Le tribunal de commerce de Marseille a rendu sa décision ce 7 janvier sur la reprise d’Alteo, le spécialiste de l'alumine de spécialité basé à Gardanne dans les Bouches-du-Rhône. Il ne restait plus en lice qu’un projet, de bien plus faible valeur pour le port de Marseille. Alteo n’est pas le seul dossier en souffrance. Reconfiguation des terminaux en persepective.
C’est peut-être une bonne nouvelle pour la pérennité de l’entreprise, le maintien d’une partie des emplois et d’une activité sur Gardanne mais elle donne un coup de canif dans une activité industrielle historique et néanmoins controversée en raison de son rejet de boues rouges dans la Méditerranée. Elle mord aussi dans les flux portuaires.
Le tribunal de commerce de Marseille a rendu sa décision le 7 janvier concernant la reprise du spécialiste de l'alumine de spécialité, en redressement judiciaire depuis décembre 2019, après avoir été sévèrement chahuté par la crise du marché mondial de l'aluminium. Depuis le 8 décembre, il n’y avait plus qu’un seul candidat en lice pour cette usine qui transforme la bauxite, une roche rouge importée notamment de Guinée, en alumine de spécialité, entrant dans la fabrication de nombreux biens intermédiaires et d’équipements. Xavier Perrier, ex-directeur de l'usine qui portait un projet concurrent avec l'industriel Alain de Krassny, propriétaire de l'entreprise chimique Kem One, avait jeté l’éponge faute d’avoir obtenu une réponse quant à sa demande auprès de l’État d’un prêt garanti de 50 M€. Il restait donc l’offre du groupe de logistique guinéen, United Mining Supply (UMS), adressée par l'homme d'affaires franco-libano-guinéen Fadi Wazni.
Deux approches de production
Pour le port de Marseille, les deux dossiers n’avaient pas tout à fait la même valeur. Le projet d'UMS est du point des trafics la solution moins-disant. Car il suppose l'arrêt de l'importation de bauxite. Le process de production d’UMS ne nécessite en effet plus d'importation de bauxite, remplacé par de l’hydrate d’alumine mais dans des volumes plus de deux fois inférieurs. Raffiner sur place permet de ne plus avoir à stocker les résidus de bauxite, objet du courroux des riverains et associations environnementales.
Xavier Perrier proposait de maintenir des importations de bauxite, avec en outre un four pour sécher des produits finis qui auraient été réexportés vers l'Afrique. Cette proposition aurait donc permis à la fois de maintenir le trafic de bauxite à l'import (1 Mt selon des données qui datent de 2018) et de le développer à l'export, lequel est faible aujourd’hui, à 60 000 t, soit 7 000 conteneurs.
Vracs solides en mauvaise passe
Alteo, dont dépendent 600 emplois et un réseau de sous traitants, n’est pas le seul dossier qui hypothèque les trafics de vracs solides (4,9 Mt). À l’issue des six premiers mois de l’année 2020 (données consolidées non disponibles), le segment avait accusé un repli de 20 %. Le semestre avait été fortement impacté par la baisse de régime d’ArcelorMittlal dû à l’arrêt de hauts-fourneaux. De lui dépend aussi le maintien d’une activité qui irrigue une sous-traitance importante (5 000 emplois directs et indirects concernés localement). Mais l’enjeu n’est pas seulement une question de droits de ports même si le sidérurgiste représente 10 % des escales et 15 % des tonnages du port, rappelait Hervé Martel, le directeur général du port, dans un entretien au JMM en juillet. « Il faut trouver un modèle qui soit conomiquement viable avec un positionnement concurrentiel face à des produits d'importation à bas coût. Réinventer une industrie durable est un enjeu stratégique pour ce territoire, a fortiori à Fos-sur-Mer, la zone industrialo-portuaire. »
L’acier d’une voiture sur deux qui circule en Europe sort des hauts fourneaux d’Arcelor mais les marchés de l'industrie automobile restent déprimés par la crise sanitaire. Et structurellement, le sidérurgiste européen, propriété de l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal depuis son OPA réussie en 2006, ne joue pas à armes égales face à une concurrence décomplexée qui n’est pas soumise de surcroît aux exigences des réglementations européennes en matière d'émissions de CO2.
Reconfiguration des terminaux de vracs solides en jeu
Pour le port de Marseille, le repositionnement d’Alteo et le verdissement des process industriels d’ArcelorMittal mettent à mal (de façon structurelle) ses terminaux de vracs solides. Ces éléments viennent s’ajouter la reconversion de la centrale à charbon de Gardanne qui doit fermer définitivement dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le président Emmanuel Macron ayant arrêté le fait que la France fermera d'ici à 2022 ses quatre dernières centrales à charbon dont celle de Gardanne. Le site, qui est déjà l'arrêt, ne donc redémarrera pas.
Le port de Marseille s’y prépare depuis quelque temps. Mais la reconfiguration imposée des terminaux de vracs solides n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. « En termes de manutention, le volume importe plus que le poids. Cela conduit nos terminaux à se repositionner sur des trafics différents. Mais il se peut que certains d’entre eux soient plus créateurs de valeur que les trafics antérieurs. On travaille avec ArcelorMittal pour l’accompagner sur l’ensemble des projets de verdissement de ses process industriels. Clairement, l’introduction de ferraille dans le processus sidérurgique nous amène à réfléchir à de nouvelles filières d’importation de ferraille pour alimenter ces usines », parie Hervé Martel.
Adeline Descamps