Dans ce dossier, l’éventualité d’un blocage était plutôt identifiée du côté de Bruxelles. La Commission européenne a manifesté à plusieurs reprises la volonté de restreindre les investissements chinois dans les entreprises européennes tant qu’il n’y avait pas réciprocité dans les affaires. Or, si le feu vert était donné, Cosco renforcerait son ancrage en Europe du Nord, où il détient des participations à Zeebrugge, Anvers et Rotterdam, alors qu’au Sud, il est propriétaire du Pirée (Grèce) et est actionnaire à Vado Ligure (Italie), à Bilbao et à Valence (Espagne).
S’il prendrait pied dans le plus grand port allemand, où aucun transporteur maritime n’est impliqué dans les terminaux excepté Hapag-Lloyd (25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder), rien ne laissait supposer que l’entrave pouvait venir de l’intérieur. Un signal clair : le conseil de surveillance du manutentionnaire allemand HHLA avait approuvé in extenso le projet.
Les codes ont changé
Or, la donne a changé outre-Rhin. L'Allemagne a élu un gouvernement de coalition composé de sociaux-démocrates, de verts et de libéraux, qui a vu le ministère de l'Économie basculer dans le camp des Verts, par essence moins réceptifs, voire hermétiques, à l’expansion des grandes infrastructures.
Par ailleurs, l'attaque de la Russie contre l'Ukraine le 24 février a brutalement mis en exergue l’extrême dépendance de l'Allemagne à l'égard des investissements étrangers, notamment dans les pipelines et les terminaux de stockage, ce qui a rendu le gouvernement plus regardant d’autant qu’il s’agit du troisième port européen derrière Rotterdam et Anvers.
La presse allemande soutient que le ministre allemand de l'Économie, Robert Habeck, aurait l'intention de bloquer la vente. En revanche, le chancelier allemand (et ancien maire de Hambourg), Olaf Scholz, parait plus disposé à la laisser se réaliser. Le dossier devrait prendre plus de temps que prévu…
Cosco en négociation avec HHLA pour entrer au capital d'un terminal à Hambourg
Assurance sur volumes avec Cosco
Le 21 septembre 2021, trois mois après avoir entamé les discussions, HHLA et l’opérateur de terminaux portuaires chinois Cosco Shipping Ports avaient annoncé avoir abouti à un accord en vue d’une prise de participation minoritaire de 35 % du groupe chinois dans le terminal à conteneurs allemand Tollerort (Container Terminal Tollerort, CTT), l’une des trois infrastructures qu’exploite HHLA à Hambourg. Par rapport au CTA et au Container Terminal Burchardkai (CTB), Tollerort est la plus petite des trois installations. Son linéaire de quai de 1 200 m avec quatre postes d'amarrage et 14 portiques, à un tirant d'eau maximal de 15,1 m, lui permet cependant d’accueillir des porte-conteneurs de 20 000 EVP, a toujours défendu HHLA. Avec Cosco, ce serait l’assurance d’un poste d'amarrage supplémentaire pour pouvoir traiter les mégamax.
HHLA, qui règne en maître à Hambourg (Eurogate y exploite un seul terminal), y voit pour sa part une opportunité de sécuriser des volumes d’autant que ces deux dernières années, les problèmes de congestion ont poussé Maersk et MSC à rediriger une grande partie de leurs flux vers Bremerhaven. Une alerte.
Avec Cosco, quatrième armateur mondial de porte-conteneurs en actionnaire, le CTT deviendrait le hub de transbordement en Europe du Nord du Chinois comme Le Pirée l’est pour l'Europe du Sud. La Chine est en outre le premier partenaire commercial du port Hambourg depuis quelques années déjà. Près d'un conteneur sur trois, traité à Hambourg, a pour origine la Chine ou est destiné au marché chinois.
Adeline Descamps