Evergreen, Yang Ming, Wan Hai : les transporteurs taïwanais doublent leurs profits en trois mois

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Les trois transporteurs taïwanais tirent fort bien leur épingle de la situation perturbée dans le transport maritime de conteneurs. Leur flotte étant bien répartie sur les itinéraires les plus pourvoyeurs de trafics, ils profitent clairement de l’augmentation de la demande par anticipation et des perturbations en mer.
     

Evergreen, Yang Ming, Wan Hai. À eux trois, ils représentent près de 10 % de la capacité offerte dans le transport maritime de conteneurs. Avec ses trois fleurons nationaux, Taïwan est la seule nation maritime à disposer d'autant de représentants dans le Top 11 mondial, aux septième, dixième et onzième rang mondial, respectivement. Mais elles ont dernièrement subi quelques dégradations.

Evergreen a perdu un rang mondial au profit du Japonais ONE mais la situation est cependant temporaire, induite par la livraison de gros-porteurs au Nippon (six unités de 24 000 EVP). La première compagnie de l’archipel rebelle devrait rapidement récupérer sa place au regard de son carnet de commandes, avec près de 700 000 EVP en commandes répartis sur 61 navires.

Quant à Yang Ming, elle a été détrônée par ZIM et sa stratégie agressive d’affrètement, passant au dixième rang mondial. À vrai dire, la deuxième compagnie du pays est passée de la 8e à la 10e place depuis août 2020. Sa part de la flotte mondiale de conteneurs est ainsi passée de 2,6 à 2,3 % au cours de l'année écoulée, car d'autres transporteurs ont mis en service plus de navires neufs.

Mais le ministre taïwanais des Transports et des Communications, Li Meng-yen, a annoncé au cours d’une conférence de presse le 30 juillet qu’à l’occasion du changement de direction*, le gouvernement soutiendrait une expansion de flotte. L'État taïwanais, par l'intermédiaire du ministère des transports et des communications et du Fonds national de développement, est le principal actionnaire de Yang Ming.

En mai, après la publication des résultats pour le premier trimestre 2024, le directeur général de la compagnie, Patrick Tu, semblait envisager de commander des 24 000 EVP, car « nous ne pouvons pas continuer à dépendre de la capacité des autres membres de THE Alliance ». Yang Ming a par ailleurs obtenu de ses actionnaires l’accord pour affréter deux navires de 11 000 EVP à long terme. Les dernières commandes remontent à mai 2023 lorsque Yang Ming a confié à Hyundai Heavy Industries cinq navires de 15 500 EVP à double alimentation en GNL, qui devraient être livrés à partir de 2026. Ce sont les seules constructions neuves inscrites à son carnet de commandes.

Bénéfice doublé pour Evergreen

Le bénéfice d'exploitation trimestriel d'Evergreen a dépassé le milliard de dollars au cours du deuxième trimestre de l’année, doublant ses profits par rapport aux trois premiers mois de l'année et les triplant par rapport à la même période de 2023. La société réalise ainsi ses meilleurs résultats depuis sept trimestres, soit depuis le troisième trimestre 2022, et dépasse de loin tout bénéfice antérieur en dehors de la période Covid.

Evergreen a par ailleurs augmenté de 20 % ses recettes par rapport à la période janvier-mars, soit 3,3 Md$, et ce sans augmenter considérablement son offre (27 000 EVP de plus que le premier trimestre), c’est dire que son revenu moyen par EVP a été nettement amélioré. Dans le même temps, ses dépenses d'exploitation ont été contenues (+ 1 %).

Le transporteur a bénéficié d’une bonne exposition sur les trade les plus lucratifs. À la fin du mois de juillet, il exploitait 34 % de sa flotte sur des liaisons entre l’Asie et l'Amérique du Nord et 37 % entre l’Asie et l'Europe.

