La mission était visiblement très attendue au regard de l'accueil très enthousiaste réservée à la mission européenne de protection des navires Eunavfor (force navale européenne) Aspides, lancée officiellement le 19 février. Et ce, même si les moyens alloués et la date de début des opérations ne sont pas connus.
Seule la durée (un an reconductible) et la zone d'intervention, très large, a été précisée depuis l'annonce officielle. Elle aura pour champ d’intervention les « principales voies de communication maritimes » dans les détroits de Bab al-Mandeb et d'Ormuz, ainsi que dans les eaux internationales de la mer Rouge, du golfe d'Aden, de la mer d'Arabie, du golfe d'Oman et du golfe Persique.
Aussi, sont parues au JO de l'UE, les nominations du commandement. Le pilotage général de l’opération a été confié à l’amiral (grec) Vasilios Griparis et le commandement opérationnel en mer au contre-amiral (italien) Stefano Costantino. Le siège de l'opération est basé dans la ville grecque de Larissa.
Son mandat est en revanche clairement défensive et vise à « garantir la liberté de navigation », dans le respect du droit international.
220 à 230 navires français concernés
Armateurs de France fait partie des premières associations à avoir manifesté sa satisfaction de voir la mission « pour la sécurité des équipages et la liberté de navigation », en gestation depuis décembre, se concrétiser.
Ses membres ont entre 220 et 230 navires de commerce (contrôlés par des compagnies françaises) qui passent par le Moyen-Orient chaque année. Soit un peu plus de 850 passages annuels dans la région. Une majorité d’entre eux ont d’ailleurs décidé de suspendre, assure l’association professionnelle.
Tout en saluant l’initiative européenne comme elle l’avait fait pour l’opération Prosperity Guardian fin 2023 dont les missions sont redondantes, l'association des armateurs français presse néanmoins ses artisans à la mettre en œuvre rapidement et à définir et préciser « les moyens et modalités ».
Sur le sujet, la position d’Armateurs de France est celle du gouvernement français, à savoir une posture défensive de sécurité maritime pour éviter toute escalade dans une région, toujours au bord de l’embrasement.
L’organisation, qui représente une centaine de sociétés, attend une collaboration de l’ensemble des moyens militaires (de protection) déployés sur la zone en protection des navires civils. Édouard Louis-Dreyfus, le président d’Armateurs de France, doit s’entretenir sur ces sujets avec le secrétaire général de la Mer Didier Lallement.
L'opération Atalante érigée en exemple
« Il est essentiel que ces opérations s’appuient sur les systèmes d’alerte et de partage d’informations sécuritaires existants, en particulier le MSCHOA [Maritime Security Centre-Horn of Africa, basé à Brest, NDLR] de l’UE », explique Armateurs de France.
Toutes les associations des armateurs ayant réagi à cette heure appellent à une étroite coordination avec la mission Atalante afin de « contribuer à la sécurité maritime avec des partenaires partageant les mêmes idées dans la zone d'opération », indique Sotiris Raptis, le secrétaire général de l'ECSA (armateurs européens).
Les pirates somaliens mis au pas
Lancée en décembre 2008 pour lutter contre la piraterie maritime dans l’océan Indien, épicentre mondial des attaques entre 2001 et 2012, l’opération mise en œuvre par l'UE dans le cadre de l'Eunavfor et de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), en collaboration avec l’opération Ocean Shield de l'OTAN et la Combined Joint Taskforce-Horn of Africa des États-Unis, est souvent mise en exergue pour ses résultats.
Au large des côtes somaliennes, les pirates originaires de ce pays situé à l'extrémité orientale de la corne de l'Afrique, dans le golfe d'Aden. ont été mis au pas et les incidents de piraterie et de vol à main armée se sont raréfiés (excepté une récente reprise, non sans liens avec les événements en mer rouge).
En revanche, le golfe de Guinée est devenu un repaire pour les flibustiers où des initiatives similaires ont été vivement sollicités par les exploitants de navires, Maersk en tête.
Le World Shipping Council (WSC), organisation basée à Washington et représentant le transport maritime de ligne, fait aussi référence à cette collaboration.
« La mer Rouge est une route essentielle pour le commerce européen et pour la connectivité internationale de l'UE, estime encore nécessaire de rappeler le secrétaire général de l'ECSA. Il est essentiel de protéger les routes maritimes clés et le principe international de la liberté de navigation pour garantir la sécurité énergétique, alimentaire et de la chaîne d'approvisionnement de l'Europe ». Des expressions qui font mouche depuis l'expérience du Covid, qui a révélé certaines fragilités quand il ne s'agit pas de maillons faibles alarmants.
Malgré la montée des barrières commerciales, qui vont de pair avec celles des tensions géopolitiques, les mers restent un vecteur essentiel à l'économie mondiale et la crise de la mer Rouge révèle à quel point les routes maritimes sont exposées à toutes sortes de menaces.
Adeline Descamps
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