Ce sont des annonces opportunistes mais pas des informations. Tout au plus des confirmations, toutes deux en provenance de Marseille. L'armement français CMA CGM, qui y a son siège, acte ses commandes auprès du groupe public chinois de construction navale de 10 porte-conteneurs de 15 000 EVP. Le port de Marseille n'en finit plus de confirmer l'implantation sur ses terres du 3e fabricant mondial de silice, le chinois Quechen.
CMA CGM profite de la visite d’État du président chinois Xi Jinping pendant trois jours en France pour acter la signature de deux accords avec China State Shipbuilding Corporation (CSSC), portant sur la commande (passée discrètement en début d'année) de 10 porte-conteneurs de 15 000 EVP (366 m de long) à livrer à partir de 2021 pour être ensuite déployés sur les lignes Asie-Méditerranée. Cinq d’entre eux seront alimentés au GNL, les cinq autres équipés de scrubbers. L’un des deux chantiers navals identifiés est Jiangnan tandis que l’autre site reste à confirmer mais Hudong-Zhonghua est pressenti (c’est à ce dernier qu’a déjà été confié quelques-uns des 22 000 EVP au GNL commandés par CMA CGM en novembre 2017). La valeur des contrats est estimée entre 110 et 130 M$ par unité.
L’accord a été scellé, en présence des présidents français et chinois, Emmanuel Macron et Xi Jinping, par Rodolphe Saadé, PDG de l’armement et Lei Fanpei, président de China State Shipbuilding Corporation. Les deux dirigeants ont également signé un accord de coopération marquant leur volonté commune de « développer des navires plus performants et plus respectueux de l’environnement ». Et pour l’armement français, cet engagement prend la forme d’une conviction en faveur du GNL, le seul armateur à ce jour à avoir pris clairement position pour ce carburant, certes plus vertueux du point de vue environnemental, mais sans répondre à la problématique de tous les polluants et surtout n’agissant que peu sur les émissions des gaz à effet de serre. En novembre 2017, le groupe avait ainsi annoncé la commande de neuf porte-conteneurs de 22 000 EVP propulsés au GNL, devenant la première compagnie maritime au monde à faire le choix de cette énergie pour des navires de cette taille.
Le n°4 mondial de la ligne conteneurisée détient 2,64 MEVP de capacité conteneurisée et a actuellement en commande 34 navires totalisant 455 352 EVP, soit 17,2 % du carnet de commandes mondial, parmi les plus « dépensiers » mais néanmoins loin derrière Evergreen et Yang Ming, qui représentent actuellement autour de 36 et 37 % des commandes mondiales chacun.
Promesse de bail et mise en oeuvre de la promesse
Parallèlement, tout aussi opportuniste, le port de Marseille-Fos n’en finit plus de confirmer la confirmation l'implantation de Quechen silicon chemical, le n°3 mondial de la silice, sur la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer. La promesse de bail à construction avait été signée le 18 octobre 2018, marquant le point de départ des études préalable à la construction du site. À l’occasion de la présence du président de Quechen, Que Weidong, dans la délégation présidentielle chinoise, un « nouveau protocole d'accord a été signé marquant la mise en œuvre opérationnelle de la promesse de bail. »
Leader dans son pays pour la fabrication de silice (production de 250 000 t, 180 M€ de chiffre d’affaires prévisionnel en 2018), le groupe de Wuxi a manifesté il y a désormais trois ans sa volonté d’implanter en Europe une usine de silice à haute dispersion (HDS), notamment pour se rapprocher de ses clients pneumaticiens, Michelin, Continental, Pirelli, qui ont remplacé le noir de carbone par la silice afin de produite des pneus plus verts. Après avoir retenu plusieurs sites, il a finalement opté pour la ZIP de Marseille-Fos. Un investissement annoncé de 105 M€ avec la clé 130 emplois directs.
Avec le site de Fos dimensionné à 90 000 t/an dès 2021, le groupe asiatique se rapprochera notamment du leader mondial Solvay, qui totalise avec ses deux sites industriels (en Chine et en Pologne) une capacité de production cumulée de 500 000 tonnes par an. Sur les flux et son sourcing en l'occurrence, le Chinois est discret. 400 000 tonnes de fret pourraient être générées (flux entrants et sortants) pour les besoins d'une production calibrée à 90 000 t. L’amorçage se ferait à 40 000 tonnes.
Pour son implantation, le groupe chinois bénéficie d’aides diverses (économiques, juridiques et sociales), de la part de l’État, des collectivités territoriales et de Total Développement régional.
Adeline Descamps