Sensibilité extrême à la conjoncture pour le port de Hambourg en 2022

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Le premier port allemand a été particulièrement impacté par les conditions économiques et géopolitiques alors qu’il avait été, ces dernières années, pénalisé par le chantier d’approfondissement de l’Elbe, par son exposition aux échanges asiatiques et la congestion de ses terminaux. Le conteneur est encore à la peine mais les marchandises générales sont en forme. Hambourg reste le champion européen de l’usage du rail.

Non seulement, le port allemand de l’estuaire de l’Elbe n’a pas réussi à inverser la trajectoire des neuf premiers mois de l’année 2022 mais a, au contraire, foré un peu plus profond. Le dernier trimestre lui aura été particulièrement préjudiciable. Alors qu’entre janvier et septembre, 91,8 Mt avait été manutentionnées sur les quais des terminaux de Hambourg, soit 4 Mt de moins (- 4,3 %) qu’à la période équivalente de 2021, l’ensemble de l’année s’est soldée par un repli de 6,8 %, à 119,9 Mt, dont 69,6 % à l’import.

« La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, ainsi que les problèmes de la chaîne d'approvisionnement mondiale causés par la pandémie, ont impacté les trafics au cours de l'année. À cela se sont ajoutés des conflits sociaux au début du second semestre et une inflation très élevée au cours de l'automne, qui a fait chuter les dépenses de consommation », énumère Axel Mattern, directeur du marketing au port de Hambourg.

La Russie en cause dans la baisse des vracs

La baisse des vracs est directement et indirectement imputable au durcissement des sanctions contre la Russie, fait-il valoir. Avec 36,2 Mt, les volumes sont en chute de 8,9 % globalement, de 6,3 % (20,2 Mt) pour les marchandises sèches et de 15,2 % (10 Mt) pour les liquides. Là encore, la dégradation est manifeste par rapport aux neuf premiers mois de l’année, où les marchandises sèches étaient certes en pertes mais de façon moins marquée (- 3,8 %).

Les vracs représentent cependant moins de 30 % de l’activité portuaire de Hambourg. Ce sont surtout les marchandises diverses qui constituent l’essentiel du trafic (83,7 Mt) mais elles plombent l’ensemble en se contractant de 5,8 %, une baisse bien plus appuyée que sur les trois premiers trimestres. Le segment est tiré vers le bas par les conteneurs. En revanche, la tendance pour les marchandises générales conventionnelles a été positive (+ 11,2 %) mais les tonnages en jeu sont mineurs (1,4 Mt).

Plus de conteneurs en sortie qu’en entrée

Á 8,3 MEVP, la boîte est en repli de 5,1 % (8,7 MEVP en 2021). Si la tendance était positive au premier semestre, les affaires se sont ensuite dégradées, le quatrième trimestre se soldant pour un décrochage de 12,3 %. « À l'approche de Noël, le dernier trimestre devrait normalement être marqué par une hausse des volumes. Cela n'a pas été le cas l'année dernière en raison des coûts élevés de l'énergie et des effets de stocks dans l'industrie », justifie Axel Mattern, qui fait référence à l’ajustement des stocks, notamment dans la vente au détail et des grandes marques de consommation face à l'affaiblissement de la demande des consommateurs, eux-mêmes refroidis par l’inflation.

Symptomatique. Avec 4,2 MEVP, les entrées des conteneurs sont en retrait de 6,1 % alors que les boîtes en sortie n’ont diminué « que » de 4,1 % par rapport à l'année précédente.

La Chine en tête 

En 2022, la Chine était encore en haut de liste des pays partenaires avec 2,46 MEVP, cependant en baisse de 3,8 %. Une donnée à mettre en perspective avec les débats politiques qui ont animé l’an dernier le Bundestag quand il s’est agi de l’entrée de Cosco Shipping Ports, filiale du groupe chinois de transport maritime éponyme, au capital d’un des terminaux à conteneurs de Hambourg (le Container Terminal Tollerort, CTT), qu’exploite le manutentionnaire allemand HHLA.

