Selon Bloomberg, une audience du tribunal de Londres sollicitée par le propriétaire et l’armateur de l’Ever Given – deux filiales de Shoei Kisen Kaisha et Evergreen qui l'exploite dans le cadre d'un affrètement à long terme – aurait mis en évidence l’ampleur des litiges, les deux parties prenantes s'attendant à des « centaines voire des milliers de réclamations juridiques » et autant d’actions en justice.
Cette séance avait été demandée par les avocats représentant leurs intérêts afin d’obtenir la suspension de toute réclamation potentielle pendant deux mois. Elle aurait pour finalité de regrouper les demandes doublons de façon à limiter les frais de justice et le temps passé au tribunal.
Rendez-vous dans deux mois
Une autre audience doit avoir lieu dans deux mois, Shoei Kisen Kaisha et Evergreen estimant alors avoir plus de visibilité sur les demandes d’indemnisation.
L’armateur avait très rapidement déclaré l'avarie commune. Shoei Kisen a appliqué la Convention internationale sur la limitation de la responsabilité qui prévoit de plafonner les demandes d'indemnisation à 115 M$.
Lorsque la cargaison sera finalement déchargée, les propriétaires ou leurs assureurs devront donc couvrir leur part du coût du sauvetage avant de pouvoir récupérer leur fret conformément aux règles de l’avarie commune. La valeur de la cargaison du porte-conteneurs est estimée entre 600 et 780 M$ mais fait l’objet de nombreuses estimations.
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Longue immobilisation
Pour rappel, le porte-conteneurs de 20 000 EVP a bloqué le canal de Suez dans les deux sens pendant près d’une semaine en mars et a ensuite été immobilisé pendant plus de 100 jours, pris en otage par le gestionnaire de l’infrastructure égyptienne (SCA, Suez Canal Authority) au titre de l’indemnisation exigée pour pertes de revenus (422 navires bloqués en quatre jours avec une moyenne de plus de 100 transits quotidiens) et atteinte à son image.
Un accord de principe a finalement été trouvé récemment, fin juin, entre le propriétaire et son assureur et la SCA. Le navire vient de reprendre la mer avec sa cargaison en direction de Rotterdam
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Non responsabilité
Ni le propriétaire ni l’armateur n’ont commenté l’ouverture de cette nouvelle page de l’histoire de l’Ever Given. Jusqu’à présent Shoei Kisen a toujours plaidé sa non-responsabilité dans l’échouement du navire et ses conséquences.
Les rapports préliminaires de l’incident, qui n’a engendré ni pollution ni blessés, ont fait valoir que le navire était opérationnel, les machines et équipements non défectueux lorsque l’accident s’est produit, et qu’il était armé dans les règles.
Le pilotage effectué par SCA a également été déclaré conforme aux règles de navigation du canal de Suez. Le jour de l’accident, les vents étaient en revanche extrêmement violents. Le navire avait d’abord subi une panne générale alors qu'il était à l'entrée du canal vers le nord, puis perdu de la puissance avant de virer à tribord, le bulbe d’étrave se logeant dans la berge du canal.
Plaintes pour préjudice économique mondial
Outre le préjudice porté aux marchandises, il y aura probablement des plaintes liées au préjudice économique causé aux 422 navires bloqués de part et d’autre. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) l’avait estimé entre 2,2 et 3,9 Md$.
L’affaire prendra probablement des années avant d'être résolue et certaines plaintes ne franchiront pas les portes des tribunaux. L’arbitrage reste une solution préférable aux onéreuses et interminables batailles judiciaires.
Adeline Descamps