Cosco se lance aussi dans la production de méthanol vert

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Si l'agitation était une mesure du niveau d'inquiétude, le seuil d'alerte serait atteint. Les annonces s’enchâssent autour du méthanol vert, futur et prometteur combustible de soute pour lequel tout reste à faire. À commencer par sa production. Après Maersk, CMA CGM, Cosco se donne les moyens pour construire une chaîne de valeur complète.  

C’est l’ébullition dans les soutes et l’agitation autour du méthanol. Les annonces s’enchâssent, traduisant une certaine précipitation.

L’accord signé à l’OMI en juillet à l'occasion de la 80e session du MEPC (Comité de protection du milieu marin), si fébrile fusse-t-il, devrait encore leur presser le pas, les propriétaires et exploitants de navires étant désormais fixés sur l’échéancier réglementaire de la décarbonation, dont les ambitions ont été revues à la hausse.

Ils ont dorénavant jusqu’à 2050 pour rendre marginales leurs émissions de gaz à effet de serre. Il ne s'agit donc plus de se contenter à réduire de moitié ce que les navires de la flotte mondiale émettaient en 2008. Mais de parvenir au zéro émissions.

Maersk se lance dans la production

Depuis la fin de la trêve estivale, la décarbonation sature tous les canaux de communication.

Maersk a baptisé le premier de sa future flotte de porte-conteneurs de méthanol à double motorisation qui compte à ce stade 25 unités, attendues d’ici 2027. À cette occasion, il a annoncé la création de C2X, une société détenue à 80 % par la holding du groupe A.P. Moller, société mère de Maersk, laquelle intervientdans le capital à hauteur de 20 %. Le site a vocaction à produire 3 Mt de méthanol vert à partir de 2030.

« Remplacer l'utilisation actuelle de méthanol d’origine fossile par du méthanol vert et répondre à la demande croissante en tant que carburant nécessite un changement radical de la capacité de production mondiale du combustible », a souligné à cette occasion le groupe danois qui vise les secteurs les plus difficiles à décarboner, sans exclusive pour le transport maritime.

La direction de Maersk estime que la demande annuelle de méthanol « pourrait tripler d’ici 2050 pour atteindre quelque 300 Mt, portant principalement sur le méthanol vert ».

OCI s'engage à doubler sa production de méthanol vert

Dans le même temps, le groupe de transport et de logistique, qui s’attelle depuis ses premiers navires commandés en 2021 à construire sa chaîne d’avitaillement de méthanol vert en s’engageant en volumes et sur la durée auprès de sociétés énergétiques, a annoncé un partenariat avec OCI Global.

Basée au Texas, cette entreprise, qui se revendique comme le plus grand producteur de méthanol vert, prévoit une croissance du marché de plus de 6 Mt par an d'ici 2028, sur la base des 225 navires à double carburant avec le méthanol actuellement en commande, selon son décompte.

OCI Global s’est engagé à doubler sa capacité de production pour atteindre environ 400 000 t par an. La société détient pour l’heure un portefeuille clients, majoritairement dans le transport routier, où son carburant est utilisé dans un blend avec de l’essence. Ce n’est que récemment qu’elle s’est intéressée au transport maritime.

Maersk et CMA CGM trouvent un terrain d'entente

Quelques jours plus tard, les numéros deux et trois mondiaux de la ligne régulière – Maersk et CMA CGM – annonçaient un rapprochement autour de la décarbonation, évoquant notamment la nécessité de travailler ensemble pour sécuriser l’approvisionnement et l’avitaillement du carburant plébiscité par les armateurs de porte-conteneurs.

Alors que l’armateur danois a commandé sa première série en 2021, il est talonné par son concurrent français, dont la flotte en commande au méthanol s'est étoffée en un temps record pour approcher les 340 000 EVP.

Engagés avec quelques années de décalage, leur carnet de commande au méthanol s'aligne. Ils partagent désormais le défi de l’avitaillement.