Le gouvernement d’Olaf Scholz a finalement tranché fin octobre, contre l’avis négatif de la Commission européenne et en dépit de l’opposition de six ministères fédéraux (Économie, Intérieur, Défense, Finances, Transports et Affaires étrangères). Cosco pourra donc devenir actionnaire aux côtés de HHLA non sans avoir consenti de voir sa participation rabotée à 24,9 %, au lieu de 30 % initialement négociés.

Entre la première annonce en 2021 et la fin du feuilleton, la donne a changé outre-Rhin. L’Allemagne a élu un gouvernement de coalition composé de sociaux-démocrates, de verts et de libéraux, qui a vu le ministère de l’Économie basculer dans le camp des Verts, moins ouverts à l’idée de vendre les actifs stratégiques, a fortiori pour tomber dans l’escarcelle d’un groupe contrôlé par des intérêts d’État chinois. Par ailleurs, l’attaque de la Russie contre l’Ukraine a brutalement mis en exergue l’extrême dépendance de l’Allemagne à l’égard des investissements étrangers, notamment des gazoducs acheminant du gaz russe, ce qui a rendu le gouvernement plus regardant, d’autant qu’il s’agit du troisième port européen.

L’affaire détonne car le groupe chinois prend pied dans un port où aucun de ses concurrents n’est impliqué, excepté Hapag-Lloyd, qui détient 25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder (CTA).

La Chine reste incontestable bien que contestée

Derrière la Chine, mais avec une bien moindre influence, les échanges conteneurisés avec les États-Unis s’établissent à 605 000 EVP, également en baisse de 2,1 %. Surprenantes, les relations avec la Pologne dont les volumes, à 294 000 EVP, ont augmenté de près de 25 %, ce qui place le pays en quatrième position. Le port n’a pas renseigné cet aspect. Un autre signal positif a été émis par le Canada, avec des flux en hausse de 6,6 % pour atteindre au moins 196 000 EVP, ce qui hisse le pays parmi les dix premiers partenaires.

Alors que la Russie était un des quatre premiers partenaires de l’Allemagne, les relations tiennent désormais à un fil ténu, de 80 000 EVP, soit à peine cinq porte-conteneurs de la taille qui fréquente habituellement le port hanséatique. Le pays de Vladimir Poutine est rétrogradé à la vingt-septième place dans le classement des partenaires commerciaux.

Le train sur les rails

Sur les 8,3 MEVP, 5,4 millions de conteneurs ont été destinés à l’hinterland. Le rail a conservé sa part modale habituelle de 50,5 %, avec 2,71 MEVP (2,2 % par le fleuve avec un peu plus de 118 000 EVP et 47,3 % par la route). Le transbordement est en baisse, de 3,3 à 2,9 MEVP.

Tous tonnages confondus, sur les 88 Mt destinés à l’hinterland, le report modal par le fer est encore plus important (54 %) pour 37,6 % par la route et 8,2 % par le fleuve.

Moins de visites mais de plus grands porte-conteneurs en escale. Le port est fréquenté par des navires de plus en plus grands. Les escales de la classe des megamax (18 000-24 000 EVP) ont augmenté de 6 % en 2022 (au nombre de 234) alors que les 14 000-18 000 EVP sont en hausse de 5 % (126), les unités de 10 à 14 000 EVP s’effaçant. « Le nombre croissant de porte-conteneurs de taille megamax résulte de l'ajustement du chenal, même avec sa profondeur temporairement réduite. Les compagnies maritimes se sont rapidement adaptées aux nouvelles conditions », estime le directeur du développement. Mattern.

La transformation du port enclenchée ?

Le port de Hambourg est en train de se préparer à de nouveaux produits et volumes, vante l’autorité portuaire. « Sa transformation en un centre énergétique de pointe a déjà commencé ». L’an dernier, l’accord signé avec le producteur d'hydrogène Air Products, grand, qui visait à étudier la faisabilité d'une chaîne de valeur ajoutée autour de l'hydrogène dans le port, s’est matérialisé par l’annonce de l’implantation, sur le site d'Oiltanking Deutschland, du « premier grand terminal d'importation d'hydrogène vert en Allemagne » .

Adeline Descamps

 

Les résultats de HHLA à l’image de ceux du port de Hambourg

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