À l’instar de son homologue du nord, Haropa Port, le port du sud de la France a retrouvé à l’issue du premier semestre sa dynamique de croissance antécovidienne, notamment pour les conteneurs (+ 2 % par rapport à la même période de 2019), les véhicules neufs (+ 18 %), les vracs chimiques (+ 11 %) et les solides (+ 11 %). Par rapport à l’avant crise sanitaire, seuls les trafics de vracs liquides sont en retrait (- 7 %) malgré une hausse de 6 % par rapport à 2019.
À l’heure de commenter le premier semestre 2020, Hervé Martel, le président du directoire du Grand port maritime de Marseille, avait été extrêmement prudent, estimant que le GPMM mettrait deux ans pour recouvrer les niveaux de trafic de 2019, soit une sortie du tunnel en 2022. Finalement, si la tendance de ce premier semestre se confirme sur l’ensemble de l’année, la période d'atonie anticipée pourrait être plus courte que prévu.
38 Mt, + 13 %
Le port phocéen a soldé les six premiers mois de l’année sur un trafic de 38 Mt, en progression de 13 % par rapport à la même période de 2020, année de référence qui n’a pas beaucoup de sens compte tenu du contexte.
Il y a un an, fin juin, les trafics globaux accusaient un repli de 15 % (33,6 Mt) par rapport à 2019, reflétant à la fois une situation internationale (le « lockdown » planétaire, la chute de la consommation mondiale, l’arrêt de nombreuses industries), mais aussi la crise nationale provoquée par le projet de réforme des retraites et, enfin, les difficultés locales de certaines filières. À l’image du segment des vracs solides (- 20 % en juin 2020), impacté par deux dossiers en souffrance de façon structurelle (car induisant des réductions sur les flux et les volumes) sur le territoire phocéen : ArcelorMittal (10 % des escales et 15 % des tonnages du port), rattrapé par la crise européenne de la sidérurgie mais aussi par le verdissement de ses activités, et Alteo, spécialiste de l’alumine de spécialité, qui était alors en redressement judiciaire.
Avec plus de 6,3 Mt traitées fin juin, excepté le trafic de céréales, dont la campagne en cours est mauvaise, tous les vracs solides sont concernés par le redressement en flèche (+ 32 %), y compris la filière sidérurgie avec une hausse de 46 % comparé à 2020 et de 7 % par rapport à 2019.
Le conteneur redresse la barre
À Marseille, comme ailleurs, le conteneur, étalon de l’insertion d’un port dans l’économie mondiale, a beaucoup souffert de la situation l’an dernier (- 17 % en EVP et - 14 % en tonnage). Le prix à payer était d’autant plus difficile à accepter que le port phocéen enregistrait depuis plusieurs années une croissance plutôt supérieure à ses concurrents européens.
Il a repris des couleurs avec une croissance de 21 % par rapport au premier semestre 2020, s’établissant à 754 650 EVP. Une performance au regard des perturbations dans le transport maritime : la congestion dans les grands hubs portuaires entraîne des ajustements dans les escales et affecte les transit time…
Le roulier tire l’activité des marchandises diverses
Outre les vracs solides et les conteneurs, les marchandises diverses (avec plus de 10 Mt) retrouvent aussi de l’allant (+ 19 %). Ce segment est notamment tiré par le ro-ro, l’activité des remorques étant en hausse de 31 % et les véhicules neufs de 63 %, ce qui conforte la direction portuaire dans ses arbitrages stratégiques puisque cette activité a été identifiée parmi les relais de croissance.
Les vracs liquides restent en difficulté, ce dont témoigne la très faible croissance (celle-là significative) de 6 % par rapport à 2020 et même en repli de 9 % sur l’année 2019. La filière est plombée par le trafic de pétrole brut et raffiné, sanctionné par la loi de l’offre et de la demande, la consommation étant encore en berne.
Hors hydrocarbures, les vracs liquides compensent le repli
À fin juin 2021, en cumulé, les vracs liquides ont représenté 21,33 Mt. Hors hydrocarbures, les autres segments se portent mieux : le GNL est en légère croissance de 4 % par rapport à 2020 et de 6 % versus 2019. Marseille-Fos nourrit de grandes ambitions à cet égard, espérant se positionner en tant que hub en Méditerranée, statut contesté par Barcelone qui a contracté avec Shell. Le port phocéen est porté par la dynamique de Total et CMA CGM, les porte-conteneurs de 15 000 EVP au GNL desservant la ligne Asie-Méditerranée de l’armateur français seront avitaillés au départ de Marseille.
Durant l’année de confinement, il a éprouvé sa capacité à avitailler en GNL des paquebots, notamment le Costa Smeralda qui y a stationné alors que les opérations de croisière étaient suspendues dans le monde.
« Le port de Marseille Fos est sur une bonne dynamique et profite d’une conjoncture favorable notamment sur les vracs solides et sur le conteneur. Sur ce dernier segment, on peut noter que fin 2020, le port a livré aux manutentionnaires un nouveau quai de 300 m de long et 17 m de tirant d'eau, offrant un linéaire total de déchargement de 2,6 km. Un aménagement qui est arrivé à point nommé, permettant au port d’absorber une plus grande charge : plus de navires, plus de marchandises, plus de zones de stockage et donc plus de performance sur les opérations » indique dans un communiqué Hervé Martel.
Le passager, à l’écart de la reprise toujours
Le transport maritime de passagers reste pénalisé par le contexte sanitaire : - 22 % de passagers comparé à 2020 et - 81 % par rapport à 2019. Marseille reste très exposé à ces trafics, du fait de sa position géographique, face au Maghreb, dont les pays alternent ouverture et fermeture, de la proximité de la Corse, mais surtout de son incroyable ascension dans la croisière, qui n’a été autorisée à reprendre ses activités que tout récemment. En 2020, alors que le trafic de fret était sanctionné à hauteur de 15 %, l’activité passagers l’était à hauteur de 75 à 80 %.
Investissements de demain
Pour rappel, le port de Marseille a bénéficié d’une enveloppe de 33 M€ dans le cadre du plan de relance. Ils contribueront à financer les projets d’investissements définis depuis plusieurs années, notamment sur le ferroviaire, l’électrification à quai, le terminal international pour les passagers de Cap Jamet…
Parmi les dossiers en instance, le GPMM a lancé en début d’année, une série d’appels d’offres – par tranches – portant sur le réaménagement des bassins Est, terminaux implantés dans la ville (10 % des trafics fret et 100 % des passagers). L’affaire avait suscité une vive réaction de l’UMF de Marseille, manifestement en désaccord avec la vocation des usages. La communauté portuaire souhaite l’adaptation des terminaux rouliers à l’accueil des grands ro-pax, la Méditerranée étant gagnée par la massification à l’image de l’Europe du Nord.
L'accessibilité nautique du GPMM est actuellement limitée à des rouliers et car carriers de 175 à 200 m alors que les navires croisant en Méditerranée mesureraient déjà entre 220 à 240 m.
Quoi qu’il en soit, les incertitudes, qui constituent la ligne d’horizon de bien des activités qui « font vivre » les ports, n’ont pas généré à Marseille une revoyure des investissements programmés.
Adeline Descamps