En sanctionnant 17 navires et leurs exploitants, les États-Unis visent la « flotte fantôme » de l'Iran

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Washington a annoncé le vendredi 11 octobre une série de sanctions visant l'industrie pétrolière et pétrochimique iranienne ainsi que des sociétés de transport maritime du brut prohibé. Ces mesures visent clairement des navires engagés dans la flotte clandestine qui opèrent de nombreux transferts en mer pour dissimuler l'origine de la cargaison. La destination est, elle, bien connue : la Chine.

« Les États-Unis prennent des mesures décisives pour perturber la capacité du régime iranien à financer et à mener ses activités déstabilisatrices dans la région », a déclaré la secrétaire d'État au Trésor, Janet L. Yellen. L'Ofac (Office of Foreign Assets Control), organisme chargé des actifs étrangers placé sous l'autorité du Trésor américain, a annoncé le vendredi 11 octobre un nouveau train de mesures visant l'industrie pétrolière et pétrochimique iranienne en « réponse à l'attaque contre Israël, la seconde attaque directe cette année ». Le 1er octobre, le pays des Mollahs a déversé 200 missiles contre Israël en riposte revendiquée à l'assassinat du chef du Hamas palestinien à Téhéran et du chef du Hezbollah libanais, ainsi que d'un général des Gardiens de la Révolution iraniens dans une frappe israélienne près de Beyrouth.

Les sanctions visent le commerce de pétrole et de produits pétrochimiques iraniens mais également leur transport. Dix sociétés, ressortissantes des Émirats arabes unis, de Hong Kong, de Chine, du Libéria, du Panama, des Iles Marshall... (et 17 navires) se retrouvent sur la liste actualisée. Elles sont accusées de contribuer aux revenus énergétiques du pays, et ce faisant de soutenir « le développement de son programme nucléaire, la prolifération de missiles balistiques et de drones et le soutien à des mandataires terroristes régionaux, avec des conséquences dangereuses pour la région et le monde », précise le communiqué de l'Ofac.

Les 17 navires bloqués ont été exploités, selon l'Office, pour le compte de la grande compagnie pétrolière du pays, la National Iranian Oil Company (NIOC), ainsi que pour la Triliance Petrochemical. Le département d'État américain désigne également six autres entités (et leurs six navires : Erg 1 ; Voras ; Hornet ; Shanaye Queen ; Carol, Octans) « engagées dans une transaction impliquant l'achat, l'acquisition, la vente, le transport ou la commercialisation de pétrole ou de produits pétroliers en provenance d'Iran. »

Flotte clandestine dans le viseur

En clair, ces mesures visent des unités de la flotte clandestine de pétroliers qui opèrent pour la NIOC depuis des années. La major iranienne est dans le viseur de Washington depuis le 26 octobre 2020 pour son soutien financier à la Force Qods (Corps des gardiens de la révolution islamique) tandis que Triliance est visée depuis le 23 janvier de la même année pour ses liens avec la NIOC. Les États-Unis agissent dans le cadre du Stop Harboring Iranian Petroleum Act (ShipAct), qui a été récemment délégué par le président aux départements du Trésor et d'État.

Des cargaisons destinées à la Chine

Parmi les sociétés visées figurent FZE (Max Maritime), basée aux Émirats arabes unis, accusée d'exploiter trois de ses navires – Bendigo, Carnatic et Savia –, pour effectuer de multiples transferts de pétrole iranien de navire à navire (STS) avec le transporteur maritime national, National Iranian Tanker Company (NITC), « qui transporte le pétrole iranien pour le compte de la NIOC vers la Chine ». Le Bendigo aurait assuré une douzaine de STS selon l'Ofac.

Le Luna Prime, anciennement connu sous le nom de Selene et détenu et géré par Cathay Harvest Marine, basé à Hong Kong, a également transporté « des dizaines de milliers de tonnes de pétrole brut lourd iranien » vers plusieurs raffineries chinoises via des transferts avec NITC opérés au large de Singapour.

Elza Shipping, basée au Libéria, est pour sa part identifiée comme le propriétaire de l'Elza, impliqué dans l'acheminement de centaines de milliers de barils de condensats, également via un transbordement depuis un navire NITC.

L'Emiratie Jazira Das International Oil Products Trading, est pour sa part pointée en tant que destinataire sur des connaissements falsifiés en vue de masquer l'origine de la cargaison (NIOC). Elle est aussi intervenue comme intermédiaire pour dissimuler des transactions entre la compagnie pétrolière du pays et la China Concord Petroleum Company. Des millions de barils de pétrole ont ainsi été rendus opaques.

Les Goodwin, Anhoma et Wen Yao, gérés par Harry Victor Ship Management and Operation, sont concernés pour des transactions avec Trilliance. Rita Shipping, basée aux Îles Marshall, est le propriétaire enregistré et le gestionnaire du Spirit of Casper, qui a transporté du brut vers la Chine.

De même pour Derecttor Company, basée en Chine, propriétaire, gestionnaire et exploitant des Crystal Rose et Carina, les deux ayant approvisionné la China Concord Petroleum. Cette raffinerie a également été desservie par le Dimitra II de la société malaise Delnaz Ship Management. Trois autres de ses navires sont susceptibles d'avoir servi les mêmes fins (Tyche I, Satina et Cross OCean).

Enfin, deux autres entreprises, l'une basée au Panama, Diamante Tankers (navire : Aventus I) et l'autre aux Îles Marshall, Davina Shipping (navire : Davina) se retrouvent aussi épinglées.

Un alignement du G7 ?

Classiquement, les sanctions entraînent le gel des avoirs détenus directement ou indirectement par les entreprises visées ainsi que l'interdiction pour des entreprises ou personnes basées aux États-Unis de commercer avec ces cibles. Elles devraient compliquer les échanges commerciaux en limitant la possibilité d'utiliser le dollar dans leurs transactions, espèrent ses artisans.

Cette annonce « a été coordonnée avec les alliés et les partenaires, dont beaucoup annonceront dans les prochains jours leurs propres mesures visant à tenir l'Iran pour responsable de son attaque », assure Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président Joe Biden. Ce dernier avait obtenu du G7 un durcissement des sanctions après l'attaque de l'Iran contre Israël. Pour autant, le président américain tente d'ajourner la réponse israélienne et se montrer opposé à des frappes contre les installations nucléaires iraniennes tout en déconseillant celles contre les infrastructures pétrolières.

Une production réduite depuis 2018

La production de brut de l'Iran s'est élevée en moyenne à 3,18 millions de barils par jour (b/j) en août, selon la dernière enquête de Commodity Insights. La campagne « pression maximale » décidée par l'administration Trump dans la foulée de son retrait de l'accord historique sur le nucléaire en 2018, a fait chuter la production de brut iranien jusqu'à 2 millions de b/j.

En plus des sanctions, certains, au sein du G7, appelaient à frapper également la capacité du pays à raffiner, selon les déclarations du sénateur Lindsey Graham, républicain de Caroline du Sud. La république islamique, parmi les fondateurs du cartel des producteurs de pétrole (Opep), dispose actuellement d'une capacité de raffinage d'environ 2,4 millions de b/j répartie sur 10 sites principaux.

Adeline Descamps

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