Corsica linea et La Méridionale à un arrêt de travail du lundi 13 décembre, dès 6 heures du matin, et pour une durée de 48 heures dans tous les ports de la continuité territoriale, ainsi à Toulon, Nice et Marseille », indique le courrier adressé le 30 novembre à Pascal Trojani, président de Corsica Linea.
Dans cette adresse, Frédéric Alpozzo, le secrétaire général du syndicat CGT des marins de Marseille, avance un ensemble de « motifs » et porte de nombreuses revendications, à la fois d’ordre national et interne à Corsica Linea. Il revient plus particulièrement sur la délégation de service public (DSP) relative à la desserte maritime de la Corse au départ de Marseille dans un contexte à nouveau tendu alors que la Collectivité de Corse a été notament condamnée le 26 septembre par le Conseil d’État à indemniser Corsica Ferries à hauteur de 86,3 M€. Un préjudice « qu’elle n’a pas subi », écrit le représentant syndical, évoquant « un racket à ciel ouvert ». Les faits concernent l’une des nombreuses plaintes que Corsica Ferries, qui opère de Toulon et reste leader sur la desserte corse, a déposées auprès des tribunaux en lien avec la DSP. Ils portent en l’occurrence sur l’attribution à la SNCM et à La Méridionale sur la période entre juillet 2007 et décembre 2013.
Sujet à tiroirs
Persévérant dans ses dénonciations d’un dispositif qu’il a toujours estimé extrêmement coûteux pour le contribuable, le président de Corsica Ferries, Pierre Mattei, avait une nouvelle fois mis en garde en février dernier, après l’attribution de la DSP au duo Corsica Linea/Méridionale pour la période du 1er mars 2021 au 31 décembre 2022 : « La collectivité locale persévère à aller à rebours de la loi en lançant des DSP avec subvention du transport de passagers, qui écartent systématiquement Corsica Ferries des appels d’offres », avait-il commenté.
Depuis le 1er mars et jusqu’à fin 2022, Corsica Linea opère trois des cinq liaisons au départ de Marseille vers la Corse – Bastia-Marseille, Porto-Vecchio-Marseille et l'Ile-Rousse-Marseille – tandis que la ligne vers Ajaccio est partagée avec La Méridionale (opérée avec le Piana). La filiale de Stef exploite seule la desserte de Propriano avec le Kalliste.
Un système remis en cause
Si Corsica Ferries est bien dans leur collimateur, la problématique des syndicats va au-delà. Dans un contexte où l’ensemble du système est remis en cause par Bruxelles, Frédéric Alpozzo s’interroge : « si changement il doit y avoir, on voit bien que c'est une porte entrouverte pour une réduction du service public et une libéralisation du transport maritime. Tout cela se fait au détriment à la fois de l'emploi et du service public. C'est inacceptable, insupportable et illégal. »
Pour ce dossier, la CGT des marins demande la « mise en œuvre d’une nouvelle DSP fret et passagers de 12 ans renouvelables, avec huit navires de grande capacité » ainsi que des tarifs planchers fret et passagers sur les lignes en obligation de service public (OSP, entre Toulon, Nice, et les ports de Corse), conventionnées en exclusivité. Ces revendications visent, selon le syndicat, à « supprimer toute pratique de dumping qui déséquilibre le dispositif et les compagnies au profit de Corsica ferries, en situation bientôt de monopole sur le transport à passagers, et déjà en situation d’abus de position dominante grâce aux aides illégales et à la politique de soutien financier public accordée jusqu’ici par l’État français, italien, et la Collectivité de Corse avec Bruxelles. »
Parmi les autres requêtes figure aussi un appel en faveur d’un grand plan décennal de renouvellement de la flotte stratégique sous pavillon français premier registre.
Stigmatisation du net wage
Dans ce courrier est aussi stigmatisé le net wage [exonération des charges patronales sur les salaires ; NDLR], qui avait été accordé pour un an en 2021, prolongé ensuite pour trois ans supplémentaires dans le cadre des acquis du Fontenoy. Les compagnies bénéficiant de la DSP sont toutefois écartées du dispositif, et donc La Méridionale et Corsica Linea.
La CGT exige l’abandon de cette mesure qui met à mal « les secteurs de navigation exclus du RIF » et réclame l’application du décret du 21 avril 2006 sur les lignes régulières à passagers avec les pays du Maghreb qui rend obligatoire le pavillon français premier registre « comme pour le cabotage national et les lignes DSP ».
Enfin, le syndicat sollicite l’inscription immédiate sous pavillon français premier registre de tous les navires de la flotte de Corsica Linea et de La Méridionale, dans le cadre du décret de la flotte à caractère stratégique, du 9 mai 2017.
A.D.