L’audience qui devait statuer sur la demande d’indemnisation des autorités égyptiennes, a été une nouvelle fois reportée, cette fois au 11 juillet. Mais l’accord a été scellé entre le propriétaire et l’assureur du navire – Shoei Kisen et le UK P&I – et le gestionnaire du canal, selon les propos tenus par le président de l'Autorité du canal de Suez, Osama Rabie, à une chaîne de télévision privée le dimanche 4 juillet. Il a indiqué que le contrat de règlement des indemnités serait signé mercredi. La signature sera suivie d'une cérémonie officielle marquant la fin de la « détention » du désormais célèbre navire.
« Suite à l'accord de principe entre les parties, et après de nouvelles réunions avec le comité de négociation de l'Autorité du canal de Suez et de nombreuses audiences au tribunal, une solution formelle a maintenant été convenue », a confirmé le UK Club, assureur de protection et d'indemnisation d'Ever Given.
Le montant qui sera versé à la SCA pour la libération de l'Ever Given – principal point d’achoppement entre les parties concernées par l’événement – ne sera donc pas révélé. Mais certaines sources spéculent sur un montant de 150 M$. Pour rappel, le gestionnaire avait initialement demandé 916 M€ pour pertes de trafics (estimé à 15 M$ par jour) et atteinte à son image avant de revoir à la baisse cette demande à 550 M$ et d’accepter de libérer le navire contre un dépôt de 200 M$ et le paiement différé des 350 M$ avec des lettres de garantie.
Ever Given : un accord de principe pour libérer le navire
Valeur de la cargaison entre 600 et 78 M$
Faut-il le rappeler. L’Ever Given est ce porte-conteneurs de 20 000 EVP mais chargé de 18 300 EVP, armé par Evergreen, dont le bulbe d’étrave s’est encastré dans la rive est alors qu’il était en transit dans le canal de Suez. Le dragage de quelque 30 000 m3 de sable a été nécessaire pour renflouer le navire de 224 000 t. Il a fallu déployer onze remorqueurs et dépêcher deux autres unités de grande capacité, de 220 et 240 t pour dégager le navire. L’opération a duré près d’une semaine.
L’événément avait provoqué un embouteillage aux deux extrémités du canal, bloquant 369 navires. La perte de valeur dans les échanges commerciaux générée par cette obstruction a été, elle, estimée à 9,6 Md$.
Ever Given : le président de l'Autorité du canal de Suez étaye ses demandes de compensation
Depuis qu’il a été renfloué et remorqué dans une zone où il ne gêne plus la circulation, un bras de fer est engagé entre son propriétaire la filiale (Luster Maritime) de l'armateur nippon et le gestionnaire du canal à propos de l’indemnisation du préjudice subi par le canal. Après plusieurs audiences devant le tribunal administratif d'Ismaïlia ajournées, les représentants des deux parties avaient le 23 juin qu’un accord de principe avait été trouvé.
Indépendamment de ce qui sera convenu entre les deux parties, les propriétaires des marchandises devront s’acquitter d’une caution afin de pouvoir récupérer leur fret. Une avarie commune ayant été déclarée, les intérêts de la cargaison sont susceptibles de contribuer à une partie des coûts du sauvetage. La valeur de la cargaison de l’Ever Given est estimée entre 600 et 780 M$ mais fait l’objet de nombreuses estimations. Si le navire est libre, la restitution des conteneurs à leurs propriétaires va exiger du temps et des procédures.
Ever Given : il faudra du temps avant de libérer les conteneurs
Travaux engagés
L'accident a par ailleurs contribué à l’explosion des taux de fret, déjà tirés vers le haut par les tensions sur l’offre et la demande, a aggravé les délais de rotation des conteneurs, entraînant une congestion des ports en Europe et ailleurs.
L'Autorité du canal de Suez a commencé des travaux de dragage pour permettre une circulation à double sens dans la section sud de l’infrastructure près de l'endroit où l’Ever Given est resté bloqué. Le tronçon de 30 km entre la ville de Suez et le Grand Lac Amer devait être agrandi de 40 m du côté est. La zone devrait être approfondie d'environ 20 à 22 m et des travaux sur 10 km devraient porter le tronçon à double voie à 82 km. Le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi a indiqué que le chantier devrait être achevé en moins de deux ans.
Dans une économie secouée par les années d'instabilité politique, les redevances de Suez représentent une des premières ressources du pays. Néanmoins, pour amortir le coût des investissements consentis ces dernières années sur l’infrastructure (7 Md$ de travaux autofinancés à 88 %), le gouvernement égyptien doit atteindre un chiffre d’affaires de 13,2 Md$ (11,7 Md€) en 2023 alors qu’il en réalise un peu moins de 6 Md$ aujourd’hui.
Adeline Descamps