Cosco annonce une chaîne de valeur complète

C’est au tour de Cosco, numéro quatre mondial sur les talons de la compagnie française, de faire part du développement d’une chaîne de valeur complète autour du méthanol vert, production, transport, avitaillement et certification du méthanol vert pour les navires.

À cette fin, le groupe de transport chinois s'est associé à trois autres entreprises publiques - State Power Investment Corp. (SPIC), Shanghai International Port Group (SIPG) et China Certification & Inspection Group (CCIC).

« L'établissement d'une chaîne industrielle de méthanol vert est non seulement nécessaire pour que les compagnies maritimes s'alignent sur la nouvelle tendance du transport maritime vert, à faible émission de carbone et intelligent, mais aussi pour offrir aux clients des services logistiques durables et respectueux de l'environnement dans la chaîne d'approvisionnement mondiale », indique le communiqué. 

Cosco qui a passé commande en octobre de douze porte-conteneurs de 24 000 EVP dual fuel pour une valeur de près de 2,9 Md$, a aussi placé sa confiance dans ce carburant pour lequel tout reste à faire, à commencer par être produit en vert absolu.

China Merchants ouvre la voie aux VLCC au méthanol

L’annonce de l’armateur chinois suit de peu celle de son compatriote China Merchants, second grand groupe du pays, qui a obtenu le blanc-seing des actionnaires pour doter China Merchants Energy Shipping de son premier VLCC alimenté au méthanol.

Au début de l'année, la compagnie chinoise avait commandé des aframax prêts pour le méthanol ainsi que deux transporteurs de voitures de 9 300 CEU qui devraient être livrés en 2025 et 2026.

Selon DNV, il y aurait actuellement 23 pétroliers en service configurés pour le méthanol tandis que quatorze autres navires-citernes sont en commande et devraient être livrés d'ici 2026.

Cet été, l'opérateur danois Hafnia et l'armateur bordelais de pétroliers, désormais partenaires au sein d'une coentreprise, ont commandé conjointement quatre pétroliers de taille moyenne bicarburant avec le méthanol.

Des statistiques prometteuses

Alors qu'il y a encore un an, Maersk faisait figure de pionnier et défricheur de ce combustible prometteur, le carnet de commandes au méthanol s’est depuis considérablement garni. Pas encore au point de supplanter le GNL, en tête des carburants dits alternatifs, case dans laquelle il est communément rangé en dépit de ses insuffisances pour traiter le CO2. Et toujours majoritairement en double motorisation avec un combustible conventionnel.

Selon les estimations du courtier Braemar, le nombre de navires configurés pour le méthanol en commande s'élevait à 185 au 6 septembre, contre 135 à la fin du mois de mai et 24 unités en fin d'année dernière.

Dans une étude, la société de classification Lloyd’s Register prévoit que la demande moyenne du secteur maritime en méthanol vert devrait représenter 13,4 % de la consommation totale de combustibles de soute d'ici à 2050, le biométhanol, 8,6 % et l'e-méthanol, 4,8 %.

D'ici 2050, l'e-méthanol et le bio-méthanol devraient représenter environ 80 % de la production totale et pourraient atteindre 500 Mt par an.

Des freins encore nombreux pour une production industrielle

Le méthanol marin apparaît comme une des options les plus populaires pour tendre vers un objectif de neutralité carbone. Encore faut-il qu’il soit vert, ce qu’il n’est pas aujourd’hui puisqu’il a toujours pour source le gaz naturel.

Le méthanol gris est, quant à lui, disponible dans plus de 120 ports et plus de 90 installations de production sont recensés dans le monde, avec un approvisionnement annuel de près de 100 Mt, d'après les données de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena).

La disponibilité des matières premières, en quantité suffisante et à un prix raisonnable sur le lieu de production, est identifié comme le premier des verrous à lever pour une production de méthanol vert à grande échelle.

Adeline Descamps

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