Quand l’Afrique commerce avec l’Asie grâce à des armements européens 

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En quelques jours, deux opérations ont redistribué les cartes de la desserte portuaire ouest et centre-africaine. MSC Shipping a finalisé son entrée au capital de l’opérateur italien Linea Messina, qui opèrent depuis 2017 un service commun vers l’Afrique de l’Ouest depuis la Méditerranée. Hapag-Lloyd vient d'annoncer l’acquisition du néerlandais Nile Dutch, spécialiste historique de la route Europe-Afrique et des marchés dits « Nord-Sud ». Avec cette nouvelle concentration entre armements européens se dessine une perspective pour le moins originale​.

Les nostalgiques se rappelleront la pléthore d’opérateurs maritimes qui offraient des services directs sur cette route Nord-Sud remarquable par l’importance des touchés portuaires réalisés autant en Europe-Med que sur la rangée Nouakchott-Durban. En 2021, il persiste encore une vingtaine de compagnies mais la concentration des actifs entre quelques mains ne cesse de s’intensifier.

Avec l’annonce de l’acquisition de NileDutch par Hapag-Lloyd, 80 % des capacités totales conteneurisées déployées sur les marchés ouest et centre africains se concentrent sur quatre armements, tous européens. PIL et Cosco complètent la liste des armements qui déploient plus de 150 000 EVP de capacité annuelle sur cette aire de marché au taux de croissance supérieur à 5 % ces dernières années malgré la chute des cours des matières premières qui impacte des géants économiques et démographiques comme le Nigéria ou l’Angola.

Hapag-Lloyd acquiert le spécialiste de l'Afrique NileDutch

Préférence aux ports dits de gateway

Hapag-Lloyd voit dans cette acquisition le moyen de compléter une desserte ouest et centre-africaine qui concerne près de 50 ports commerciaux au service d’une trentaine d’économies nationales maritimes et enclavées. NileDutch, qui fête 40 années de présence africaine, apporte une connaissance historique de marchés segmentés qui demeurent de facto de niches au regard des volumétries totales transportées.

Avec des navires de petite et moyenne taille, le néerlandais dessert des ports dits secondaires de l’Afrique centrale avec une forte pénétration sur l’Angola. En cela, Hapag-Lloyd étend sa couverture de marché et complète une offre qui privilégie plus des ports dits de gateway comme Abidjan, Téma ou Lagos dans le Golfe de Guinée.

Plus d’un conteneur sur deux de/vers l’Asie

 Paradoxe de l’histoire, la domination armatoriale européenne ne s’explique plus par la puissance des liens commerciaux entre les marchés africains et européens. Les économies subsahariennes de l’ouest et du centre du continent commercent dorénavant plus avec le Moyen-Orient, le sous-continent indien et l'Extrême-Orient. L’organisation des services maritimes de lignes régulières en témoigne.

Au 31 mars 2020 et avant les perturbations générées par le coronavirus, plus d’un conteneur sur deux déployé sur les marchés ouest et centre africains est en provenance ou à destination de l’Asie contre moins de 40 % pour les marchés européens et méditerranéens. CMA CGM et MSC ont été les pionniers d’un déploiement d’unités supérieures à 10 000 EVP avec des rotations directes qui ont permis de conforter des hubs sous-régionaux comme Pointe-Noire et plus récemment Lomé au Togo.

Messina et MSC, le dénouement

Quelles futures organisations en dehors des segments « Nord-Sud » ?

L’acquisition de NileDutch par Hapag-Lloyd dépasse les seuls segments qui relient l’Afrique aux économies de l’hémisphère nord. Il reste des interrogations : comment le transporteur allemand va organiser ses futures rotations en tenant compte de l’héritage de NileDutch sur ces marchés latino-américains qui ressemblent dans une certaine mesure à ceux de l’Afrique subsaharienne ? Quelles seront les ambitions de l’entité consolidée sur les services intra-Afrique, force historique de Nile Dutch ?

Avec la ratification de la zone de libre-échange continentale africaine, qui a créé au 1er janvier 2021 l’un des plus grands marchés du monde, la question des services maritimes sous-régionaux africains pourrait stimuler de nouvelles concurrences dans un marché international toujours plus concentré.

Yann Alix (délégué général de la Fondation Sefacil)

NDLR : La Fondation Sefacil est un centre de ressources et de recherches portuaires et maritimes

 

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