Catherine Chabaud, députée européenne : « On ne peut pas comprendre que les navires verts ne soient pas construits en Europe »

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La députée européenne était présente à l’Orange Vélodrome à Marseille pour assister au MEET4Hydrogen, la convention d’affaires dédiée aux applications sectorielles de l’hydrogène les 21 et 22 mars. L’ex-navigatrice chevronnée avait manifestement de nombreux messages à adresser au secteur maritime.

Alors que les transports maritime et aérien ont longtemps été des passagers clandestins, tenus à l’écart des politiques climatiques européennes en raison de leur essence internationale, le nouvel exécutif européen de Ursula von der Leyen leur a réservé une belle place dans son pacte vert (Green Deal), la feuille de route climatique européenne qui vise la neutralité carbone en 2050, avec un point de passage en 2030, date à laquelle les émissions de gaz à effet devront avoir été réduites de 55 %. 

Á Bruxelles, les sujets du maritime sont incarnés dans plusieurs textes législatifs (paquet Fit for 55) dont les acronymes deviennent bientôt plus familiers aux acteurs du shipping que les CII et EEXI de l’OMI. Et il y en a pour tout le monde. L’AFIR concerne les infrastructures portuaires (électrification à quai, soutage d’énergies nouvelles). FuelUE sur le passage aux carburants alternatifs et bas carbone fixe une trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre pour les flottes de navires (le Parlement et le Conseil européen sont sur le point de s’entendre sur une réduction des émissions des navires de 2 % à partir de 2025 et de 80 % à partir de 2050). Renewable Energy Directive (Red II) vient réviser la directive sur les énergies renouvelables.

Un petit dernier s'est inséré depuis le début de la guerre en Ukraine : REPowerEU, une autre ambition pour rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030 et partant, à diversifier les sources d’approvisionnement vers des énergies propres, à commencer par l’hydrogène.

Le SCEQE système communautaire d'échange de quotas d'émission (ou Emissions Trading System, ETS) embarque pour sa part le secteur dans le marché carbone. Un principe pour lequel le Parlement avait voté dès septembre 2020. 

Coup de collier majeur à opérer

« L’hydrogène est omniprésent dans tous ces textes », reconnait Catherine Chabaud, députée européenne (liste Renaissance, au titre du MoDem), de passage au MEET4Hydrogen, une convention d’affaires dédiée aux applications sectorielles de l’hydrogène qui s’est tenue ces 21 et 22 mars à l’Orange Vélodrome à Marseille avec cette année une programmation très fluviale, maritime et portuaire.

« La stratégie de l'Union européenne en matière d'hydrogène prévoit d'augmenter la production d'hydrogène renouvelable par électrolyse pour atteindre 10 Mt d'hydrogène vert d'ici 2030, avec une capacité installée de 40 gigawatts d'électrolyseurs ». 

L’émissaire européenne, qui force le respect dans le secteur maritime pour ses exploits en mer (Vendée Globe, l’Atlantique en solitaire, etc.) , avait manifestement plusieurs messages à adresser aux opérateurs de la nouvelle énergie-star mais aussi aux acteurs du maritime. « L'OMI envisage une augmentation de trafic maritime de 250 % d'ici 2050. Cela suppose donc une augmentation des émissions, alors que dans le même temps, elles devront être réduites de 90 %. La part du transport maritime dans le total des émissions de gaz à effet de serre pourrait ainsi passer de 3 à 17 % d'ici 2050 si on ne fait rien », constate-telle.

Sans nier la hauteur de la marche, l’ex-navigatrice europhile a balayé en quelques minutes les difficultés à produire massivement de l’hydrogène, plébiscité par la plupart des secteurs industriels, l’évolution des technologies plus rapides que le cadre réglementaire pas encore stabilisé avec des définitions longtemps attendus (cf.les débats sur les actés délégués relatifs à la production d’hydrogène et ce qui est considéré comme de l’électricité d’origine renouvelable, le nucléaire en question)…Elle défend pour sa part une vision systémique. Le transport maritime, les ports, les énergies doivent être pensés ensemble par les réglementations européennes, signifie-t-elle. « Les grands ports maritimes sont déjà des sites industriels où on produit de l'énergie. Ils doivent être des sites d'accueil des énergies renouvelables, notamment connectés avec l'éolien offshore, mais aussi des sites de production et de stockage d'hydrogène ».

Urgent à réarmer les cales ? 

Mais elle veut aller au-delà. « Nous avons un alignement des astres avec une feuille de route de décarbonation, un plan de relance suite au Covid, un RepowerEU qui permet de retrouver de la souveraineté industrielle et de l'autonomie énergétique stratégique. Dans ce cadre, on ne peut pas comprendre que nos navires verts soient construits ailleurs qu'en Europe. »

Elle s’appuie sur l’exemple du Canopée, le roulier à voile qu’ArianeGroup affrète auprès de l’armateur nantais Alisés. « C’est un projet européen. Si Ariane n'avait pas exigé que ce bateau soit construit dans l'Union européenne, il l’aurait été ailleurs, probablement dans le Sud-Est asiatique. Le chantier est néerlandais. Il est construit en Pologne. Les ailes sont fabriquées à Caen avec un sous-traitant italien. L'Union européenne devrait être la championne des navires verts ».

Catherine Chabaud, qui cherche à convaincre sur ce sujet au sein des instances européennes – « il y a là un véritable enjeu géostratégique » –, et défend sa position auprès de Thierry Breton, commissaire européen en charge des questions de concurrence, en profite pour rappeler quelques fondamentaux. « Cela suppose que les acteurs acceptent de travailler à l'échelle européenne. Je note souvent qu'en France, le réflexe européen n’est pas acquis ». Le secteur maritime n’avait pas non plus l’habitude que « l’Europe » se préoccupe autant de lui…

Adeline Descamps

 

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