Yang Ming : profits multipliés par neuf

Yang Ming, qui déploie plus de la moitié de sa flotte sur le transpacifique, a également enregistré un exercice trimestriel de bonne tenue avec un bénéfice d'exploitation de 14,1 milliards TWD au deuxième trimestre, soit 435 M$. Sans commune mesure avec son compatriote dans les niveaux, le deuxième fleuron de l’île double aussi son résultat d’exploitation comparé au premier trimestre 2024 (7,9 milliards TWD) et multiplie par neuf ses profits par rapport à l'année précédente, alors de 1,6 milliard TWD.

Le numéro dix mondial a vu ses revenus croître de 51 % en un an, à 1,6 Md$ (3,02 Md$ pour le semestre, + 34 %) tout en réfrénant ses dépenses d'exploitation (+ 14 %). Un exploit au regard de la situation. Les attaques en mer Rouge des rebelles houthis du Yémen contre la marine marchande a dissuadé la plupart de la flotte mondiale de porte-conteneurs d’emprunter la voie royale par le canal de Suez, imposant des milliers de milles supplémentaires, de 2 000 à 3 000 par exemple pour un voyage entre Asie et Europe.

L'accélération pour éponger le transit-time plus long entraîne une augmentation de la consommation de carburant. Les autres armateurs ayant communiqué à ce stade leurs résultats du deuxième trimestre font tous état de comptes d’exploitation obérés par la situation.  Pour Maersk par exemple, le déroutement par le cap de Bonne Espérance a engendré une hausse de la consommation de 18 % qui, combiné à un prix moyen du fuel plus élevé de 7,4 % à 636 $/tonne, a gonflé le poste de soutage de 28 % (1,8 Md$). CMA CGM mentionne également une forte augmentation du bunker mais sans en préciser le niveau.

Wan Hai : d'une perte de 52 M$ à 335 M$ de bénéfices

De son côté, Wan Hai Lines a enregistré un bénéfice d'exploitation de 335 M$ alors qu’il était en perte de 52,4 M$ il y a un an. C’est cinq fois plus que celui réalisé au cours du premier trimestre. Dans le même temps, son chiffre d’affaires s'est étoffé de plus de 14 milliards TWD, passant de 24,5 à 38,2 milliards TWD pour la période avril-juin, soit 1,18 Md$. Les bénéfices d'exploitation ont également été multipliés par près de cinq par rapport au premier trimestre de cette année.

Le troisième transporteur national a annoncé, à l’issue de la présentation de ses résultats, une commande spectaculaire qui pourrait s'élever à 2,5 Md$. Un financement qui sera assuré en partenariat avec sa compatriote taïwanaise CSBC Corp. Le contrat prévoit 12 porte-conteneurs à double motorisation méthanol d'une capacité de 8 000 EVP chacun, ainsi qu'une option pour quatre navires supplémentaires, dont le prix est estimé entre 102,5 et 124 M$. Il a également confié au constructeur sud-coréen Hyundai Samho quatre autres porte-conteneurs, également à double motorisation au méthanol, évalué à l’unité entre 113,5 et 130,4 M$.

89 porte-conteneurs commandés en juin et juillet

La commande de Wan Hai vient encore gonfler le carnet de commandes des premiers de cordée. Pas moins de 89 porte-conteneurs consolidant une capacité d’1,2 MEVP ont été commandés en juin et juillet, selon un rapport de Clarksons.
Parmi les dernières manifestations, le 12 août, le constructeur chinois Zhoushan Changhong International Shipbuilding a été le destinataire d’une énième commande de MSC, dont les 6 MEVP de capacité atteinte, le distançant pour un certain temps de ses pairs, ne le freine pas pour autant.

Selon les calculs d'Alphaliner, le transport maritime par conteneurs dépasse aujourd'hui les 30 MEVP de capacité avec plus de 7 000 navires en activité.

Adeline Descamps

*Tsai Feng-ming, ancien professeur à l'Université nationale océanique de Taïwan succédera à Cheng Cheng-Mount en tant que président et Cliff Pai, actuel directeur de la stratégie, remplacera Patrick Tu à la direction générale.

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